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Catégorie : Tourisme
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Colonie de rousettus madagascariensis dans l’Ankarana dans la... Grotte aux Chauve-souris
Colonie de rousettus madagascariensis dans l’Ankarana dans la... Grotte aux Chauve-souris

Avec trois espèces de chiroptères et 37 de micro-chiroptères, les chauves-souris constituent une richesse naturelle de la biodiversité de Madagascar et particulièrement de la région nord que la méconnaissance et l’exploitation pour la table mettent en danger au risque de les voir disparaître

Des animaux puants et bruyants, c’est ce que l’on dit le plus souvent des chauves-souris. D’autres ne voient en elles que de la viande à servir dans les restaurants. Un fanihy est vendu à 2 500 Ariary au bazary de Diego Suarez. Et pourtant ce sont des animaux fascinants ! Les chauves-souris que l’on appelle fanihy et ramanavy à Madagascar sont les seuls mammifères qui peuvent voler. La chasse et la dégradation de l’environnement menacent les chauves-souris, pourtant certaines espèces sont endémiques à Madagascar telle que Roussette paillée malgache (Eidolon dupraenum) et Rousettus madagascariensis. La région nord de Madagascar grâce à différents types d’habitat : tsingy, grottes, forêt… abrite un bon nombre d’espèces de chauves-souris dont Triaenops auritus (Hipposideridae). Au total, 14 espèces gîtent dans les grottes d’Ankarana.

Les chauves-souris : fanihy et ramanavy sont des espèces protégées à Madagascar.

Les chauves-souris sont des mammifères, mais elles ont des ailes donc elles sont capables de voler, même à très longue distance pour certaines espèces. Les chauves-souris forment l’ordre des chiroptères divisées en deux sous-ordres : les yangochiroptera desquels appartiennent les microchiroptères et le sous-ordre Yinpterochiroptera à une famille, les Pteropodidae. Comme leurs noms l’indiquent, les microchiroptères sont le plus souvent de petite taille, appelés ramanavy en malgache et les seconds, les mégachiroptères sont communément appelés roussettes ou renard volant en français et fanihy en malgache. Les habitats varient selon les espèces, on retrouve par exemple la roussette Pteropus rufus dans les arbres, l’Angavo ou fanihy vato Eidolona dupreanum entre les rochers tandis qu’il y a des microchiroptères qui vivent dans les grottes, d’autres peuvent habiter autant les grottes que les greniers et les creux des arbres. Il y a une espèce Myzopoda aurita qui a des ventouses aux mains lui permettant de s’accrocher dans les jeunes feuilles du ravinala (arbre du voyageur). Il n’existe que deux espèces de chauves-souris à ventouses au monde et Myzopoda aurita est endémique à Madagascar, on la retrouve dans l’est de l’île : Kianjavato, Mananjary, Fenerive… Ce chiroptère se nourrit d’insectes et a de grandes oreilles comme celles du lapin.

Un groupe de pteropus rufus, endémique à Madagascar
Un groupe de pteropus rufus, endémique à Madagascar
Alimentation et vie en colonie

L’on distingue aussi les ramanavy des fanihy par leurs nourritures. Les premiers se nourrissent d’insectes alors que les seconds sont phytophages, c’est-à-dire qu’ils se nourrissent uniquement de végétaux : fruits, fleurs, nectars et feuilles qu’ils mâchent pour en récupérer le jus. Les roussettes apprécient particulièrement la banane, la mangue, la goyave… bref tout ce que l’homme exploite, néanmoins elles recrachent les graines et les fibres, elles n’avalent la pulpe que lorsqu’elle est vraiment molle.
Les chauves-souris se reposent toute la journée, la tête en bas. Les roussettes se réveillent au coucher du soleil et après la toilette, ils partent à la recherche d’aliments ou partent rejoindre leurs lieux d’alimentation. Leur départ se fait collectivement (c’est-à-dire en colonie) quelques minutes après la tombée de la nuit. Les battements des ailes de la roussette sont lents et amples. Les roussettes ne partent rejoindre le gîte qu’avant le lever du soleil, se nourrissant la nuit et en espaçant deux périodes d’alimentation par des pauses, suspendues à une arbre, la roussette défend son arbre ou la partie de l’arbre, lieu de son alimentation.
Les roussettes vivent en colonie atteignant les milles individus. Selon les espèces, la colonie de microchiroptères peut ne comporter que quelques ramanavy (même pas dix) comme ils peuvent être mille. Ceux qui vivent en dessous des feuilles ou à l’intérieur d’écorces d’arbres sont les moins nombreux dans une colonie, cas de Taphozous mauritianus. Les colonies sont loin d’être calmes, on peut même dire qu’elles sont bruyantes. Les chauves-souris communiquent beaucoup par la voix, des communications que l’on peut qualifier de « babillages » et de « caquetages ».

