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Manutentions sur le port d'Antsirnanana
Manutentions sur le port d'Antsirnanana

« L’époque héroïque », c’est ainsi que Mortages (qui n’était pas encore l’heureux découvreur des mines d’or d’Andavakoera), débarqué à Diego Suarez en 1898, désigne les « années Joffre ». Les grands travaux entrepris pour le Point d’Appui avaient commencé à transformer la ville et avaient attiré une vaste population cosmopolite. Si l’on en croit Mortages « tout ce monde travaillait, tout ce monde gagnait de l’argent ». Et, de fait, la ville se transformait. Tout d’abord, les travaux d’installation du Point d’Appui avançaient

Les travaux du Point d’Appui

En mai 1901, le Conseil supérieur de la Marine avait envisagé de réunir- en cas de guerre-une force navale importante dont le plein de charbon représenterait 15 000 tonnes, force qui serait composée de plus de 5 000 hommes.
Le 8 mars 1902, la « Commission d’un point d’appui de la flotte à Diego Suarez » réunie à Paris décidait, qu’en plus du bassin de 250m prévu à cet effet, il fallait prévoir « un bassin de 60m de longueur, l’organisation d’un stock de trois mois de vivres, l’installation d’un parc à charbon de 45 000 tonnes… un approvisionnement complet de munitions pour toute la force navale prévus… » Cependant, ce programme ambitieux devait prendre beaucoup de retard en raison de contraintes politiques et budgétaires. Lors de sa visite à Diego Suarez en juillet 1902, le Général Gallieni rend hommage au Général Joffre, rentré de France, aux troupes et au travail accompli. Il rappelle les travaux en cours : « Pendant les quinze jours, que je passai à Diego Suarez, le général Joffre me fit, visiter en détail ses travaux de défense qui, après trois ans d’efforts, réalisaient dans son ensemble le programme pour lequel j’avais obtenu, au commencement de 1900, l’approbation du Gouvernement. Sous ses ordres, le capitaine de frégate Buchard avait fait aussi d’excellente besogne ; à part le bassin de radoub, dont les projets n’étaient pas encore approuvés à Paris, rien ne restait en souffrance et la Marine de Diego Suarez, outre des installations spacieuses et bien comprises, possédait les approvisionnements les plus indispensables pour le rôle qui lui était alors assigné. » (Gallieni- Neuf ans à Madagascar). Et, d’après le Journal Officiel, il emporte en partant « la conviction que, sous l’impulsion énergique du général Joffre et grâce au zèle et au dévouement absolu de tous ses collaborateurs, les résultats déjà acquis conduiront avant peu au but qu’a poursuivi le Gouvernement de la République en dotant le port de Diego Suarez de toutes les ressources nécessaires à sa défense ».
Toutes les ressources, vraiment ?

