Faisant suite à une première visite informelle, Daniel Zaïdani, Président du Conseil Général de Mayotte a effectué une visite officielle pour rencontrer les autorités de Madagascar afin d’amorcer une coopération renforcée.
La Tribune de Diégo : Monsieur Zaïdani, vous venez d’effectuer votre première visite officielle à Madagascar en tant que chef de l’exécutif du 101ème département français de Mayotte, une visite qui vous a amené du 10 au 13 juin à Nosy Be et du 17 au 20 juin 2011 à Antananrivo et à Antsiranana. Que faut-il retenir de vos rencontres avec les autorités malgaches ?
Daniel ZAÏDANI : Lors de notre premier entretien publié dans vos colonnes il y a quelques semaines, je vous avais fait part de ma volonté de venir, dès que possible, à la rencontre des autorités malgaches, aussi bien dans les régions de DIANA et BOENY, partenaires de notre département, qu’au niveau de l’Etat central à Antananarivo. C’est donc ce que je viens de faire du 10 au 13 juin à Nosy Be et du 17 au 20 juin 2011 à Antananrivo et à Antsiranana. Dans une coopération solide comme celle que Mayotte entend avoir avec sa grande sœur Madagascar, l’existence de contacts directs entre les différents décideurs est plus que nécessaire. A ce titre, il faut retenir que le cadre institutionnel qui régit la coopération régionale décentralisée en France est quelque peu différent de celui mis en place à Madagascar pour les régions avec lesquelles nous coopérons. Les difficultés politiques nées du départ du pouvoir de Marc Ravalomanana, ont quelque peu perturbé le rythme des actions que nous menions en faveur des populations de DIANA et BOENY, il fallait par conséquent que nous rencontrions les autorités malgaches au plus haut niveau afin d’engager un dialogue constructif et avancer. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, vos difficultés politiques ont un impact certain sur les échanges humains et matériels entre nos deux pays, à un moment où la France envisage d’accorder une souplesse plus grande à ses Départements d’ Outre-mer (D.O.M) en matière de coopération régionale décentralisée. Il nous fallait donc rassurer nos interlocuteurs malgaches, apporter notre soutien à « la Haute Autorité de Transition » et définir le contour de nos actions pour les 3 prochaines années.
L.T.D.D : Vous avez assisté à la clôture du festival DONIA à Nosy Be, et rencontré les autorités locales. Quels dossiers avez-vous abordé en dehors des échanges culturels existants entre les deux îles ?
D.Z : Je tiens tout d’abord à féliciter les membres du COFESTIN et tout particulièrement son Président pour la qualité et la réussite de la 18ème édition du festival DONIA. Par ailleurs, au travers de ce festival, la culture mahoraise est, chaque année, à l’honneur à Nosy Be et inversement. En effet, des artistes originaires de la région DIANA comme Wawa, Fandrama, Tence Mena et d’autres, se produisent tout au long de l’année à Mayotte. Malgré un agenda chargé, j’ai tenu à me rendre à Hellville où des collègues élus mahorais m’avaient précédé pour l’ouverture du festival. Cette année, Mayotte avait comme ambassadeur de sa musique, un groupe de jeunes musiciens appelé « Djesh », il est représentatif d’une large frange de notre jeunesse. C’était donc important de venir les soutenir et les encourager.
Le volet culturel reste un aspect très important dans la relation que nous avons établie avec les îles voisines et ça marche très bien. Notre présence à Nosy Be est à voir comme un gage de notre volonté à voir se renforcer les liens tissés entre nos différentes populations. Mais notre relation avec Nosy Be doit s’étendre de manière conséquente à d’autres aspects, aussi mes discussions avec le Chef de Région, M. Romuald Bezara, ont porté sur les volets agricole, économique, développement touristique, tel que la mise en valeur du patrimoine malgache au travers d’un projet d’aménagement de la mer d’émeraude. Avec Monsieur Joseph Yoland membre du Conseil Supérieur de Transition, Président de la commission tourisme et artisanat, nous avons établi les bonnes bases d’une coopération gagnante-gagnante notamment en élargissant la coopération décentralisée dans d’autres régions du Nord notamment avec l’île Sainte Marie d’où est originaire un certain nombre de Mahorais.
Il convient d’exploiter au mieux nos atouts de façon à ce que chacune nos deux populations puissent en bénéficier. En effet, je ne suis pas opposé à faire des échanges techniques de façon à faire bénéficier des formations artisanales aux mahorais dans le cadre d’un chantier école.
