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Catégorie : Economie
Publication :
Zama Marcellin et sa femme, planteurs de vanille depuis quatre générations
Zama Marcellin et sa femme, planteurs de vanille depuis quatre générations

« L’or vert » de la côte nord-est de Madagascar est sans conteste sa production de vanille à la réputation inégalée sur toute la planète. Malgré de graves difficultés ces dernières années avec notamment la montée d’une forte concurrence est-asiatique, la filière se maintient et fait vivre bon-an, mal-an des centaines de familles de la région SAVA. Rencontre avec Zama Marcellin et sa femme, planteurs de vanille de père en fils depuis quatre générations

LTdS : Comment devient-on planteur de vanille ?
M. Zama :
J’étais encore jeune, quand je suivais mon grand père au champ de vanille. A vrai dire, ma famille possédait plusieurs concessions dont elle a hérité de génération en génération. Mon grand père me racontait que la situation géographique de notre village lui avait épargné l’occupation des colons, car c’était une zone enclavée, qui n’avait aucun intérêt stratégique aux yeux des troupes de Gallieni. A la mort de mon grand-père, mon père a naturellement hérité de ses concessions (il avait deux sœurs qui sont parties épouser des fonctionnaires, et qui n’avaient pas vraiment le goût de la vie en brousse). Puis, à la mort de mon propre père, mes frères et moi-même avons continué à rentabiliser les concessions familiales, en essayant d’avoir un peu plus d’ouverture au marché que nos propres parents, mais c’est assez difficile, la technique vanillière étant quelque chose de compliqué et de figé à la fois.

LTdS : Voulez-vous en expliquer les différentes étapes ?
M. Zama :
La vanille étant une orchidée nécessitant beaucoup d’eau, plante lianiforme incapable de se dresser à la verticale par elle-même et plante parasite se nourrissant en partie des autres, sa culture nécessite de longues années d’expérience. Sur une plante mature, on coupe des lianes d’1m20 de longueur qui seront ensuite enroulées puis suspendues pour réduire le taux d’humidité. Ensuite, au bout d’une semaine, cette liane doit être mise en terre en ne laissant sortir qu’1cm d’un des bouts, dans un petit trou préalablement rempli de terre fertile. La partie la plus longue est maintenue verticale attachée légèrement sur plusieurs niveaux à un arbre tuteur (vala velona, hintsimbazaha…). Ces arbres tuteurs ont la particularité de produire des feuilles touffues qui repoussent très vite. Ceci est avantageux puisque l’ombrage des plantes de vanille doit être régulé et contrôlé. Le cycle de repousse des feuilles de tuteur permet de maintenir le bon niveau d’ombre requise. Le débroussaillage doit se faire avec attention pour ne pas couper les lianes accidentellement. Les feuilles mortes constituent de l’humus qui engraisse naturellement la terre. La plante, grâce aux soins réguliers du cultivateur, mettra trois ans avant de donner ses premières fleurs. Il est déjà possible de les féconder manuellement à ce moment là, mais pour une meilleure rentabilité, il est préférable de laisser faner cette première floraison, pour ne féconder que la floraison de l’année suivante.

LTdS : On dit que chaque gousse est fécondée à la main à Madagascar. Pouvez vous nous expliquer cette fécondation manuelle ?
M. Zama :
En effet, c’est vrai. Les premiers plants de vanille importés à Madagascar il y a plusieurs centaines d’années n’étaient pas accompagnés des insectes spécifiques qui effectuent naturellement la fécondation des fleurs (comme l’a découvert Edmond Albius en 1841 à la Réunion, rendant ainsi possible la culture de la vanille dans l’Océan Indien NDLR). Pour cela, cette fécondation doit être faite manuellement, avec une épine d’oranger ou un petit bout de bois de même gabarit. La fécondation se fait fleur par fleur selon l’ordre aléatoire des floraisons et ce seulement avant 10h30 du matin pour optimiser le résultat. On soulève le pistil portant le pollen délicatement avec l’épine pour ensuite l’appuyer doucement contre l’ovaire de la plante se trouvant un millimètre en dessous. Selon la délicatesse du manipulateur, le taux de réussite varie de 3 à 70. Chaque fleur qui donne chaque gousse a donc été touchée par une personne. Le cycle aléatoire de pousses des fleurs rend la tâche très difficile parce qu’il faut tout le temps parcourir les champs de plusieurs hectares de long en large avant la fin de la matinée, et recommencer tous les jours pendant toute la période de floraison qui peut durer de un mois et demi à deux mois. Il arrive parfois qu’une liane comporte plusieurs grappes de fleurs. A ce moment là, le cultivateur doit pouvoir faire son choix entre tout féconder et avoir des grappes de petites gousses ou aérer un peu les grappes pour avoir de meilleures gousses. A préciser que même fécondées à différentes périodes, les gousses arriveront toutes à maturité en même temps ce qui explique un peu les différences de longueur. L’entretien de l’ensemble de la plantation se constitue ensuite du contrôle de l’ombrage et du débroussaillage.

