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Catégorie : Histoire
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Moussa, roi de Nosy Faly, et Tsialano, roi de l’Ankarana, à bord de la Creuse
Moussa, roi de Nosy Faly, et Tsialano, roi de l’Ankarana, à bord de la Creuse. Gravure parue dans l’Illustration

Certains lecteurs de La Tribune ont exprimé le souhait d'en savoir un peu plus sur l'histoire des populations autochtones du Nord de Madagascar. La Province de Diego Suarez compte un certain nombre d'érudits malgaches qui, mieux que moi, pourraient transmettre leurs connaissances sur un sujet à propos duquel les sources écrites sont relativement rares. Pour répondre cependant aux attentes des lecteurs de La Tribune, je soumets à leur curiosité bien légitime une série d'articles parus, dans les années 30, dans un journal de Diego Suarez, L'Eclaireur. Ces articles, signés « Le Guetteur » parurent à partir du 6 décembre 1934 sous le titre : à bâtons rompus. ■ Suzanne Reutt

L'Eclaireur - 20 décembre 1932
En 1828, Tsialana Ier mourut. Et son fils Tsimiaro lui succèda.
Pendant deux ans, de 1835 à 1837, Tsimiaro lutta contre les hovas du poste d’Ambohimarina. Vaincu au début, il se réfugia, comme l’avait fait précédemment Andriantsirotso, dans les grottes de l’Ankarana et là tint tête à ses adversaires. Finalement, il se sauva aux Nosy Mitsio en 1838.
De Nosy-Mitsio, il envoya un de ses frères à Zanzibar afin de conclure une alliance avec les Arabes. Ce déplacement fut sans résultat. En 1839, Tsimiaro chargea un ambassadeur de se rendre à Maurice pour demander le secours du Gouvernement anglais. Là encore, il n’obtint aucun résultat satisfaisant.
Recherchant à tout prix une alliance, Tsimiaro se rendit en personne à l’Ile de la Réunion où il conclut un pacte d’alliance avec le roi Louis-Philippe Ier.
Dès qu’ils apprirent la signature de cette alliance, les rois Sakalavas furent mécontents et reprochèrent violemment à Tsimiaro de permettre aux Européens de débarquer sur leur territoire et de s’en emparer.
Se liguant contre lui, ils le sommèrent de renvoyer le corps de fantassins français, récemment débarqué. Tsimiaro refusa. Ses adversaires l’attaquèrent.
Les Sakalavas furent battus à Nosy-Faly et les Français demeurèrent à Nosy-Be.
Tsimiaro fut fait Chevalier de la Légion d’Honneur et reçut du Gouvernement une pension annuelle de cent francs.
En 1882, après cinquante trois ans de règne Tsimiaro mourut et son fils, Tsialane II, vint au pouvoir en 1883.
En 1885, les relations très tendues entre Français et Hovas amenèrent la guerre. Près de Vohemar, Tsialana II lié par le traité qu’avait signé, en 1840, son père avec le roi de France, envoya deux mille Antankaranas commandés par son frère, pour prêter main-forte aux Français. Lui même, entre- temps s’embarquait à Nosy-Mitsio avec trois cents guerriers, à bord du Vaisseau «Beautemps-Beauprès’’.
Après avoir vaincu, les Hovas à Andrampara à 40 km au sud de Vohemar, les Anlankarana rentrèrent chez eux. Tsialana II et quelques notables furent convoqués à Tamatave où l’amiral Miot le décora, en grande solennité, de la Médaille Commémorative de Madagascar.
En 1884, lors du début de la conquête, le Commandant Français de Nosy-Bé demanda à Tsialana II de lui fournir 150 hommes pour rejoindre le corps expéditionnaire Français à Marovoay.
Satisfaction lui fut immédiatement donnée.
Au cours de la même année, il guerroya contre les Hovas dans le Gouvernement d’Ampombiantambo.
En mai 1895, l’armée Hova commandée par Ratovelo porta !a guerre dans la basse plaine de la Mahavavy.
Vaincus en rase campagne, à Betamboho (Masindrano) les Antankaranas se réfugièrent à Nosy Mitsio, Nosy-Faly et Nosy-Be. Les Hovas confisquèrent leurs troupeaux, incendièrent les villages, les forêts et détruisirent les cultures.
Ce n’est qu’en 1897, lorsque le Lieutenant Chénéron désigné pour administrer les secteurs Antankarana, se fut installé à Ambatoharana, que Tsialana II et ses partisans vinrent le rejoindre. Là, il ne cessa de faire preuve d’une grande loyauté envers la France lors de la pacification de la région Nord-Ouest.
En 1899, le chef-lieu du secteur français fut transféré d’abord à Ambakirano, ensuite à Ambato devenu secteur annexe de la Grande-Terre.
Là fut fixée la résidence du commandant français auprès duquel vinrent habiter Tsialana II, la reine Binao et Tsiaraso. Ces trois personnages furent nommés gouverneurs, et Tianzanahary, Fanahibe et Behaka, descendants des familles royales, sous-gouverneurs.
En 1906, lors de la suppression du cercle français de la Grande Terre, les rois sakalavas retournèrent chacun dans leur pays respectif. Le secteur Antankarana fut alors transformé en district Antankarana avec Ambato pour chef-lieu et ensuite Ambilobe Taloha.
En 1911, par un arrêté en date du 12 décembre, le District Antankarana devint district autonome d’Ambilobe.
Le roi Tsialana II mourut en octobre 1924 à Ambatoharana où il fut inhumé suivant sa volonté, contrairement aux anciennes coutumes qui voulaient que les rois Antankarana fussent enterrés dans les grottes de l’Ankarana.
Tsimanenina, son frère cadet, fut à sa mort, nommé roi des Antankarana, en janvier 1925. Celui-ci est aujourd’hui âgé de 80 ans et vit paisiblement à Ambatoharana, et désire reposer, après sa mort, dans les grottes de l’Ankarana, aux côtés de ses ancêtres.

■ Le Guetteur ( à Suivre)