Par ailleurs, la question d’importation des produits agricoles et des produits bovins à Mayotte a été réitérée. Et nous étions d’accord sur la nécessité et l’intérêt réciproque d’importer les produits bovins de Madagascar vers Mayotte.
Aussi, il est apparu hautement souhaitable de faire un diagnostic exhaustif des ressources existantes entre les deux parties et de mobiliser tous les acteurs français et malgaches pour la réalisation de ces projets (notamment les services sanitaires de Mayotte et de Madagascar). Sur ce constat, Monsieur Joseph Yoland s’était engagé à mettre en place des rencontres, le samedi 19 juin 2011 à Tananarive, entre le Président du Conseil Général de Mayotte et les hautes autorités malgaches compétentes (notamment avec le Ministre de la Décentralisation, le Ministre des Affaires Etrangères, le Président du Conseil Supérieur de la Transition et le Président du Congrès de la Transition).
L.T.D.D : Avez-vous eu d’autres entrevues ? Qu’y a –t-il eu au menu de vos entretiens ?
D.Z : Je constate que vous êtes bien renseignés… Oui, sous la houlette de mon troisième vice-président, M. Saïd Ahamadi, des membres de notre délégation ont rencontré le PDS et le Chef de District. Ils ont discuté de la possibilité d’assouplir les procédures d’attribution de visas de part et d’autres, de la possibilité de réaliser 3 projets : la réhabilitation de l’hôpital de Nosy Be, l’acquisition d’un camion pour le ramassage des ordures ménagères et la mise aux normes européennes d’un abattoir.
Enfin, le dimanche 12 juin 2011, nous sommes allés à la rencontre d’une dizaine de stagiaire mahorais au centre de formation hôtelier de Nosy Be. Il est bon de noter qu’à l’unanimité les stagiaires sont satisfaits de leur formation. Le stage se déroule bien et le cadre est idéal. Ainsi, l’action a vocation à être pérennisée. Cependant, il serait judicieux d’attendre les résultats des examens à la fin de l’expérimentation.
L.T.D.D : Nous connaissons la nature des échanges existants entre Mayotte et Nosy Be en matière de formation et de tourisme, mais pouvez-vous nous éclairer sur la direction que pourrait prendre concrètement le volet agricole et économique de votre coopération ?
D.Z : Il faut préciser qu’il ne s’agit pas ici que l’île de Nosy Be, mais plutôt de toute la région DIANA, même si Nosy Be peut-être vue comme une porte d’entrée et de sortie dans le cadre de nos échanges. Le marché mahorais subit une envolée des prix inégalée depuis quelques années et cela se fait au détriment d’une très grande partie de la population au faible pouvoir d’achat. Pour lui permettre de faire face à cette situation, nous souhaitons favoriser l’importation de viande bovine malgache et d’autres produits agricoles pour remplacer les importations en provenance du Brésil et d’autres pays latino-américains. Avant d’arriver à cela, Mamoudzou et Antananarivo doivent travailler de concert pour solutionner le problème des normes sanitaires qui constitue aujourd’hui un obstacle majeur au regard de la réglementation nationale française et européenne applicable à Mayotte. Sur le plan économique, il existe d’autres domaines où Mayotte et Madagascar peuvent avancer main dans la main pour valoriser des ressources encore sous exploitées et soutenir une économie de proximité. Dans un avenir proche, nous allons nous atteler à les diagnostiquer et ensuite, mobiliser des acteurs en France et à Madagascar pour financer et réaliser des projets profitables aux deux partenaires. C’est le sens des réunions de travail que j’ai eu à Antananarivo le 19 juin 2011 avec des autorités compétentes parmi lesquelles, les Ministres de la Décentralisation, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, les Présidents du Conseil Supérieur de la Transition et du Congrès de la Transition. Pour marquer ce tournant de nos relations, j’ai invité le Président Andry Nirina Rajoelina à nous rendre visite à Mayotte prochainement.
L.T.D.D : En somme, votre première visite officielle à Madagascar a été positive en tout point ?
D.Z : Oui, on peut dire cela. L’intérêt de nos populations réciproques a dominé dans nos discussions. Nous allons prochainement accueillir à Mayotte M. Romuald Bezara, le Chef de Région et M. Nourdine, le Président du Conseil Régional afin qu’ils nous présentent les projets majeurs pour la Région Diana qui sollicitera notre contribution humaine, technique ou financière. Par ailleurs, le département de Mayotte a obtenu l’appui de Madagascar dans son ambition à s’insérer dans son environnement régional. C’est pour nous un pas extrêmement important qui a été franchi et qui présage de notre adhésion future à la Commission de l’Océan Indien.
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