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La ville basse vers 1895-96
La ville basse vers 1895-96

Diego Suarez avait connu son heure de gloire : son sort avait été débattu par les plus hautes instances, aussi bien malgaches que françaises ; dans la guerre qui venait de se terminer, elle avait été un enjeu majeur. De Diego Suarez étaient parties les premières troupes rejoignant le corps expéditionnaire ; des milliers de soldats avaient débarqué faisant d’Antsiranana une ville où se pressaient les commerçants voulant profiter des opportunités qu’offrait la garnison, les bateaux animaient sa rade dont les journaux de Paris disaient qu’elle était une des plus belles (sinon la plus belle) du monde. Tout ceci allait disparaître avec la fin de la guerre

Antsirane en 1895 : une aisance précaire

Le Dr Hocqard, médecin militaire envoyé pour choisir un emplacement pour un poste sanitaire destiné aux soldats du corps expéditionnaire a tracé un portrait imagé de la petite ville d’Antsirane, vivant autour et grâce à la garnison en 1895.
« A Antsirane se trouvent le siège du gouvernement, les directions civiles et militaires, les casernes et tous les établissements de commerce de la région. On y fait même de la politique : les premières barques qui accostent l’Iraouaddy nous apportent deux journaux locaux, le Clairon et l’Avenir de Diego Suarez, publiés en français toutes les semaines ou tous les quinze jours, et où le gouverneur est pris à partie de la plus belle façon. […]La ville comprend, outre les établissements militaires dont j’ai parlé, une importante agglomération de paillotes malgaches, situées sur le plateau à l’ouest du quartier officiel et un quartier commerçant établi le long du rivage : ce dernier est habité par quelques européens qui tiennent des maisons de gros et par des Indiens Malabars qui ont accaparé presque tout le commerce de détail. Depuis peu, une nouvelle rue s’est formée, près du village malgache, en face du marché ; des créoles de La Réunion y vendent des spiritueux et des comestibles, et une colonie chinoise commence à faire une concurrence sérieuse aux Malabars, qui sont loin d’être satisfaits. » Cependant, le Dr Hocquard, bon observateur, décèle vite la fragilité du développement de cette « ville – champignon » : « Malgré tout, je ne crois pas la colonie de Diego Suarez appelée à un grand avenir au point de vue commercial. Située à l’extrême pointe de l’Ile de Madagascar, elle est trop éloignée des routes que suit le commerce de l’intérieur pour aller à la côte. Le pays environnant est extrêmement pauvre et dépeuplé. De plus, à part les bazars indiens, chinois, européens, créés pour les besoins de la garnison, Antsirane n’a pas de trafic local et surtout pas de commerce d’exportation. Les fameuses salines dont on a beaucoup parlé en France, n’existent qu’à l’état de vagues projets ; il y a bien, tout au fond de la baie, une grande fabrique de conserves de viandes de bœuf, dite "La Graineterie", qui exportait des boites d’endaubage ; mais jusqu’à présent l’établissement n’a pas réussi. On dit que la fabrication va reprendre avec de nouveaux directeurs : espérons qu’elle aura plus de succès. De l’aveu de ceux qui connaissent bien la région, elle pourrait être fructueuse, et cette industrie, atteignant les proportions qu’elle comporte, enrichirait le pays ». Mais le Dr Hocquard fait part de son pessimisme sur l’avenir de cette ville du bout du monde : « En attendant, la colonie vit dans un état précaire ; ses habitants, n’ayant pas confiance dans son avenir, n’osent pas y engager des capitaux et ne font rien pour s’y fixer de façon définitive. Le voyageur est tout de suite renseigné sur cet état des esprits en parcourant les rues de la ville. Toutes les constructions ont l’air d’être provisoires ; à part le gouvernement, les casernes, le commissariat de la marine et l’habitation du chef du génie, elles sont faites en planches ou en matériaux démontables, comme si leurs propriétaires s’attendaient à abandonner d’un moment à l’autre la colonie. »
L’année 1896 va être une année de profonds bouleversements pour Madagascar. Le 30 septembre 1895, le Général Duchesne à la tête d’une partie des troupes du corps expéditionnaire français, entrait dans Tananarive. Même si la Reine gardait « ses prérogatives et ses honneurs » Madagascar perdait, de fait sa souveraineté : ce n’était pas encore l’annexion mais c’était déjà beaucoup plus qu’un protectorat.