LTdS : Puis viens la récolte…
M. Zama :
A leur maturité, les gousses peuvent être gravées sur pied quelques jours avant la récolte avec des tampons métalliques en relief apposant les initiales du cultivateur sur chaque gousse pour décourager les vols. Ce n’est pas obligatoire de graver les gousses ; d’ailleurs les gousses vanilles non gravées sont plus appréciées sur le marché, mais elles ont aussi plus de risque de se faire voler sur pieds. La collecte proprement dite suit un protocole d’organisation et un calendrier strict. L’Etat promulgue la date de début de collecte. Chaque district détermine un village, changeant à chaque fois, comme place de marché. Des grandes assemblées matinales rassemblent cultivateurs et acheteurs. Pourtant, dans ce genre de marché, il ne suffit pas d’avoir de l’argent pour avoir de la vanille : il faut surtout connaître la psychologie et avoir un solide réseau de relations. Les prix ont un plafond en rapport avec la meilleure qualité. Les négociations se font donc sur cette base. Le jeu consiste pour le planteur de vanter les mérites de ses gousses pour en rehausser la valeur et pour l’acheteur d’en repérer et exagérer les moindres défauts pour faire baisser le prix. Les achats se passant d’habitude à plusieurs kilomètres des magasins habituels des collecteurs, ils devront s’assurer de pouvoir trouver un local de location dans les villages d’achat pour s’en servir comme magasin temporaire. Une fois collectées, les gousses nécessitent des contrôles de température ambiante et d’aération pour ne pas pourrir ou moisir. Une gousse contaminée entrainera les autres à s’abîmer aussi. Disposant de véhicules tout terrain, les collecteurs transportent ensuite les tonnes de gousses collectées vers les lieux de préparation.

LTdS : Ensuite, quelles ont les autres étapes ?
M. Zama :
Il faut ensuite l’étuver, la faire sécher, la trier et la calibrer puis enfin l’emballer… (voir encadré)

LTdS : Comment se porte la filière vanille actuellement ?
M. Zama :
La filière vanille dans son ensemble est une longue suite de savoirs faires, d’expériences, de patience mais surtout d’investissement en temps et en argent. Le but de chaque commerce est de générer des bénéfices en préservant sa réputation. Malheureusement pour la vanille malgache, cette réputation est à refaire. Des planteurs, collecteurs et exportateurs trop cupides ont fait des choses honteuses, sans parler des responsables gouvernementaux qui ne réagissent pas suffisamment et de la concurrence brésilienne, mexicaine et réunionnaise. Mais nous ne désespérons pas.


Les étapes de la préparation

Echaudage température 60°c pendant 3mn ;
Etuvage les gousses sont enveloppées dans des draps par quantité de 10kg, et séchées au soleil quelques heures par jour, pour ensuite être laissées enveloppées dans les draps chauds ;
Séchage en plein air ou sur des étagères (sur claies). Classement par type (fendues/ non fendues), par couleur (rouge, Teck, noire), par souplesse : souple (pas trop sec donc très flexible) ou type US (assez sec, ce que les américains préfèrent) ; Cuts (celles qui ont les bouts coupés, et qui ne seront pas mises en bottes, mais plutôt vendues en vrac la plupart du temps) ; Poquées (non fendues, avec des bouts intacts, mais dont une partie des grains sont déjà sortis, ce qui diminuent leur qualité, en les rendant flasques) ;
Calibrage puis mise en botte par quantité de 250g selon trois tailles : 10-11cm, 12-13cm, plus de 14cm.
Conditionnement : soit en les mettant dans des boites en carton, par trentaine de kilos, soit en les mettant dans des boites en métal par cinq kilos, ou encore en les mettant dans des sachets sous vide. Les deux premiers types de conditionnement nécessitent une enveloppe en papier paraffiné au préalable, pour conserver le parfum.
Embarquement : dans des conteneurs loués, ensuite exportation par bateau, mais quelquefois, par avion… Le tout bien sûr avec tous les documents administratifs nécessaires.

■ Luis.K