Les membres du conseil municipal présidé par Nourdine ont dénoncé « l’utopie et l’irrationalité » du projet du maire
Le budget primitif qui devait passer de trois milliards en 2015 à onze milliards en 2016 en raison principalement de la création d’une régie directe a été rejeté par le conseil municipal
La création d’un service de transport en commun ne convainc pas le conseil municipal
La discordance entre le maire et le conseil municipal prend de plus en plus d’ampleur, même si publiquement les arguments restent techniques. La neutralité dont veulent faire preuve quelques conseillers (Papa Lala ou Rakotobe) ne semble pas faire le poids pour une meilleure cohabitation face à tant d’hostilité. Jusqu’ici le maire est confiant même s’il va jusqu’à croire que l’objectif de quelques conseillers est de le destituer. Le conseil municipal a prolongé de trois jours sa deuxième session qui devait prendre fin lundi 28 décembre. Dans l’après-midi de ce jour où la décision du conseil municipal était attendue, les deux parties présentaient encore leurs argumentations respectives sur le bien fondé et la rationalité du projet d’investissement que propose le maire : la création d’un service de transport public. Le débat était animé, les membres du conseil municipal présidé par Nourdine ont dénoncé « l’utopie et l’irrationalité » du projet du maire. Aucun des responsables de services techniques déconcentrés consultés à ce sujet n’aurait donné d’avis favorable à ce projet de budget selon eux. Il s’agit notamment de la Trésorerie Principale, de la direction régionale des Impôts, des centres fiscaux et de la direction régionale du Budget. Le maire estime par contre qu’il faut investir pour la population et ne plus se contenter de peu pour pouvoir avancer. « Ces habitudes des années précédentes n’ont rien apporté à la population surtout en termes de développement » clame Djavojozara Jean Luc. Il affirme par ailleurs que le recouvrement des milliards d’arriérés d’impôts (de 2008 à 2013) permettrait de renflouer les caisses de la Commune. Le projet de budget prévoit des constructions et réhabilitations routières en 2016, estimées à 2 milliards 980 millions Ariary et les recettes prévisionnelles de la régie directe représentent plus de 63% du budget de la Commune. Une conseillère confie qu’elle ne votera pas pour ce budget, tout simplement, parce que l’écart entre le budget de l’année précédente et le projet est trop important.
La mise en place de ce service de transport public partirait d’une location à longue durée de trente bus. « La Commune ne fera pas d’achat de véhicules et ne fera pas d’emprunt. Il s’agit de louer les bus » dit le maire. Nourdine, président du conseil municipal avance que la régie va concurrencer les transporteurs (bus, taxi et tricycles) et fera de nombreux chômeurs. Les conseillers municipaux proposent de détacher du budget de la Commune ce nouveau service. Trois recommandations ont été faites par le conseil municipal, mais le maire les a rejetées une à une. Les conseillers municipaux estiment que le maire espère trop en évaluant à sept milliards d’Ariary les recettes annuelles du service de transport. Mais le maire est catégorique, la régie directe sera intégrée dans le budget communal et il a demandé à ce que le conseil municipal valide ou refuse le projet, rejetant ainsi la proposition du conseil de créer une commission mixte (organe délibérant avec des membres de l’exécutif) pour étudier le budget. Mercredi 30 décembre, huit conseillers municipaux sur treize ont rejeté le budget proposé par le maire.
Ce que dit la loi sur la situation présente
Article 154 - Si à la fin de la session, le budget de la Collectivité Territoriale Décentralisée n’a pas été voté par l’organe délibérant ou n’est pas en équilibre réel, le Représentant de l’Etat (le Préfet, NDLR) l’établit provisoirement par arrêté sur la base du projet soumis à l’organe délibérant, sur décision du tribunal financier territorialement compétent. A cet effet, le Représentant de l’Etat peut autoriser l’ordonnancement des recettes et des dépenses de soldes dans la limite du douzième (12ème) du crédit du budget de l’année précédente pour une durée maximum de trois mois, à concurrence des disponibilités de fonds
Loi Organique n°2014-020 du 27 septembre 2014, relative aux ressources de collectivités territoriales décentralisées, aux modalités d’élections, ainsi qu’à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions de leurs organes
Le maire dénonce une mauvaise foi du conseil municipal
Du point de vue du maire, « les conseillers municipaux n’ont pas étudié de manière objective ce budget ». Près de 40% des membres du conseil sont des candidats malheureux à la mairie et auraient du mal à travailler avec l’élu, certains d’entre eux travaillent dans le transport en commun et « ne trouvent pas d’intérêt à ce que ce service de transport de la Commune voie le jour ». « Je n’ai jamais dit qu’on va supprimer les lignes de bus existants ni les tricycles et taxi, il s’agit de concurrence pure et parfaite » dit le maire. Les trente bus, opérant sur cinq lignes, que louerait la Commune relieraient le centre ville (place « Ritz ») aux quartiers. Le tarif est de 3 000 à 8 000 Ariary par mois par personne (public, élèves, troisième âge). Djavojozara Jean Luc avance qu’un sondage a été réalisé avant d’approfondir cette possibilité de créer un service de transport public.
Le maire met aussi sur le compte du mécontentement de bon nombre de conseillers municipaux ce rejet du projet de budget. Le refus du maire de leur octroyer des indemnités allant jusqu’à un million d’Ariary par mois et par membre du conseil en serait aussi la cause.
Mettre fin à certaines pratiques
Djavojozara Jean Luc annonce la fin de mauvaises pratiques, installées dans les habitudes de gouvernance au niveau de la Commune urbaine d’Antsiranana. Les achats de matériel et services qui se font par chèques-carburant, les factures d’eau et d’électricité des conseillers municipaux (du mandat précédent) et des directeurs de service, payées par la Commune, « il y en a même qui ne travaillent plus ici, mais la Commune continue à payer leur facture » dit-il… Au niveau de la gestion du personnel, l’exécutif a à redresser certaines lacunes, voire des injustices. Des retraités de la Commune urbaine d’Antsiranana ne perçoivent pas de pension de retraite car les cotisations n’ont pas été versées, bon nombre de ceux qui sont en service n’ont pas pu prendre des congés depuis 2008 de peur de perdre leurs postes. Sur accord avec l’opérateur téléphonique qui loue un espace sur la place Philibert Tsiranana, cette société devait prendre en charge la peinture du bâtiment de la mairie depuis 2008, mais cela n’a pas été fait. L’extérieur de l’hôtel de ville a été repeint vers la fin de l’année 2015. Par ailleurs, lors de sa rencontre avec les représentants des fokontany, le maire avait annoncé la démolition de quelques maisons et bâtiments construits sur les infrastructures de voirie.
■ V.M