Des doutes sur l’avenir du Point d’Appui

Gallieni, lui-même, déplore quelques mois plus tard : « Malheureusement, nous trouvons devant nous un tel scepticisme que, vraiment, il y a de quoi décourager les hommes les plus énergiques et les plus tenaces. Il en est de même pour Diego. Encore un léger sacrifice, et, en 1903, nous aurons terminé notre camp retranché et nous serons parés à recevoir la visite de nos ennemis. Mais, là encore, je sens des résistances et fort peu de désir de nous venir en aide. » (Lettre de Gallieni à Grandidier -22 novembre 1902). Ces résistances, notamment sur le plan budgétaire, commencent à être perçues dans la population qui craint que les belles années du Point d’Appui touchent à leur fin : c’est le délégué de Diego Suarez, Henri Mager, qui s’en fait l’écho dans le journal Le Madagascar du 11 janvier 1903 : « On dit depuis quelques jours que […] les travaux de défense de Tananarive et de Diego Suarez ont été suspendus ». En fait, d’après Mager, c’est la réduction des quantités de vivres nécessaires aux troupes, qui fait craindre à la population la réduction des effectifs. Qu’en est-il réellement ? En fait, les travaux se poursuivent mais le Vice-président de la Chambre des Députés, Etienne, traduit les mêmes craintes dans la Nouvelle Revue : Après avoir fait la liste de ce qui reste à faire (achèvement des fronts de terre et de mer ; routes praticables, armement, postes optiques, voies Decauville, batteries etc.), Etienne, bien informé, constate : « Or, ce sont précisément les crédits pour l’achèvement des fronts de terre qui semblent se faire attendre aujourd’hui ». Quant au bassin de radoub, si essentiel, sa construction est reportée… à plus tard !
L’inquiétude de la population est légitime : en effet, tout le développement de Diego Suarez est suspendu à la présence militaire et aux travaux du Point d’Appui… D’ailleurs, lors de son voyage de juillet, Gallieni n’a pas manqué de rappeler les avantages que tire la ville d’Antsirane de la présence de l’armée.
Les retombées des travaux militaires sur la vie de Diego Suarez
« La désignation de Diego Suarez comme point d’appui de la flotte, la mise à exécution du programme que comportait cette mesure, ont déjà eu pour conséquence de provoquer, dans cette ville, un important mouvement d’affaires et un afflux de population européenne. Le port de Diego Suarez peut être appelé à prendre, au point de vue commercial, une importance plus grande, lorsque des communications terrestres le relieront aux circonscriptions voisines » (Lettre de Gallieni aux Chambres consultatives). Et il évoque, à ce sujet, le début de la construction de la route de Vohemar par la Légion Etrangère (26 km achevés), les travaux du Camp d’Ambre, accessible jusqu’aux deux tiers du parcours par la voie Decauville et où « une petite ville, formant le sanatorium de Diego Suarez, se créera probablement avant peu vers l’altitude de mille mètres ». Et Mortages, accueillant le Gouverneur Général au nom des commerçants, reconnait que les travaux du port et les embellissements de la ville « assurent pour toujours l’avenir commercial de la région » !
En faisant la part de l’incurable optimisme du bon Mortages, il faut reconnaître que la ville a changé.

Les métamorphoses de Diego Suarez.

Dans les « Nouvelles » données par le Journal Officiel du 11 janvier 1902 on trouve la liste des travaux effectués à Diego Suarez pendant les mois d’octobre et novembre 1901 : « En ce qui concerne la construction de quarante mètres de mur du quai, les deux tiers des enrochements et des terrassements ont été terminés […] Les maçonneries, dallages, cloisons et voutains de la prison ont été achevés. La charpente métallique est arrivée et sera installée sous peu. Les travaux de la rue Colbert ont été finis entre le pont Froger (au niveau de l’actuelle Vahiné) et le pavillon de l’administrateur (la Résidence). Entre le pont Froger et la Place de l’Octroi, (la place de la Mairie actuelle) on a fait un empierrement sur 300m ; la deuxième partie est en chantier. La rampe de la rue Richelieu reste à empierrer (les bordures et les pavages sont faits au tiers) entre le Cercle et le pavillon de l’Administrateur. L’égout collecteur de la ville basse a été poussé jusqu’à la voie Decauville. Le boulevard des quartiers militaires est fait au tiers. Un quart de la rue des quais a été exécuté. On a commencé le boulevard de la voie Decauville entre la place de l’Octroi et les quartiers militaires. » Ces travaux vont se poursuivre, d’autant plus que Gallieni, dans sa lettre à la Chambre consultative de Diego Suarez, annonce un crédit de cent mille francs pour la construction de deux rues principales dans la ville d’Antsirane.
Par ailleurs, un projet de construction d’un wharf par les établissements du Creusot a été accepté par le Gouverneur Général. En effet, le mur du quai construit en 1901 ne suffit pas au déchargement des navires qui, de ce fait, nécessite l’emploi de chalands et de remorqueurs. Le wharf aura 25 à 30m de largeur et 250m environ de longueur « Il aura la forme d’un T, dont la grande branche attachée au rivage servira à l’accostage de deux navires ; un troisième navire trouvera place le long de la petite branche dans le sens parallèle au rivage » (Annuaire 1902). L’achèvement de la construction du wharf est prévu pour la fin de l’année 1903.
Un autre projet en cours concerne l’accroissement du volume d’eau disponible pour la ville (de terribles pénuries d’eau se sont produites fin 1901). Une première étude envisage le captage de la rivière des Caïmans d’où les eaux seraient amenées, par un branchement de 6 km, dans la conduite venant de l’Analandriana. Mais ce projet n’est pas encore définitif.
Autre projet, l’établissement d’un canal d’irrigation du plateau de Sakaramy qui aurait une partie de 5km700 à ciel ouvert et 8km300 en galeries établies au fond des ravins.
Mais, parmi les travaux d’urbanisme les plus importants envisagés à Antsirane, figure le déplacement du village malgache de la place Kabary. Si la motivation principale est semble -t-il ­ de libérer les terrains de la ville haute pour la « ville européenne », ce sont essentiellement, à l’époque, des arguments sanitaires qui sont avancés (et qui ne sont pas dénués de fondements : la « ville indigène » constituée de cases en « falafa » serrées les unes contre les autres était particulièrement insalubre et il s’y déclarait régulièrement des incendies ravageurs). Voici, ce qu’on lit dans l’Annuaire sur la nouvelle ville, Tanambao : « Sur le nouvel emplacement, les Malgaches occuperont un vaste terrain, bien séparé du reste de la ville (ce qui arrange sans doute les Européens !) et aménagé suivant certaines règles qui ont été imposées par la commission d’hygiène. Toutes les cases devront être élevées au-dessus du sol, être entourées d’une petite cour, et ne jamais être resserrées par des constructions accessoires. L’écoulement des eaux ménagères sera assuré ; des latrines publiques seront construites et les logements qui paraîtront insalubres seront condamnés ». Même chose pour la ville basse dans laquelle une commission, qui a visité les immeubles a signalé que tout était à désinfecter et même à détruire !
Par ailleurs, la ville continue à se doter de nouvelles structures municipales et administratives.

