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Catégorie : Economie
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Des orpailleurs à Betsiaka, au nord de Madagascar
Des orpailleurs à Betsiaka, au nord de Madagascar

Alors que les manifestations d’opposition à l’exploitation minière par Jiuxing Mines à Soamahamanina (région Itasy) faisaient rage, les débats sur ce que rapportent concrètement de telles exploitations à l’économie du pays s’échauffent

La société civile et la presse dénoncent le manque de transparence pour tout ce qui concerne les exploitations minières à Madagascar. S’y ajoute l’absence de dialogue entre, au moins, la population environnant le lieu d’exploitation, l’Administration et l’exploitant. La première n’y voit qu’un moyen pour le troisième d’emporter toute la richesse de sa région (son pays) au détriment de l’environnement et des intérêts du grand nombre. Une population qui considère aussi que les dirigeants en gagnant leurs parts vendent ces richesses aux étrangers. De leur côté, ces dirigeants mettent en avant la répression par les forces de l’ordre, soutenant que les contestataires sont opposants au développement économique. Par souci de transparence et certainement pour que taisent les esprits qui mettent en doute ses intentions, l’exploitant de nickel et de cobalt Ambatovy organise régulièrement des portes-ouvertes, dans la Capitale surtout, pour informer le public sur les opérations qui se tiennent à Moramanga et Toamasina ainsi que leurs impacts sur l’économie, l’environnement, le social dans le pays. Des portes-ouvertes et des informations qui ramènent vers les autres problématiques du secteur minier et l’économie à Madagascar et plus précisément celles de la région nord de Madagascar où se prépare d’autres exploitations contestées telle que celle des terres rares par TantalumEarth Rares (Ampasindava).De plus, pour le moment, Ambatovy, tout comme Qit Madagascar Minerals à Taolagnaro sont les premières et seules grandes exploitations minières (régies par la loi sur les grands investissements miniers) dont les procédés sociaux, environnementaux, économiques, administratifs peuvent être suivis pour que les expériences à la malagasy débutent et pour que les lacunes soient comblées.
Durant ces expositions, Ambatovy affirme que la boue ou pulpe de minerai extraite au gisement « complexe d’Antampombato » ne comporte pas de pierres précieuses ou d’or. La question se pose en effet sur le contenu de cette boue, directement acheminée à Toamasina par pipeline. Et si elle contenait d’autres minerais de grande valeur ? La même question se pose pour l’exploitation qui va se faire à Ampasindava, Ambanja quant à l’extraction de la terre ainsi que leur acheminement avant que les terres rares soient exportées. Pour ce qui est l’industrie extractive Ambatovy, il est soutenu lors de sa porte-ouverte « Il n’y a pas d’or à Ambatovy. La géologie de la mine qui est fortement ferralitique, n’est pas aurifère ». A part le nickel et le cobalt (sous-produit), cette mine de 1600 ha contiendrait à 44 % du fer et d’autres métaux tels que le cuivre, le manganèse, le zinc…, mais « à de faible teneur et de quantité moindre ».

Le raffinage sur place rapporte plus que l’exportation brute

Pour que le secteur minier rapporte à l’économie, il faut que les gisements soient rentables. C’est-à-dire que la production doit être importante et que le prix soit suffisamment élevé au niveau mondial puisque la part de l’État sur les bénéfices atteint 25 %. Sur ce point Befeno Hyacinthe, conseiller économique du Président de la République martèle que la confusion persiste sur ce que gagne l’État sur les exploitations minières, la redevance minière sur l’exploitation de métaux de base à Madagascar est de 1 à 2 %. Ce qui est très critiqué, mais dans d’autres paysil ne dépasse pas les 5 % « la redevance minière n’est pas de 25 ou 30 % comme le dit les critiques. Il n’y a aucun pays au monde qui applique une redevance minière de tel pourcentage. C’est la part de l’État sur les bénéfices qui est plus ou moins importante selon le pays » avance Hyacinthe Befeno. Pour le moment, l’objectif d’Ambatovy de produire les 60 000 tonnes par an n’est pas atteint et le prix du nickel au niveau mondial est en baisse depuis 2007. L’exploitation et l’exportation d’Ambatovy n’apporte donc pas actuellement le maximum espéré par l’État malagasy. Selon les observateurs du marché mondial de métaux, habituellement, en dix ans, le cycle s’inverse, il est attendu que le nickel reprenne de la valeur. D’après cette logique donc, les prix devraient rehausser à partir de 2017. Pendant les dix premières années d’exploitation), Ambatovy rapporte 150 milliards de revenus fiscaux et sur les 29 années, les paiements cumulés atteindront 13 500 milliards Ariary. A l’heure actuelle, malgré cette baisse des prix, Ambatovy affirme apporter de la valeur ajoutée « de grande envergure » : « création de milliers d’emploi (7500 jusqu’à aujourd’hui), transfert de compétences par le rehaussement du niveau technologique de la main d’œuvre ayant travaillé directement ou indirectement pour Ambatovy, création de richesse née de volumineux marchés de sous-traitance pour le secteur privé local, approvisionnement de plus d’un millier de tonnes de fruits et légumes par les paysans des environs et des autres régions ». « Suivant le cours mondial du nickel, l’apport annuel de devises, variant suivant le cours mondial du nickel, est entre 700 millions et 1,8 milliard de dollars. » Ambatovy martèle par ailleurs que le raffinage à Toamasina et pas dans d’autres pays, apporte bien plus de profit pour Madagascar. Force est néanmoins de constater que des doutes persistent sur les procédés d’extraction et de raffinage qui se font (notamment) par la lixiviation (qu’elle se fasse in situ ou en usine), dont la pollution, la destruction de la végétation et du sol. La transformation sur place des minerais extraits apporterait encore plus de valeur ajoutée, mais la réalisation semble bien loin pour l’instant car elle nécessite de gros investissements.
A l’heure actuelle, le secteur extractif rapporte 12 % du PIB du pays. De 2012 à 2013, le secteur extractif représente 14 % des recettes fiscales de l’Etat, s’il était de 7,83 % en 2011. L’apport du secteur extractif évolue donc, mais l’exigence de plus de transparence sur ce qu’il advient de ces recettes fiscales est de plus en plus insistance.
Que les conditions qui s’appliquent aux grands investisseurs miniers opérant à Madagascar ne satisfassent pas tous les citoyens malagasy, il est clair que la rigueur et l’application des principes de bonne gouvernance font défaut dans le pays engendrant trop souvent de conflits sociaux pouvant mener à la déstabilisation du pouvoir politique. Les divergences des points de vue ne doivent pas être négligées car leur synthèse et les solutions adéquates permettent de sécuriser les investissements et en rendre bénéficiaire tout citoyen.
■ V.M