Et Diego Suarez devenait une ville de Madagascar comme les autres…

Le rattachement de Diego Suarez à l’administration de Madagascar

Depuis mars 1895, Diego Suarez n’avait plus de gouverneur : Ernest Froger, l’inflexible, qui avait tant œuvré pour que Diego Suarez devienne une colonie, s’était embarqué, le 9 mars, sans assister à la prise de la forteresse détestée d’Ambohimarina et sans voir l’aboutissement de ses ambitions. Il fut remplacé d’abord par le commandant supérieur des troupes, puis par un gouverneur par interim, M.Laurenzac, qui sera à son tour rapatrié le 1er avril 1896. Il faut dire que son emploi n’avait plus lieu d’être. En effet, dès le 28 janvier 1896 un décret du Ministère des Colonies rattache à Madagascar les établissements de Diego Suarez, de Nossi-Be et de Sainte-Marie.
Ce décret prévoit notamment :
Art. 1er. – Les établissements français de Diego Suarez, de Nossi-Bé et de Sainte-Marie de Madagascar cessent de former des possessions distinctes et sont placés sous l’autorité du résident général à Madagascar.
Chacun de ces établissements est dirigé par un administrateur colonial, qui ne correspond qu’avec le résident général.
Art. 2. – L’emploi de gouverneur à Diego Suarez, les emplois de secrétaires généraux à Diego Suarez et à Nossi-Bé sont supprimés.
Art. 3. – Sont supprimés les conseils d’administration de Diego Suarez et de Nossi-Bé.
Art. 4. – Les établissements de Diego Suarez, de Nossi-Bé et de Sainte-Marie de Madagascar seront érigés en communes par arrêté du résident général, pris en conseil de résidence et approuvé par le ministre des colonies. Le même arrêté déterminera la composition des conseils municipaux de ces communes.
Les administrateurs de Diego Suarez, de Nossi-Bé et de Sainte-Marie de Madagascar exerceront les fonctions de maire. Ils sont ordonnateurs de toutes les dépenses civiles.
Art. 5. – Un arrêté du résident général fixera la nomenclature des impôts perçus dans les trois établissements susvisés, en distinguant, d’une part, les contributions et taxes diverses qui constitueront les sources de revenus de chaque commune et, d’autre part, celles dont le produit sera versé au budget de Madagascar et dépendances.
Les attributions de chacun paraissent claires… mais elles mettront du temps à être appliquées : en août 1896, soit six mois après le décret, le Général Gallieni déplore que : « Partout, à Majunga, à Diego, j’ai trouvé les attributions des résidents et des commandants militaires tellement mélangées, qu’il est impossible de saisir les responsabilités. Il faut que chacun soit chez soi, c’est-à-dire que là, en dehors de l’Emyrne et des Betsileos, ce sont les résidents qui doivent avoir toute l’initiative des mesures politiques et militaires à prendre, et par suite la responsabilité. » Et Gallieni rend hommage aux résidents nouvellement nommés « MM. Mizon et Aubry Lecomte (l’administrateur de Diego), particulièrement m’ont paru bons… »
Pendant cet « entre-deux » qui fait passer le Territoire de Diego Suarez au rang de ville d’importance secondaire, les décisions prises pour la gestion de la ville se ressentent de cette carence de l’autorité : elles se borneront, la plupart du temps, à régler, au jour le jour, des problèmes mineurs.

