« Depuis le temps que je fais ce métier, jamais je n’accouche de femmes qui ont des problèmes de santé chez moi. Dès que je sais que la personne va avoir besoin de matériel plus compliqué, je l’amène directement à l’hôpital »
Juliette est matrone depuis 15 ans. Elle a grandi à Mahajanga où elle a débuté la pratique de son métier auprès de sa mère. Maintenant installée à Antsiranana, elle nous fait découvrir cette profession à laquelle la société malagasy tient malgré l’existence d’établissements sanitaires. La confiance des familles à la sage-femme traditionnelle est basée sur sa longue expérience et sa maîtrise des techniques traditionnelles.
Juliette est née en 1955 à Ampahatelo Vangaindrano. Elle a commencé à masser pour la première fois à Majunga à l'âge de 40 ans. En prenant de l’âge, elle est devenue matrone. Sa mère qui était masseuse dans cette ville dans les années 1970 lui a enseigné le métier et lui a transmis le savoir. Juliette parle d’héritage et elle seule, parmi ses 4 frères et 3 sœurs, a ce don. Elle a accouché son premier garçon prématurément à 8 mois de grossesse avec l'aide de sa mère et a elle-même coupé le cordon ombilical. Le bébé n’a pas été mis en couveuse à l’hôpital, c’elle lui a donné les soins. Elle a pratiqué des massages et lui a donné des douches à base de plantes et d’eau tiède. Puis elle a couvert le bébé de grands morceaux de compresses qu’elle a disposés autour de sa taille. Elle a cependant également consulté le médecin pour obtenir des conseils et a acheté des médicaments en pharmacie. Juliette explique les raisons pour lesquelles les gens font appel aux matrones « tout est question d’habitude et de confiance ». Dans la société malagasy, la matrone existe depuis toujours. Les femmes accouchent sans complications et ne sont pas opérées. La matrone parvient à remédier à certains maux, tels qu’un utérus mal positionné ou un fœtus qui ne change pas de place. Juliette souligne néanmoins que lorsqu’elle détecte d’éventuelles difficultés, elle exige que l’accouchement se tienne à l’hôpital auprès de personnel médical et d’équipements adaptés.
Les femmes choisissent d’accoucher chez une matrone pour avoir une complicité lors de l’accouchement. D’après elle, l’avantage pour les femmes d’accoucher chez une sage-femme traditionnelle est qu’elles sont bien conseillées. Au bout de trois jours, la jeune mère peut se lever et revenir à son quotidien, à condition toutefois de ne pas porter ou lever des objets lourds. Elle doit également poursuivre le traitement à base de plantes et respecter les consignes en matière d’habillement. Il faut en effet protéger le corps de l’air et du froid. Elle précise l’importance pour les femmes enceintes de porter une robe de grossesse à partir de trois mois de grossesse, non seulement pour le confort, mais aussi pour la bonne constitution de l’enfant.
En cas de problème lors d’un accouchement
En cas de risque d’accouchement compliqué, elle recommande à ses patientes d’aller accoucher à l’hôpital. Elle suit ses clientes et elle ne cesse de donner des coups de mains dans le but de ne pas accoucher sans problème. Il arrive que la femme qui va accoucher ou/et sa famille contestent la décision de la matrone de ne pas faire l’accouchement. Depuis le début de sa grossesse, une femme consultait Juliette la matrone. Elle avait déjà des problèmes de santé et jusqu’à la veille de l’accouchement, elle insistait pour que la matrone s’occupe d’elle. Pourtant quand Juliette l’a examiné elle a tout de suite su que la dame avait besoin de traitements médicaux particuliers. Alors elle a persuadé la famille d’aller à l’hôpital. Arrivée à l’hôpital, la dame a eu besoin de piqûres immédiates et son bébé a eu besoin d’oxygène. La tension artérielle de la mère était en hausse. « Depuis le temps que je fais ce métier, jamais je n’accouche de femmes qui ont des problèmes de santé chez moi. Dès que je sais que la personne va avoir besoin de matériel plus compliqué, je l’amène directement à l’hôpital » dit-elle. Pour ce qui est du nouveau-né, « lorsque son ventre est gonflé, il a sans aucun doute un problème d'estomac ou un mal au ventre. Si son front est chaud et que souvent l'enfant a des larmes aux yeux, cela signifie qu'il a mal à la tête. S'il a mal à la poitrine il ne respire pas normalement ». Jusqu’à l'âge de 4 ans, les enfants ne disent pas où ils ont mal, explique Juliette. Ils pleurent seulement quand ils sont malades. C'est aux parents de découvrir où est le problème.
Evolution du métier
Quand le président Ravalomanana était au gouvernement, il existait une formation de matrone. Elle a été choisie en première liste pour travailler dans l’hôpital d’Atsaramandroso à Mahajanga. Malheureusement, elle ne pouvait pas accepter l’offre car elle venait d’accoucher. Elle a donc continué à recevoir des gens chez elle. Elle s'occupe également des femmes qui ont des problèmes de santé gynécologiques. Elle aide les femmes qui ont des difficultés à avoir des enfants ou qui font des fausses couches à répétition. Elle leur prescrit un traitement par massage avec des tisanes à base de plante. Chez une femme explique Juliette, un traitement s’impose à la suite d’une fausse couche. Sa spécialité à elle est d’aider les femmes dont le bébé a des difficultés à changer de position avant l’accouchement. A Mahajanga elle travaillait avec des sages-femmes et des médecins. Sans son intervention, les femmes qui rencontrent ce genre de problème subiront obligatoirement une césarienne lors de l’accouchement. Elle a obtenu une distinction par le réseau pour la défense de la culture traditionnelle de Mahajanga
■ Angeline C.