Après Nosy-Be, c’est au tour des jeunes de Diego Suarez d’être entendus par le Ministre de la Jeunesse et des Loisirs. Collégiens, lycéens, universitaires et associations se sont rendus lundi 30 janvier à l’Alliance française pour écouter le Ministre et espérer se faire entendre
Les discussions entre autorités et population semblent devenir la méthode de travail privilégiée en politique à Madagascar. Après le Ministre de la Fonction Publique, c’est au tour du Ministre Andriatiana Jacques Ulrich de passer par les séances de travail et d’information, des échanges d’idées et d’expériences pour identifier et connaître les besoins des jeunes.
La première question posée au Ministre concernait son entrée dans la politique. « Ces séances et les discussions que nous auront porteront-elles vraiment leurs fruits ou s’agit-il seulement d’un discours politique et n’auront pas de suite puisque vous êtes effectivement entré dans la politique ?». Sa réponse s’est rapportée à ce qu’il attend lui-même de la politique : « les longues discussions ne mènent pas loin, c’est l’action qui fait la jeunesse » a-t-il expliqué « je n’ai aucune prétention électorale, mais pour que les projets puissent se concrétiser il faut faire appel aux partis politiques qui ont les moyens de nous soutenir pour leur réalisation. C’est à nous d’apporter à la politique de l’innovation ».
D’après le Ministre Andriatiana Jacques Ulrich, les 3 milliards d’ariary de budget accordé au Ministère de la Jeunesse et des Loisirs sont loin d’être suffisants pour réaliser tout ce dont les jeunes ont besoin surtout en infrastructures. 800 millions sont destinés à la construction et à l’entretien des maisons des jeunes partout à Madagascar. Aucun poste budgétaire n’est accordé au Ministère cette année, des jeunes (Jeunes Pairs Educateurs auparavant) seront formés et travailleront en tant que bénévoles, mais la priorité leur sera donnée dès qu’il y aura un recrutement au niveau de l’Etat.
Le Ministre a demandé à ce que les jeunes s’expriment et proposent des solutions quant aux problèmes liés à la délinquance et au tourisme sexuel. Le point de vue d’un président d’association de jeunes sur la déviance des adolescents de Diego est assez pertinent : « On dit « tany misy olo-be tsy miady zaza », là où il y a d’adultes, les enfants ne se battent pas ». Il a expliqué que les jeunes ne sont pas assez guidés. « les adultes ne nous disent pas quels « trous » éviter pour ne pas tomber ». Il estime que les jeunes ne sont pas soutenus dans ce qu’ils essayent d’entreprendre pour aider la société et pour se distraire. « Il paraît… » a-t-il annoncé « que parmi les enfants, nos adultes ont des préférences ». Un danseur a appuyé ces dires en soutenant que les Raimandreny de cette Région ne se soucient que des sportifs. Toutes les aides vont vers les sports, ceux qui sont dans la culture sont rejetés et ne trouvent même pas de salle pour les cours de danse et les répétitions. Le cas de la maison des jeunes provisoire a été soulevé car il y a des gens qui utilisent la salle pour des raisons qui n’ont aucun rapport avec la jeunesse, des hommes âgés utiliseraient la salle pour faire des parties de domino. Le Ministre a fait la recommandation que la Commission Communale de la Jeunesse et les représentants des associations mettent en place un planning d’utilisation des salles. « les jeunes doivent apprendre à gérer ce qui leur appartient et à s’arranger entre eux » a-t-il dit. Le délégué de la jeunesse veillera à ce que les règles établies soient respectées et fera l’arbitrage en cas de désaccord concernant l’occupation des salles. Il est aussi possible, d’après toujours le Ministre de relever le responsable de la maison des jeunes de ses fonctions s’il ne les remplit pas comme il se doit.