Les déplacements

Pour se déplacer à des distances plus ou moins longues, les chauves-souris volent. Sur les branches, ils adoptent la marche pendue qui comme son appellation l’indique consiste à marcher la tête en bas. La roussette place un pied devant un autre et avance lentement de cette manière. Sinon elle adopte la marche quadrupède, suspendue à une branche, ou pour grimper, elle s’accroche à ce qui lui sert de support et avance un peu plus vite. Cette marche est la plus fréquemment utilisée.

Reproduction

Une roussette peut vivre jusqu’à trente ans. A Madagascar, le poids d’une roussette peut atteindre jusqu’à 700g et l’envergure des ailes de 1m. Le plus petit des microchiroptères malgaches pèse 5g. La plus grande roussette au monde Pteropus vampires pèse 1500g et le plus petit 1,5g.
Les glandes ovales au cou des roussettes permettent de distinguer les mâles des femelles puisqu’elles sont plus développés chez le mâle. De plus, en terme de taille, le mâle est plus grand que la femelle. Distinction du sexe qu’il est aussi possible d’observer suivant la forme du museau chez les Hipposideros commersony ou chauves-souris à nez feuilli.
A Madagascar, les naissances ont lieu pendant la période de pluie durant laquelle les aliments sont abondants. C’est âgé de neuf mois au minimum qu’une chauve-souris femelle peut donner naissance, la durée de gestation est d’environ trois mois. Une femelle donne naissance à un petit ou à des jumeaux une fois par an. La reproduction est donc lente. Chez certaines espèces, les petits sont expulsés dans la position pendue de la mère, la tête en bas. Dès que le petit est expulsé par la dernière contraction, il est fermement maintenu par la mère et tout de suite allaité et nettoyé (léché). Les ongles crénelés du petit lui permettent de s’accrocher à sa mère. C’est la mère elle-même qui coupe le cordon ombilical en le mordillant. Le petit n’est capable de voler seul qu’à trois mois.

Organes des sens très développés et écholocation

Les chauves-souris peuvent voir, mais les microchiroptères (ramanavy) ont recours à l’écholocation la nuit lorsqu’ils partent à la chasse aux insectes et afin d’éviter les divers obstacles au cours de leur vol. Les roussettes, n’utilisent pas d’écholocation et parviennent très bien à s’orienter. Leurs gros yeux sont adaptés à la vision crépusculaire. A la recherche de nourritures, les roussettes se fient aussi à leur fin odorat. Les deux côtés du cou de la roussette comportent des glandes ovales qui produisent des sécrétions rougeâtres et très grasses. De par les odeurs de ces sécrétions, les roussettes marquent leur territoire et se reconnaissent. L’ouïe est très développée chez les chauves-souris, les oreilles sont mobiles et reconnaissent les bruits alarmants que d’autres animaux ne perçoivent pas tels que les craquements dénonçant les intrus. Mais comment parler des chauves-souris sans leurs grands ailes. Les ailes réchauffent l’animal lorsque la température baisse. Il s’enveloppe tout le corps. La température du corps des chauves-souris comme tous les mammifères d’ailleurs est constante. On parle d’animaux homéothermes.

