Imprimer
Catégorie : Société
Publication :

Grand'rue de Joffreville

Samedi dernier, le Premier Ministre et la Ministre de la Justice ont inauguré le centre de rééducation de Joffreville. La réhabilitation de l’établissement a coûté 300 millions d’Ariary à l’Etat, il accueillera les délinquants mineurs.

Selon certaines personnes, la décision de créer ce centre aurait été le résultat du mécontentement de la population d’Antsiranana en 2008. Rappelons qu’en février 2008, 55 personnes ont été arrêtées dont 23 mineurs, présumés « foroches ». Le 24 février 2008, ils ont été transférés à Antananarivo : les adultes à la maison centrale d’Antanimora et les mineurs au centre de rééducation d’Anjanamasina (donc à plus de 900 km de leurs parents). Les proches et les natifs d’Antsiranana n’ont pas tardé à manifester leur colère. L’éloignement étant perçu comme une violation des Droits de l’Homme, l’Etat a décidé de construire ce centre à Joffreville. Pour le Ministère de la Justice, ce projet n’est que le fruit de la décentralisation. L’actuelle Garde des Sceaux a affirmé que ce n’est qu’un début car d’autres centres de rééducation seront construits au niveau de chaque ex-province.
Malgré quelques travaux de clôture à terminer, cette maison de rééducation est maintenant prête à accueillir 30 mineurs ayant reçu une ordonnance de placement. Même s’il est géré par des pénitenciers, il ne s’agit pas d’une prison, mais d’un centre semi-ouvert. Comme sa devise l’indique : Fitiavana – Fanabeazana – Fiovana (Amour – Education – Changement), les jeunes devraient y recevoir toute l’attention dont ils ont besoin et apprendre à respecter la discipline pour pouvoir se réintégrer dans la société. Toute la Région DIANA attend beaucoup de ce centre de Joffreville puisqu’il n’y a que deux établissements entièrement publics de ce genre à Madagascar, le premier étant celui d’Anjanamasina-Antananarivo. Les trois autres centres de rééducation (à Antsirabe, Mahajanga et Fianarantsoa) sont gérés par des privés.
Mais une question se pose : si ce nouveau centre ne peut accueillir que 30 mineurs et celui d’Anjanamasina, une soixantaine, où iront tous les autres mineurs délinquants de Madagascar? Rien qu’à Diego, les arrestations se multiplient, vu que l’on a du mal à neutraliser complètement les bandes de mineurs qui se sont formés (« soldats », « foroches »…). Force est donc de constater que les infrastructures pour accueillir les jeunes délinquants manquent réellement à Madagascar. Ce qui expose les mineurs à un grand danger car dans de nombreuses maisons de détention, les mineurs sont incarcérés avec les adultes, une situation que dénoncent certaines ONG. Par ailleurs chacun sait que leurs passages en milieu carcéral les marqueront et souvent les encourageront à la récidive.
En général, l’ouverture de ce centre à Antsiranana ravit la population locale. Certains s’inquiètent de la compétence du personnel chargé de surveiller les délinquants, une mère de famille nous confie : « Certes, les enfants ne seront pas privés de leurs libertés, mais qu’est-ce qui nous dit qu’ils y seront bien traités. Leurs surveillants peuvent leur faire du mal, même intentionnellement ». Une autre personne nous dit qu’elle préférerait les voir directement en prison « ceux de plus de 15 ans en tout cas » précise-t-il. Il explique son point de vue : « Il ne faut pas oublier que nous parlons de délinquants et de criminels. Une personne capable d’un tel acte ne mérite que la punition, c’est lorsqu’il prendra conscience de ce qu’il a fait que nous penserions à son insertion dans la société ». Les idées sont très variées dès que l’on parle de délinquance juvénile à Diego Suarez.
V.M