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Catégorie : Histoire
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Les guerriers du nord
Les guerriers du nord

Les années qui suivent la fin de la guerre de 1895 sont difficiles pour Diego Suarezet sa région, d’une part en raison des problèmes économiques, d’autre part en raison des troubles qui ont éclaté dans le Nord. Cependant, certaines rumeurs laissent espérer une reprise de l’activité pour le port de Diego Suarez

Des troubles dans le Nord
Un calme trompeur
Le roi Tsialana et la reine Binao
Le roi Tsialana et la reine Binao

Le 16 septembre 1896, le Général Gallieni prend le commandement du corps d’occupation de Madagascar. Le 28 septembre il est nommé résident général de Madagascar. Il va, dès sa prise de fonctions devoir faire face à un soulèvement qui concerne de nombreuses régions mais qui, au début, n’affecte pas le Nord de l’île. Devant la situation politique très troublée il va partager le pays en territoires civils, (dans les régions relativement calmes, comme Diego Suarez) et en territoires militaires là où l’insurrection a éclaté). Ces révoltes semblent pratiquement étouffées à la fin de 1897.
En mai, le Résident Général fait, à bord du La Pérouse, un grand périple dans le nord de Madagascar. Le 24 mai, il arrive à Diego Suarez où il va rester quatre jours. Il y inspecte les services civils et militaires, les écoles et rencontre la Chambre consultative avec laquelle il étudie les problèmes qui concernent Diego Suarez. Il visite également l’usine de conserves de viande d’Antongombato et les exploitations salinières. Le dernier jour est consacré à l’organisation de la défense de Diego Suarez où il visite l’ensemble des ouvrages fortifiés et laisse entrevoir des projets pour le port militaire et pour la défense de la baie.
Le 29 mai, il s’embarque pour Nossi-Be où il rencontre les chefs traditionnels du Nord de Madagascar, Tsiaraso, Tsialana et la reine Binao. A Nossi-Be une fête superbe est organisée par la population en l’honneur du Résident Général.

Tout semble aller pour le mieux dans le Nord de Madagascar…

Déclenchement de l’insurrection

D’après les rapports du Général Gallieni « le calme paraissait complet, lorsqu’une insurrection éclata, à la fin d’octobre 1898, dans la vallée du Sambirano ». Quelles étaient les causes de cette révolte ? Gallieni parle de la « crainte injustifiée de la part des indigènes de voir leurs troupeaux saisis par les Européens, haine du blanc etc. ».
On a également avancé des excès d’autorité, des captations de terres par des concessions (parfois énormes) accordées à des colons, des interdictions de feux de brousse dans les pâturages… Des chefs de poste outrepassent leurs droits et heurtent les traditions locales…
Toujours est-il que, le 26 octobre 1898, le poste de milice de Marotoalana est attaqué par une bande de rebelles ; le combat dure toute la nuit et les assaillants sont repoussés mais ils reviennent à la charge en plus grand nombre. Le chef de poste, Ettori, est tué alors qu’il tente de gagner la côte.
Le 27 au soir, les rebelles attaquent le poste d’Ambalavelona et tuent le commis de résidence Frontin ainsi que deux colons européens.
Le mouvement s’étend dans le Sambirano et plusieurs colons sont tués et leurs concessions ravagées.

Les opérations de l’armée française
La situation de la province du nord-est à la fin de la 1898
La situation de la province du nord-est à la fin de la 1898

Elles seront essentiellement menées par le capitaine Laverdure , à qui Gallieni a donné tous les pouvoirs civils et militaires pour rétablir l’ordre.
Laverdure débarqua le 3 novembre à Ankify avec 3 officiers, 5 sous-officiers, 144 sénégalais et 42 miliciens. L’opération fut terminée à 4 heures du soir (rapport du Commandant Lamolle). L’administrateur Chauvot et le roi Tsiaraso avaient rejoint Ankify avec les marins et Tsiaraso (soupçonné d’avoir attisé la révolte) fournit au capitaine Laverdure les porteurs pour se rendre Ambalavelona.
Les opérations se déroulèrent essentiellement à Ambalavelona et à Marotaolana où les insurgés menèrent plusieurs attaques entre octobre et novembre.
Fin novembre le capitaine Laverdure est doté d’un canon de 37, de 10 mulets et d’une pièce de montagne de 80mm et il rejoint l’Ankaizinana et à la région d’Analalava où l’insurrection s’est étendue. Le 31 décembre Laverdure rentrait à Ankify après avoir effectué la pacification de la presqu’île d’Anorontsangana.
Les provinces du Nord furent déclarées « complètement pacifiées».(rapport Gallieni) Ces troubles, graves mais limités dans le temps et qui se déroulent à plusieurs journées de marche, affectent peu la vie quotidienne antsiranaise, surtout préoccupée de la nouvelle organisation de la ville et du marasme économique que connaît le Territoire de Diego Suarez.