Les chauves-souris de Madagascar

En l’état actuel des connaissances, Madagascar compte trois espèces de fanihy et 37 microchiroptères. Les recherches se poursuivent et le nombre peut s’accroître. A cause de l’importance de l’habitat : falaises, grottes et du climat, c’est dans la région ouest et nord de Madagascar que l’on rencontre le plus d’espèces. Particularité du nord : Triaenops auritus (Hipposideridae) qui habite dans les grottes. 14 espèces de chauves-souris de Madagascar vivent par ailleurs dans les grottes d’Ankarana. Il y des chauves-souris partout à Madagascar, mais des espèces que l’on rencontre dans le nord et l’ouest de la Grande île ne se retrouvent pas dans l’est.
■ V.M

 Radosoa Andrianaivoarivelo, docteur en biologie, auteur de la  thèse de doctorat : Ecologie et population de Rousettus madagascariensis G. Grandidier, 1928 (Pteropodidae)

Rencontre avec Radosoa Andrianaivoarivelo, docteur en biologie, auteur de la thèse de doctorat : Ecologie et population de Rousettus madagascariensis G. Grandidier, 1928 (Pteropodidae)

LTdD : Quels avantages avons-nous en préservant les chauves-souris?
R.A. :
Les mégachiroptères, fanihy contribuent à la dispersion des graines et du pollen, assurant ainsi la régénération des plantes et donc de la forêt. Ce rôle est encore plus important lorsque d’autres mammifères (lémuriens par exemple) ne peuvent atteindre les fleurs et les fruits de grands arbres comme les baobabs ou les pamba. Les chauves-souris volent et assurent la dispersion des graines et de la pollinisation des fleurs. Les chiroptères, quant à elles éliminent les insectes nuisibles aux cultures et ceux qui sont vecteurs de maladies pour les humains et les animaux.

LTdD : Qu’est-ce qui pourrait mener à la disparition des chauves-souris?
R.A. :
La chasse et la destruction de leur habitat naturel, la dégradation de la forêt sont les principaux menaces. Il y a aussi les maladies qui les contaminent à la suite d’incursion d’autres animaux dans leur environnement.

LTdD : Qu’est-ce qu’il faut faire ou qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour prévenir leur extinction?
R.A. :
Il faut d’abord appliquer la loi qui régit la chasse des chauves-souris. Préserver autant que possible leurs habitats de nos actions et surtout les protéger des feux de brousse. Il ne faut pas non plus les déranger dans la journée, moment où elles se reposent. Visiter un gîte de fanihy ou de ramanavy en plein jour est comme nous réveiller, nous les humains à 2h du matin.

LTdD : Qu’est ce qui fait que la protection des chauves-souris soit aussi difficile à Madagascar ?
R.A. :
Beaucoup sont ceux qui pensent que les roussettes sont bien nombreuses, inépuisables et ne respectent pas les saisons de chasse. Pourtant le décret 2006-400 signé le 13 juin 2006 portant classement des espèces de la faune sauvage classe les chauves-souris dans la catégorie III et sont soumises aux contrôles des saisons de chasse. On ne retrouve plus de chauves-souris dans de nombreuses gîtes à cause de l’exploitation irréfléchie de l’homme. L’ignorance rend aussi difficile la protection des espèces : les gens ne comprennent pas les avantages que leur procurent les chauves-souris et ce qu’elles apportent à l’environnement, les hommes ignorent tout du mode de vie de ces animaux. Il est aussi difficile de sensibiliser et communiquer à cause de l’éloignement alors que la plupart des espèces de chauves-souris habitent ces zones très reculées de Madagascar.

LTdD : La recherche et la préservation des espèces sont-elles en évolution ?
R.A.
: La recherche évolue, mais ce sont les textes qui régissent la conservation qui ne suivent pas ou qui ne sont pas en adéquation avec les résultats de ces recherches. Les divergences d’opinions politiques, les problèmes sociaux et économiques occupent nos politiciens et nos parlementaires qui ont pourtant le pouvoir de modifier les textes pour la protection de ces espèces en danger.

LTdD : Peut-on garder les chauves-souris en captivité?
R.A. :
Il est possible de les garder en captivité. A l’étranger, de nombreux zoo le font, l’île Maurice garde en captivité une espèce de mégachiroptère Pteropus niger. Néanmoins, il faut du savoir-faire et des connaissances sur leur mode de vie et leur alimentation.