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Catégorie : Actualité
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Secheresse à Diego Suarez
A quelques jours du retour des pluies, l'insuffisance d'eau, chronique en cette saison, se fait sentir de plus en plus durement, particulièrement dans les quartiers populaires dont les habitants doivent s'organiser pour pouvoir disposer d'une ration journalière minimale.

La question de l'approvisionnement de la ville en eau potable n'est pas nouvelle : dès les premières années de l'installation des Français à Diego Suarez, ce problème était récurrent (voir l'article d'histoire en page 10). Actuellement, ce problème devient critique et depuis quelques semaines ce sont plusieurs quartiers de l'agglomération qui ne reçoivent plus qu'un mince filet d'eau, parfois intermittent.

« Il faut déposer notre seau à la fontaine publique vers 3h du matin », témoigne de son côté une habitante de Morafeno, « et si nous tardons, nous serons obligés d'acheter des jerrycans, de 20 à 30 Ar les 15 litres à la borne fontaine, ou à 500 Ar les deux jerrycans livrés par un « roana »(porteur d'eau), cela fait entre 500 et 1000 Ar par jour à dépenser pour les besoins de ma famille en eau », poursuit cette dame, la sueur au front, en attendant que le mince filet d'eau qui sort de la borne fontaine soit suffisant pour remplir son seau. A Ambohimitsinjo, près du Lycée technique, il n'y a pas d'eau toute la journée. Il y a seulement un filet d'eau vers 14h certains jours, mais l'eau ne coule régulièrement qu'entre 19h et 6h. Les quelques privilégiés qui disposent d'un robinet chez eux peuvent faire des réserves, les autres sont obligés d'attendre patiemment devant la borne fontaine, voire de déléguer une personne par nuit pour surveiller les quelques heures cruciales où coulera l'eau afin de prévenir les voisins endormis. C'est toute une organisation qui doit être mise en place. Les lavandières font leur linge à minuit...
Les quartiers les plus affectés sont la Scama Est, Morafeno, Soafeno. Mais le centre ville n'est pas épargné et tous les bâtiments comportant plusieurs étages sont également affectés. La solution pour ceux-ci est l'installation d'un surpresseur et de réservoirs, qui hormis leur coût d'achat, entraînent une consommation électrique supplémentaire...

Un système gravitaire tributaire des sources


Le système d'adduction d'eau de l'agglomération de Diego Suarez date en grande partie de l'époque coloniale. Il consiste principalement en un captage dans la montagne d'Ambre dont l'eau est acheminée par une conduite jusqu'à la station d'épuration de la JIRAMA (au PK6). L'eau est ensuite stockée dans des châteaux d'eau (PK6 et Av. Lally Tollendal)avant d'être répartie dans les différents quartiers.
Ce système est appelé « gravitaire » puisqu'il repose sur le simple écoulement de l'eau par gravité -par opposition aux systèmes reposant sur des forages. S'il constitue une facilité à l'installation, il est tributaire des écoulements naturels des sources dont le débit varie grandement en fonction des saisons.
Si les anciens parlent de dix sept sources qui coulaient de ce coté de la Montagne d'Ambre, cinq ont tari ces dernières années, probablement en raison de la disparition rapide du couvert végétal. La pression exercée sur ce bassin versant par les cultures contribue également à diminuer l'eau disponible pour le réseau de la ville. Le captage de la JIRAMA est en effet situé en aval des zones de culture -du riz et du katy notamment, et plusieurs déviations vers ces zones réduisent considérablement le débit disponible
Interrogé sur ce sujet, le Directeur inter-régionnal de la JIRAMA rappelle que sa société n'est que l'exploitante du réseau d'adduction et que c'est aux autorités locales et régionales que revient la responsabilité de la gestion rationnelle des ressources, et notamment du contrôle et de la lutte contre les « dérivations sauvages ».
La faible quantité disponible fait que les réservoirs ne se remplissent pas suffisamment pour permettre un débit convenable, en particulier aux extrémités du réseau. La JIRAMA est donc contrainte de procéder à des « équilibrages » qui ne sont pas sans rappeler les « délestages » dans un autre domaine...
Actuellement, la consommation journalière de la ville est estimée à 20 000 m3. En période d'étiage (basses eaux), le réseau ne peut en fournir qu'environ 18 000.
Additionné avec les pertes dues à la vétusté du réseau et aux dégradations perpétrées pour se fournir gratuitement par certains, c'est au total presque 20% de capacité qu'il manque au réseau pour assurer un approvisionnement régulier à une agglomération dont la croissance de la population est rapide.
Conscient de ce fait, le Directeur de la JIRAMA évoque des projets d'extensions avec de nouvelles stations de captage et de traitement en amont de la ville. Mais ces investissements ne seront possibles qu'en unissant les efforts de toutes les entités concernées : la JIRAMA, mais aussi les ministères de tutelle, la Région, la Mairie de Diego Suarez et celles des communes voisines.
A court terme cependant, la solution viendra du retour des pluies que tout le monde commence à appeler de ses voeux.