« le baromètre des médias africains est une analyse qui permet d’évaluer l’environnement médiatique d’un pays tout en servant d’instrument de lobbying pour les réformes dans le secteur des médias »
Le baromètre des médias africains, Madagascar, publié très récemment fait état d’un paysage médiatique malagasy mal en point et pointe le danger que cela représente pour la démocratie
Les débats portant sur 39 indicateurs prédéterminés sur l’environnement médiatique se sont tenus deux mois avant que le Parlement ne valide le code de communication. Celui-ci n’a donc pas été spécialement porté dans les débats qui se sont déroulés du 15 au 17 avril 2016, mais les participants (les panélistes), ont souligné les manipulations dont la presse malagasy est déjà victime. Suivant le critère selon lequel « la législation sur les médias est le résultat de concertations approfondies entre les institutions, les citoyens et les groupes d’intéressés », les panélistes ont évoqué le fait que la discussion qui précédait la présentation du projet de loi portant code de la communication n’était qu’un moyen pour les dirigeants politiques de gagner une certaine crédibilité vis-à-vis du public. Durant le débat, il a déjà été rapporté que les journalistes « ont le sentiment amer d’avoir été consultés « pour que la loi passe » et ont peu d’espoir dans ce code de communication ».La commission composée de douze experts, journalistes, experts en médias, juristes, sociologues, acteurs économiques et syndicalistes, représentants d’organisations de la société civile, évalue la situation des médias et attribue des notes pour chacun des 39 indicateurs. « Le rapport final est un résumé qualitatif de la discussion et indique également les notes moyennes pour chaque indicateur, secteur et la note finale du pays » lit-on dans le document. Ainsi « le baromètre des médias africains est une analyse qui permet d’évaluer l’environnement médiatique d’un pays tout en servant d’instrument de lobbying pour les réformes dans le secteur des médias ».Ce baromètre des médias concerne la situation de la presse, de l’industrie des médias et de la liberté d’expression à Madagascar.
Liberté de presse, liberté d’informer, liberté d’expression
NoroRazafimandimby, présidente de l’union des journalistes francophones, section Madagascar a soulevé la question de la liberté de la presse en prévoyant ce qui adviendra lorsque le nouveau code de la communication entrera en vigueur « Défendre la liberté de la presse, c’est défendre l’espace nécessaire pour l’expression des droits fondamentaux de la démocratie. Après 150 ans d’existence et de combat, la presse malgache va-t-elle emprunter le chemin inverse ? Peut-on informer en se basant seulement sur les communiqués officiels et les déclarations des officiels ? Notre pays a besoin d’une presse libre et responsable et l’une ne va pas sans l’autre ». Inquiète de la tournure que va prendre la presse malagasy, la présidente de l’union des journalistes francophones a interpellé tout un chacun pour qu’il n’y ait pas de prétexte ou d’excuse qui va servir à limiter la liberté de la presse et d’expression « dans toute profession, il y a des brebis galeuses. Ne généralisons pas et n’en faisons pas un prétexte pour restreindre la liberté de la presse. La liberté de la presse et d’expression sont des droits et non des cadeaux que l’on veut bien offrir » a-t-elle soutenu.
A Madagascar, l’accès à l’information constitue encore un défi alors que l’article 10 de la Constitution est censé garantir le droit à l’informationpublique. Marcus Schneider n’a pas manqué de rappeler que le code est passé par toutes les étapes législatives, « il nous reste à voir comment et dans quel esprit l’exécutif mettra en œuvre cette nouvelle loi ».Après de premières et vives réactions de politiciens, de syndicalistes et membres de la société civile sur la liberté de presse qui ont suivi la présentation du baromètre,le président du sénat, Honoré Rakotomanana, a donné son point de vue sur ce code de la communication «sujet à polémique » selon ses propres mots. Il a expliqué qu’en cas de besoin, il faut savoir amender le texte « je suis le premier à amender le texte par une proposition de loi dans le cas où il est mal appliqué, c’est-à-dire dans le cas où il n’y a pas vraiment de liberté de presse ». En outre, le président du Sénat affirme que dans ses contestations et expression d’idée, la presse ne publie que les droits et libertés et omet d’énoncer les devoirs correspondants. Après sa prise de parole, le président du Sénat s’est retiré en évoquant « un atelier ou une conférence » où il est invité.
De nombreuses lacunes, voire des vides, à combler
Le baromètre des médias africains, Madagascar 2016, fait état d’autres points sensibles et auxquels les médias et les journalistes malagasy sont confrontés. Les conditions de travail de ces derniers, la difficulté des organes de presse écrite causée par un marché de publicité trop restreint. « Les journaux sont de plus en plus nombreux, mais ne sont ni économiquement viables, ni indépendants. La plupart sont financés par des hommes politiques, des directeurs d’entreprise et la publicité ». Sur le critère relatif à la promotion d’un paysage médiatique diversifié (que le gouvernement a à mettre en œuvre), de l’avis général, «l’Etat n’offre pas de conditions favorables à une presse diversifiée et économiquement viable ». Le baromètre des médias africains touche quatre secteurs : la protection et la promotion de la liberté d’expression (y compris la liberté des médias), la diversité, l’indépendance et la durabilité du paysage médiatique, la transparence et l’indépendance de la régulation de la communication audiovisuelle, le niveau des normes professionnelles qu’exercent les médias.
Le baromètre des médias africains a été créé par le projet « média » de la Friedrich Ebert Stiftung Afrique avec la collaboration du Media Institute for SouthernAfrica. Honoré Rakotomanana, président du Sénat malagasy était seul à avoir représenté les institutions de l’Etat lors de la présentation du baromètre des médias africains, Madagascar 2016, le 8 septembre à l’hôtel Colbert Antananarivo où Marcus Schneider, représentant-résident de la fondation Friedrich Ebert à Madagascar a souligné « une presse libre est reconnue comme une condition sine qua non d’une démocratie vivante et solide ».
■ V.M
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