La nouvelle administration s’installe
Familles de colons installés à Joffreville, « dans de parfaites condiitons de salubrité »
Familles de colons installés à Joffreville, « dans de parfaites condiitons de salubrité »

Depuis l’arrêté du 13 février 1897, les établissements français de Diego Suarez, de Nossi-Be et de Sainte-Marie sont érigés en commune.
L’article 2 de l’arrêté prévoit que « La commune de Diego Suarez aura pour chef-lieu "Antsirane" et pour circonscription le territoire acquis à la France par le traité franco-hova du 17 décembre 1885. »
Quant à l’article 3, il stipule que « l’administrateur de chacun de ces établissements […] exerce les fonctions de maire », assisté d’une commission municipale « dont les membres, choisis parmi les citoyens français domiciliés dans la colonie, à l’exception d’un seul pris dans la population indigène, sont nommés par arrêté du Résident Général ». Ces membres, au nombre de 5 pour Diego Suarez sont nommés pour 2 ans et peuvent être révoqués par arrêté du Résident Général.
En fait, le Résident Général a la haute main sur l’administration des communes, puisqu’il nomme les administrateurs, peut les révoquer et peut annuler les délibérations.
Comme le prévoit l’article 16, l’administrateur-maire, dont les pouvoirs sont étroitement définis, reste « sous l’autorité du Résident général ».
En quoi consistent ces pouvoirs ? Ils sont définis et énumérés dans le même article 16. L’administrateur-maire est chargé de faire exécuter les lois, notamment en matière de sécurité ; de gérer les propriétés de la commune ; de proposer le budget ; de l’entretien des édifices communaux ; de la police ; de la salubrité publique ; de l’état-civil et de tout ce qui concerne l’acquisition et la transmissions des biens fonciers. Quant à la Commission municipale, elle a, avant tout, un rôle consultatif.
Le 28 août 1897, une grande partie des bâtiments domaniaux de Diego Suarez est remise à l’Administrateur-Maire : il s’agit de bâtiments administratifs mais aussi de ceux qui étaient occupés par l’Eglise. Ne figurent pas dans la liste, bien sûr, les bâtiments militaires. Si la liste de ces bâtiments est impressionnante, leur état laisse généralement à désirer comme on peut le voir par quelques exemples :
- l’ancienne église dont l’arrêté précise « Tombe en ruines. Bâtiment en bois, couvert en tôle » ; la nouvelle église, toujours en bois ; le presbytère, qui, lui est en maçonnerie mais « avec couverture en tôle en très mauvais état »,
- le bureau de poste et le tribunal, tous deux en bois, comme les bâtiments de la police, la prison, le logement du commissaire,
-l’école pour les garçons et les filles : en bois également ainsi que le poste de l’Octroi.
Par contre – on n’est jamais mieux servi que par soi-même – tous les services des travaux publics sont en maçonnerie.
C’est également le cas de l’Hôtel de l’Administrateur (ce que l’on appellera longtemps la Résidence) : « en maçonnerie », il est pratiquement neuf ce qui fait que l’Armée essaiera de se l’attribuer…
Quant au chef du service de l’Intérieur, il a droit a une maison en fer et – comble du luxe – « avec cave ». Ces deux derniers bâtiments sont d’ailleurs toujours là… Tous les autres bâtiments sont en bois, y compris l’Hôpital civil.
Sont remis également à l’Administrateur-Maire, les bâtiments domaniaux d’Anamakia et de la Montagne d’Ambre, dont le sanatorium « bâtiment en bois et paille » !
La nouvelle administration mise en place a – sans jeu de mots – du pain sur la planche pour transformer Antsirane en véritable ville !
D’autant plus que l’argent manque…
(A suivre)
■ Suzanne Reutt