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Catégorie : Histoire
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Le 5 mai 1942, les Anglais attaquent Antsiranana


La ville dirigée par le gouverneur Annet est fidèle au général Pétain qui a pactisé avec les Allemands.
L’opération anglaise IRONCLAD est lancée à partir de la baie du Courrier. Diego tombe en 3 jours.


A l’aube du 5 mai 1942, le bruit des bombes et les hurlements des sirènes de l’arsenal réveillent les Antsiranais qui s’étaient endormis dans une ville paisible se croyant très loin du conflit mondial. Puis, c’est du côté de la rade que le grondement des avions et le bruit des explosions plonge la population dans la tourmente .
Que s’est-il passé ?

 

En 1940, après la victoire allemande, l’administration de l’île, dirigée par le gouverneur Annet, refuse de se rallier au Général de Gaulle et reste fidèle au Maréchal Pétain.


L’épave du sous marin coulé en 1942, à coté d’une épave plus récente

Les Britanniques craignent alors que les Japonais utilisent Diégo, pour menacer la route de ravitaillement des Indes et du Moyen-Orient par le canal de Mozambique. Dans le plus grand secret et sans en avertir le général de Gaulle, ils décident alors une offensive sur Diégo- Suarez : l’opération IRONCLAD.
Le 5 mai 1942, au P.C de la défense, les nouvelles tombent: le terrain d’aviation d’Arrachart est détruit, les hangars sont en feu, tous les avions sont cloués au sol. Du côté d’Ambodivahibe, on aperçoit des parachutistes et des obus éclairants. Dans le port les bateaux sont presque tous coulés, notamment les bâtiments de guerre : le croiseur Bougainville et le sous-marin Bévéziers. Le D’Entrecasteaux, torpillé, arrive à sortir du port et se réfugie dans la baie des Cailloux Blancs d’où il mènera durant 30 heures une défense héroïque.
Mais personne ne sait où sont les Anglais…Au P.C de la Défense le désarroi est grand : en effet, il semble que le danger vienne de la Baie de Rigny : c’est donc vers Mahagaga que vont être détachées les premières troupes. De son côté, le Commandant de la Marine, demande aux trois autres sous-marins de la base, alors en mer, de rentrer au plus vite. Aucune nouvelle ne parvenant de la Baie du Courrier, une reconnaissance est envoyée dans cette direction.
En fait, le débarquement de l’énorme flotte anglaise a eu lieu dans la baie du Courrier : les tirs d’obus et les parachutistes (des mannequins !) sur la baie de Rigny n’étaient qu’un leurre ! Mais en raison des défaillances de la radio et du téléphone, les postes français ne sont pas parvenus à avertir le P.C. Enfin, à 10h, l’instituteur d’Anamakia, Auguste Ratsimbazafy, appelle le P.C : «Mon colonel, actuellement à Anamakia, il y a dix chars anglais qui viennent d’arriver par la route de Mangoaky ».
Le premier combat important a lieu vers 11h, sur la route d’Anamakia, au Col de Bonne Nouvelle, où les trois tanks de tête anglais tombent sur les défenseurs français : les tirailleurs vont résister pendant 4h dans une défense héroïque où 30 d’entre eux trouveront la mort, les autres étant pour la plupart blessés. A 14h30, les Anglais arrivent au niveau de la ligne GH, la « ligne Joffre », constituée par un fossé antichar de 2000m reliant le fort G (que l’on peut encore voir à Morafeno) au fort H de la route d’Anamakia . Mais, sous le feu de l’artillerie, les Anglais stoppent l’attaque à la tombée de la nuit.
La « ligne Joffre » a tenu.De son côté, le D’Entrecasteaux, échoué et pilonné toute la journée, a pu débarquer une compagnie de fusiliers qui a repris Andrakaka.

Bilan des pertes durant les 3 jours d’affrontements
(Le nombre de tués et de blessés varie suivant les sources)
  Pertes françaises en hommes: 171 tués, 343 blessés
Pertes anglaises en hommes: 131 tués et 305 blessés 3500 prisonniers.
Pertes en matériel 19 avions – 3 sousmarins-( Bévéziers- Monge – Le Héros) – 2 navires : (D’Entrecasteaux Bougainville), 16 tanks et un navire

A 2 h du matin, le 6 mai, un bataillon anglais parvient à s’infiltrer et à s’emparer des casernes d’Anabozaka mais deux autres bataillons sont repoussés. L’attaque reprend à l’aube mais elle sera stoppée par la défense de la ligne GH. C Cependant , la Marine, jugeant la situation désespérée, ordonne la destruction de l’arsenal et du port . De son côté, en baie des cailloux blancs, le D’Entrecasteaux , en flammes, attaqué sans relâche par l’aviation et la marine est évacué à 11h. Au soir du 6 mai, la situation paraît stationnaire.... Mais le général anglais Sturges, qui commande l’opération, ne désarme pas. Il décide de lancer une attaque surprise en profitant de l’obscurité. A 21h, le destroyer Anthony, pénètre dans la passe sans être repéré et débarque un commando qui s’empare du PC de la Marine. A 21h30, la ligne Joffre est percée. A 23h, les Anglais atteignent Tanambao. A minuit le PC de la Défense est encerclé : Diégo est tombé. Le sous-marin « Le Héros » est coulé en baie du Courrier : 24 marins vont disparaître, attaqués par les requins. Le capitaine Assolant, un des premiers pilotes à avoir traversé l’Atlantique, est tué aux commandes de son avion. A Orangea, les batteries sont détruites par l’escadre anglaise : l’accès de la rade est ouvert.En fin d’après-midi, le 8 mai, la capitulation est signée à la Résidence.
Dès lors, l’autorité britannique remplace l’autorité française. Le 6 novembre, le Gouverneur Annet accepte la négociation. La campagne de Madagascar aura duré en tout 6 mois.
Suzanne Reutt
(Ass Ambre)

 


 Sur les traces de la guerre

Les évènements de 42 ont laissé des traces dans l’histoire : nombreux sont les ouvrages ou les articles qui relatent ces affrontements. L’opération IRONCLAD est même le thème d’un jeu video !
A Diégo même, certains anciens peuvent encore témoigner de la violence de ces 3 jours de combat.
Sur le terrain, on peut encore découvrir les traces de cette bataille meurtrière, notamment la stèle érigée à côté de la STAR près de l’endroit où eurent lieu les combats les plus violents.
On peut se recueillir sur les tombes des victimes (presque tous des jeunes gens !) dans les cimetières militaires anglais et français au début de la route de Ramena.
Tous les habitants de Diégo connaissent les blockhaus du Lazaret ou de la route d’Anamakia (après la SOAM)
Enfin, on peut retrouver –non sans difficulté - les vestiges de la ligne Joffre datant de 1903 : les fortifications d’Orangea, notamment la batterie du Cap Miné (qui avait si mal défendu la passe !) et les forts G (ou fort de la Betaïtra) et le fort H (route d’Anamakia).
Ces deux derniers ouvrages, magnifiques mais laissés à l’abandon, mériteraient d’être dégagés et mis en valeur : ils font partie du patrimoine d’Antsiranana et à ce titre, sont pour la ville, une richesse culturelle et touristique.
Suzanne Reutt