Des infrastructures communales qui réunissent des centaines de jeunes voire des milliers font l’objet de peintures publicitaires qui les incitent à boire de l’alcool. Telle a été la remarque d’un originaire de Nosy-Be qui a dit être prêt avec son association à repeindre les murs. Le Ministre a répondu qu’il n’encourage pas le vandalisme et qu’il faut adopter une attitude digne pour faire face à telle situation car la « jeunesse est un état d’esprit » a-t-il dit.
Le Ministre de la Jeunesse a déclaré aussi que l’appel d’offre pour la poursuite des travaux, réalisés à 48% jusqu’à maintenant, de la nouvelle maison des jeunes se fera à partir de la semaine du 6 février. La constitution d’une structure qui contrôlera l’avancement des travaux a été discuté.
Le Chef de Région, en tant qu’intervenant à cette réunion a appelé les jeunes à prendre leurs responsabilités surtout en ce qui concerne les infrastructures et les matériels qui leur appartiennent. « Il y a des gens qui jouent au foot dans le gymnase alors que le paraflex qui recouvre le sol nous a coûté 1 milliard » a-t-il annoncé. Le Directeur Régional de la Jeunesse a quant à lui attiré l’attention des jeunes sur l' appel à projets proposé par le Conseil Général du Finistère (le PAIJ, Programme d'Appui aux Initiatives des Jeunes, programme qui vise à soutenir des micro-projets culturels et sportifs mis en oeuvre par des jeunes de Diego Suarez).
Le Ministre a déclaré qu’il transmettrait les autres besoins de la Région et de la population aux ministères concernés. Il en est ainsi de la demande des étudiants à ce que l’on rénove et rouvre l’amphithéâtre culturel de l’université d’Antsiranana, du statut juridique du bâtiment Ritz (soulevé par le Chef de Région) qui pourrait abriter la Maison de la Culture de la région.
Les jeunes ont été entendus, mais cela influencera t-il leur avenir et celui de cette ville ? Nous avons remarqué que ceux qui ont pu prendre la parole- nombreux sont d’ailleurs ceux qui ont désiré parler- ce lundi 30 janvier sont des présidents d’associations, des professeurs, des étudiants, bref les plus âgés. Les adolescents venus nombreux assister à cette rencontre n’ont pas pu ou pas voulu s’exprimer par timidité ou pour d’autres raisons. Cas aussi des jeunes filles qui ont choisi de garder le silence. Comment savoir alors quels sont leurs besoins réels et quelles seraient leurs propositions quant aux problèmes qu’ils rencontrent au sein de leurs sociétés ?
De plus, bâtir des infrastructures pour les distraire et pour qu’ils y pratiquent du sport est certes nécessaire, mais à quoi serviraient-elles si elles ne sont pas fréquentées ? Fournir des livres et équiper la maison des jeunes d’outils informatiques et d’Internet sont aussi importants pour la jeunesse de Diego Suarez, mais il s’avère que d’autres actions doivent être menées en parallèle. Eliah, consciente des problèmes, mais ne sachant que faire, nous dit « la plupart des jeunes de Diego Suarez ne savent pas qui ils sont, certains ne connaissent pas leurs pères, d’autres vivent avec quatre ou cinq frères et sœurs de pères ou de mères différents. Normal qu’on se perde. Nous sommes entre la culture des étrangers et celle du nord. Nous n’avons plus de repère puisque ce sont les parents eux-mêmes qui nous apprennent de mauvaises choses ou inadéquates à notre âge. Il y a des pères et des mères qui veulent que leur fille apprenne l’informatique pour faire des rencontres et trouver un homme qui leur donnera de l’argent, par internet… »
Il faudrait soutenir enfants, adolescents et jeunes adultes en les faisant redécouvrir les valeurs morales et réinculquer l’identité culturelle qui fait d’un malgache un malgache : le fihavanana, le respect de Zagnahary le Créateur et des Raimandreny (parents et les plus âgés), le soutien aux plus jeunes…
■V.M.