De la guerre à la paix

Dès la mi-octobre 1895, les gouverneurs des provinces malgaches, dont le gouverneur d’Ambohimarina, avaient reçu l’ordre de remettre leurs armes aux commandants militaires. Par ailleurs, une partie des troupes de la garnison de Diego Suarez avaient rejoint le corps expéditionnaire ou avaient été rapatriés. Diego Suarez, qui avait connu une grande effervescence en raison de la présence de milliers de militaires, perdait ainsi la majeure partie de sa population. D’ailleurs, alerté sur cette situation, le Secrétaire Général de Madagascar avait déclaré dans une lettre au Résident général du 18juin 1896: « Le général n’avait pas apporté son état de situation; j’ignore donc ce qu’il y a de troupes sur la côte; mais il nous a appris que la garnison de Diego Suarez se montait à 420 hommes. Diego Suarez est à l’extrémité de l’île, dans une région où la population est très clairsemée et très divisée, ce qui veut dire que les troubles qui peuvent s’y produire se borneront toujours à des voleries de bœufs. Par extraordinaire, un mouvement politique s’y manifesterait-il, que ce ne serait, en raison de la position géographique, qu’un mouvement tout local, sans répercussion possible sur le reste de l’île. Les 1200 blancs ou créoles d’Antsirane se défendraient parfaitement tout seuls au besoin. Enfin, il y a presque toujours, dans le port, des navires de guerre qui pourraient débarquer des secours…» Les militaires partis, les « 1200 blancs ou créoles », et la population malgache de Diego Suarez n’avaient plus qu’à se débrouiller tout seuls… D’ailleurs, combien étaient-ils en réalité? On ne le savait plus après les gonflements et dégonflements démographiques successifs. Aussi, une des premières mesures parues au Journal Officiel de Diego Suarez et Dépendances fut-elle d’organiser un recensement.

La gestion de Diego Suarez avant la loi d’annexion

Le premier numéro du Journal Officiel de Diego Suarez, en 1896, organise ce référendum :
« LE GOUVERNEUR P.I (par interim) de Diego-Suarez et Dépendances,

ORDONNE :

Le recensement de la population de Diego Suarez se fera le 6 janvier 1896.
Le Commissaire de Police assurera le recensement de toute la population européenne, créole et indigène d’Antsirane, de Diego Suarez, de la Rivière des Caïmans, de la plaine de Béthaïtra, de Mahatsinzo et d’Orangea.
L’Agent des Affaires indigènes d’Anamakia fera le recensement d’Antongombato et de tous les villages dépendant du territoire d’Anamakia.
Les Agents des Affaires indigènes du Sakaramy, de Babaomby et d’Ambararatra feront le recensement des habitants des localités comprises dans leurs circonscriptions.
[…]
Ces tableaux devront être remis au Secrétaire Général de la Colonie le 25 janvier 1896.
Antsirane, le 3 décembre 1895.
Signé : V.Lanrezac »

Si cette décision revêt une certaine importance, en revanche, la lecture du J.O de Diego Suarez, pendant l’année 1896, est révélatrice du peu de pouvoirs qu’ont les divers administrateurs qui gèrent Diego Suarez dans la période incertaine qui va de la prise de Tananarive à la loi d’annexion qui fera de Madagascar une colonie française. En dehors des mutations, des nominations, des informations sur les naissances, les mariages et les décès, on y lit surtout la liste des différentes taxes (sur les marchés, sur les chiens, sur la viande etc.). On y lit cependant des informations qui laissent deviner les incertitudes sur le statut de Diego Suarez : ainsi, dans le n° du 20 juillet 1896, le gouverneur par intérim (un militaire, le lieutenant –colonel Brun) demande au Résident Général à Tananarive si le régime des concessions de terre à Diego Suarez, restée « possession française » est le même que celui des autres villes de Madagascar. A quoi il est répondu que « Diego Suarez formant une Colonie distincte, les lois locales y demeurent en vigueur et que les actes, lois et arrêtés concernant le reste de l’île ne s’appliquent pas à cette possession…»
Il y a effectivement de quoi s’y perdre… En tous cas, la population y a perdu, en perdant ses militaires, une grande partie de ses revenus. Dans les années qui suivent, Diego Suarez va – difficilement – tenter de survivre
■ Suzanne Reutt

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