Comme chaque année, la Fête Nationale a mobilisé toutes les énergies pour célébrer l'anniversaire de l'accession à l'indépendance de Madagascar. Mais la situation, tant au niveau national que local, présage des lendemains de fête difficiles...
Diego Suarez vient de vivre des semaines sans précédents depuis 2008 et l'ouverture de l'usine électrique ENELEC : les heures sans électricité ont été plus nombreuses que celles avec, entraînant une désorganisation totale de la vie locale, sur fond de grogne sociale de plus en plus importante au niveau national.
« Nous n'avons pas eu de courant tous les soirs depuis plus d'une semaine » nous dit cet habitant du quartier Bazarikely, les entrepreneurs déplorent eux de ne pas en avoir de toute la journée, les obligeant à veiller pour travailler la nuit. La situation énergétique de la ville a manifestement subit une forte dégradation ces dernières semaines. A l'origine, un différent entre la société ENELEC, un des prestataires de la JIRAMA pour la production d'énergie à Madagascar, qui fournit en temps ordinaire à Diego Suarez environ 80% de la demande de la ville. Si la JIRAMA assure la fourniture du carburant nécessaire au fonctionnement des génératrices, l'ENELEC doit en assurer l'entretien en fournissant notamment l'huile, les consommables et les pièces de rechange. Or, par une série de communiqués de presse de plus en plus alarmistes, celle -ci a fait connaître au public que le retard de paiement de la JIRAMA est devenu tel qu'elle ne dispose plus de la trésorerie nécessaire pour assurer cet entretien, et que faute de maintenance, les machines subissent une dégradation importante et rapide qui entraîne leur arrêt les unes après les autres. La semaine dernière, il ne restait plus que deux des cinq unités de 1,5 méga watts opérationnelles. La centrale de la JIRAMA ayant eu elle aussi à subir des pannes, c'est ainsi que seul 40% environ de la demande d'énergie de la ville a pu être fournie ces dernières semaines.
Dans son dernier communiqué, l'ENELEC informe qu'elle fait l'objet d'un ordre de réquisition depuis le mois de février qui la contraint à continuer sa production sous la menace du recours à la force armée alors que ses factures ne sont pas honorées. Elle déplore n'avoir reçu que « un paiement de 500 millions d'ariary jusqu'en mars 2013 ce qui ne couvre même pas les coûts mensuels de production du site d'Antsiranana (7,5 Mégawatts) ». Il se murmure pourtant que la JIRAMA encaisse chaque mois pour la seule ville de Diego Suarez plusieurs milliards d'Ariary...
L'absence de plan régulier de délestage clairement lisible et qui permettrait aux usagers de s'organiser est du à la crainte des vols de câbles électriques. Si les périodes de coupures sont prévisibles, il est en effet aisé pour les voleurs de s'organiser pour pouvoir s'attaquer aux lignes dès qu'elles ne sont plus alimentées. Le corollaire fâcheux est que ce système aléatoire ne permet pas la mise en place d'une gestion rationnelle de la pénurie avec par exemple de l'électricité en journée pour les entreprises et administrations, et la nuit pour les particuliers.
Cette pénurie d'électricité vient s'ajouter aux difficultés que connaît déjà la population de la ville. On ne reparlera pas de la pénurie d'eau, chronique celle là, qui suit un rythme immuable au gré des saisons. La pénurie, ou pour être juste les difficultés d'approvisionnement en carburant sont désormais installées dans le paysage. Depuis des mois, il n'y a pas un jour sans qu'on ne voie des files d'attente de plusieurs dizaines de véhicules occasionnées par la rupture de stock de carburant des stations-service d'Antsiranana. L'approvisionnement connaît des hauts et des bas depuis la fermeture de plusieurs stations-service, devenues des parkings. Comptez au minimum une bonne demi heure d'attente pour pouvoir faire le plein -si vous avez de la chance : en effet, si vous arrivez pendant une coupure d'électricité, les pompes ne sont plus alimentées... Selon le gérant d'une des stations, les stations fermées n'ont pas pu régler leurs arriérés vis-à-vis des sociétés pétrolières fournisseurs. Et elles ont du déposer leur bilan. Échaudés, les fournisseurs ont du prendre des mesures draconiennes quant à la procédure d'achat de carburants. « Les fournisseurs exigent de nous le paiement au comptant. Mais nos moyens financiers sont limités par rapport aux besoins de la population. De plus, les procédures sont longues, causant des retards de livraison », nous confie le gérant.
À ces difficultés d'ordre local est en train de se superposer une grogne sociale multi-sectorielle qui trouve son origine au niveau national : le SEMPAMA, le syndicat des personnels enseignants est en grève depuis plusieurs semaines, et l'issue de ce mouvement semble pour le moment des plus incertaines. « L'année blanche ne serait pas à écarter », a déclaré Fidèle Raharimalala, président du syndicat des enseignants-chercheurs de l'enseignement supérieur (SECES) section Antananarivo après leur assemblée générale à Ankatso. « Le gouvernement nous a promis de payer nos droits au mois de mai. Nous avons accepté son report, à cause d'une procédure administrative au mois de juin. Mais la déception était totale cette semaine, au moment de recevoir le bon de caisse », a expliqué Fidèle Raharimalala
Paradoxalement, les candidats des établissements scolaires publics des régions s'inquiètent quant à eux du maintien de la date des examens officiels, malgré la grève du SEMPAMA. Des foyers de contestation sont d'ailleurs apparus comme dans le Boeny où des étudiants ont refusé de recevoir leurs convocations, arguant que la durée de la grève ne leur a pas permis de se préparer correctement à ces examens.
Les personnels hospitaliers et membres des professions paramédicales sont eux aussi en grève depuis plusieurs semaines, eux aussi sur la base de revendications financières. Ils n'assurent plus qu'un service minimum.
Loin de s'apaiser, ces différents mouvements semblent converger et se renforcer. Les syndicats des fonctionnaires regroupés dans une « cellule de crise interministérielle », qui rassemble les syndicats des médecins, des paramédicaux, des enseignants-éducateurs ainsi que le personnel de l'administration pénitentiaire, menacent d'observer une grève générale à partir du 2 juillet prochain.
Le traditionnel feu d'artifice du 25 juin au soir n'aura duré cette année à Diego Suarez qu'une quinzaine de minutes - loin des feus d'artifices grandioses de plus d'une heure auxquels s'était habitué le public depuis quelques années. Doit on y voir le signe positif d'une saine mesure d'économie augurant d'une sérieuse reprise en main des affaires du pays, ou doit on en conclure que décidément cette fois ça y est, les caisses sont vides ?
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Commentaires
Connaissant la mentalité de nos "Talehy" et sachant leurs extrêmes résistances aux conseilles pratiques, ils nous larguerons jusqu'au fond du puits, pour bien s'assurer la maintenance d'un système, qui les a fait monter en surface.
Ils s'en moquent, si leurs petits-enfants connaîtrons les mêmes problèmes ou pire que ceux d'aujourd'hui. D'ailleurs pourquoi s'en soucier, ils ont tellement pondu d'enfants illégitimes, (...) á quoi bon s'en préoccuper.
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