Si l’arrivée d’un bateau de croisière de cette taille reste un événement fort pour la ville dont la vocation touristique s’affirme d’années en années, les opérateurs économiques tirent un bilan en demi-teinte de ce premier toucher de la saison. Enquête
C’est un monstre de 53 000 tonnes avec ses 11 ponts qui est venu ranger ses 220 mètres de long contre le quai nouvellement réhabilité du port de Diego Suarez. Ce bateau luxueux peut embarquer jusqu’à 1 356 passagers et un équipage de 600 personnes et comporte pas moins de 678 cabines dont 34 suites, 10 avec balcon privé, trois restaurants, sept bars, quatre bains à hydromassage, deux piscines, un gymnase, spa, salle de soins, sauna, bain turc, parcours de jogging extérieur, théâtre sur deux étages, casino et discothèque, espace de jeu… un véritable palace flottant !
Une fois embarqués à bord à Saint-Denis de La Réunion, les passagers se sont rendus à Port Louis (Maurice) puis Mahe (Seychelles) et enfin Madagascar avec ses trois escales à Nosy Be, Diego Suarez et enfin Tamatave.
La venue de ce bateau représente un événement pour la ville de Diego et la Région Diana dont l’activité touristique est en plein essor. Alors qu’on aurait pu croire à de fortes retombées économiques, la plupart des opérateurs touristiques que nous avons interrogés se sont dit déçus de la faiblesse de l’impact sur leur chiffre d’affaire.
Une des premières raisons de cet état de fait est probablement la brièveté de l’escale. En effet, arrivé à 8h du matin le bateau a levé l’ancre le jour même à 18h offrant un séjour de moins de 10h à ses passagers. Impossible donc de partir dans de grandes excursions et de visiter les sites éloignés et parfois difficiles d’accès.
Ce qui selon les passagers que nous avons interrogés a probablement le plus freiné les croisiéristes à partir à la découverte des sites de la Région est le prix auquel leur sont proposées les excursions à bord : entre 120 et 150 € par personne pour une excursion, soit prés du double de ce qui se pratique habituellement.
Nelly et Jannick, habitants de l’Île de La Réunion nous confient : «A Nosy Be, nous voulions découvrir les Iles de Nosy Komba et Nosy Tanikely mais l’excursion qui nous était proposée sur le bateau était affichée à 134 € par personne, ce qui représente un véritable budget pour une famille de quatre personnes qui a déjà déboursé près de 5 000 € pour cette croisière. En descendant du bateau, on nous a finalement proposé de faire cette même excursion pour 50 € par personne. »
Même si, d’après Jean Chrys Président de la Chambre des Métiers, le bilan des ventes effectuées au marché d’artisanat de la Place Foch est plutôt positif, les boutiques d’artisanat, bijouteries, tee-shirteries font grise mine avec des ventes très faibles. Selon certains commerçants, il semblerait en effet qu’il y ait un accord d’exclusivité au profit d’une ou deux boutiques et au détriment de toutes les autres.
Les autres grands déçus sont les restaurateurs qui, à part quelques uns qui reçoivent les membres de l’équipage, déplorent un impact quasi nul sur leur chiffre d’affaire. Il semble que les passagers préfèrent retourner sur le bateau pour déjeuner puisque les repas sont déjà compris dans leur forfait de croisière.
Une solution préconisée par plusieurs personnes que nous avons interrogées serait de fermer la rue Colbert à la circulation et d’en faire une zone piétonne comme cela avait été fait lors de la venue de la Jeanne d’Arc en 2008. Il semblerait que ce dispositif, proposé par certains, ait été refusé par d’autres, vraisemblablement en raison d’intérêts particuliers...
Les passagers ont également regretté la fermeture des commerces entre midi et 15h, ce qui vu la brièveté de l’escale est très pénalisant. La quasi inexistence d’animations en ville est une autre remarque fréquemment entendue, notamment par contraste avec l’accueil qui leur a été réservé à Nosy Be.
Souhaitons que tous les opérateurs et acteurs intéressés sauront tirer les enseignements de ce premier toucher de la saison et qu’en partenariat avec l’Office du Tourisme ils parviendront à se coordonner pour offrir aux croisiéristes des séjours inoubliables et faire ainsi de Diego Suarez, ville à forte vocation maritime avec sa rade exceptionnelle et son chantier naval, une escale incontournable pour tous les bateaux de croisière de l’Océan Indien.