Madagascar n’avance pas dans la lutte contre la corruption. Pire, le pays perd des points en deux années successives, il recule
Transparency International a publié les données mondiales sur l’Indice de Perception de la Corruption 2017. Madagascar recule dans le classement et le score a baissé de deux points de 2016 (26) à 2017 (24). La moyenne des pays africains est de 32/100. Le recul dans le classement depuis 2015 (123ème en 2015, 145ème en 2016, 155ème en 2017) peut s’expliquer par le fait que des pays sont ajoutés puisque les conditions sont remplies pour qu’ils soient évalués, mais signifie aussi que si Madagascar recule, c’est parce que son score est dépassé par ces pays nouvellement ajoutés.
Persécution des lanceurs d'alerte révélatrice de corruption
Transparency par son expérience (en 25 années d’existence) démontre que « les approches locales et ascendantes de la lutte contre la corruption tendent à être plus durables à long terme que les réformes institutionnelles et juridiques isolées » puisque « les personnes corrompues se sont révélées très habiles à trouver des moyens de contourner les contraintes formelles ». La société civile et les médias sont essentiels pour faire pression et garder des gouvernements honnêtes et responsables. Dans un pays, comme Madagascar, où la persécution des lanceurs d’alerte est monnaie courante, la dénonciation des violations des droits et la dénonciation des infractions à la loi sont mises sous silence. Si les médias et la société abandonnent la lutte, les corrompus agiront en toute impunité. Dans le monde, 368 journalistes ont été tués dans le monde, entre 2012 et 2017. Parmi eux, 70 ont rapporté des faits de corruption. A Madagascar, la lutte pour les libertés civiles, la liberté d’expression et la liberté d’association doit être renforcée. Ce qui implique une plus forte solidarité et organisation.
Recouvrement et affectation d’avoirs illicites : le projet de loi s’y rapportant gène
Les parlementaires ont-ils peur que cette loi une fois en vigueur se retourne contre eux ? En effet, si la loi est adoptée, elle pourrait avoir un effet rétroactif et l’Etat pourra récupérer tous les avoirs volés et les biens acquis de manière illicite. En 2017, le directeur général du BIANCO, Bureau Indépendant Anti-Corruption, n’avait pas caché son inquiétude quant au processus d’adoption de ce projet de loi. A la dernière session ordinaire de l’Assemblée Nationale, le projet de loi portant sur le recouvrement et l’affectation d’avoirs illicites figurait à l’ordre du jour du 12 décembre 2017, mais il a été au dernier moment retiré de cet ordre du jour. D’après le secrétaire général de l’Assemblée Nationale, le projet de loi a été retiré par le gouvernement parce que très peu de députés étaient présents. Le projet de loi portant recouvrement et affectation d’avoirs illicites est parmi les projets de loi qui seront examinés par le parlement en session extraordinaire qui débutera ce 26 février. Il est clair que ce projet de loi gène. Les organes de lutte contre la corruption et le blanchiment y tiennent.
Saisir, confisquer, gérer et repartir les fonds volés pour le développement
L'élaboration du texte qui est devenu le projet de loi portant recouvrement et affectation d'avoirs illicites a été appuyée par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Lorsque le texte a été peaufiné par les différents acteurs en fin 2016, Alessandro Bozzini, conseiller en gouvernance PNUD Madagascar, avait souligné que cette loi, une fois en vigueur, mettra en place « un mécanisme harmonisé relatif à la saisie, la confiscation, la gestion et la répartition des avoirs obtenus par des activités illicites, de façon à en priver les personnes concernées ». Les fonds et avoirs volés seront tracés, gelés, confisqués. Alessandro Bozzini a affirmé que « l’objectif de la lutte contre la corruption n’est plus seulement de punir les coupables, mais également la récupération des avoirs volés et leur conversion en ressources pour le financement du développement du pays ». De telles actions sont attendues afin de mettre fin à l’usage et à la fructification en toute impunité des fonds détournés ou acquis par la corruption. Par ce recouvrement, à défaut d’être rentable, la lutte contre la corruption pourra au moins s’autofinancer et disposer d’un budget plus conséquent soit plus que le 0,1% du budget de l’Etat qui lui est actuellement accordé.
■ V.M