La nouvelle prison civile de Diego Suarez
La nouvelle prison civile de Diego Suarez
Les nouvelles structures

Dans sa lettre aux chambres consultatives publiée en avril 1902, Gallieni annonce qu’en raison de l’importance des litiges soumis à la justice de paix, cette juridiction est transformée en tribunal de première instance. Par ailleurs, un arrêté du 1er septembre 1902, organise la police municipale de Diego Suarez qui comprendra :
- 1 commissaire de police
- 1 Brigadier faisant office de Commissaire adjoint
- 3 brigadiers appartenant à la police de Madagascar
- Des agents municipaux dont 2 sous-brigadiers européens, 2 inspecteurs malgaches, 5 brigadiers malgaches, 3 sous-brigadiers malgaches et 25 agents malgaches, nommés par l’Administrateur-Maire sur proposition du commissaire.
Au niveau de l’Administration, la plupart des structures sont en place : Mairie (dirigée d’ailleurs par un lieutenant !), la Justice, avec un président du Tribunal et un procureur de la République, un service des Domaines (la Commune vend aux enchères une partie des terrains lui appartenant), un service des postes et télégraphes, un service du Trésor, des Travaux publics, des douanes, des ports et rades…
Quant à l’enseignement, il se structure : il y a à Diego Suarez en 1902, une école communale de garçons, avec 72 élèves, européens, créoles et malgaches confondus, une école communale de filles (81 élèves) et une école des frères (35 élèves).
La vie économique s’organise également autour d’une chambre consultative qui comprend les principaux commerçants de la ville, et – depuis un arrêté du 22 avril 1902, un Cercle français qui réunit les principaux notables.
Tout semble donc en place pour assurer à Antsirane un fonctionnement efficace…Du moins sur le papier. Car, en fait, tout à Diego Suarez tourne encore autour de la présence militaire et de l’essor économique factice qu’apporte l’Armée. En 1902, Diego Suarez reste une ville isolée, privée de contact avec le reste de Madagascar et dont le port ne vit que des importations de matériel et du ravitaillement destinés aux militaires. (un projet de port franc destiné à lui donner un essor commercial a été écarté par Gallieni). Et, pour ajouter aux sujets d’inquiétude, la ville va se trouver confrontée, à partir de juillet 1902, à une vague d’assassinats qui va terroriser la population…
(à suivre)
■ Suzanne Reutt

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