Le 3 mai est non seulement célébré dans le monde pour attirer l'attention du public, des gouvernements et des instances internationales sur le fait que journalistes risquent leurs vies ou la prison en recherchant, en transmettant et en rendant public les informations. C'est aussi l'occasion de connaître l'évolution quant au respect et l'exercice de la liberté d'expression à Madagascar et dans les régions telle qu'elle est stipulée par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
La situation actuelle à Madagascar et dans le reste du monde
Le baromètre de la liberté de la presse 2013 de l'ONG Reporters Sans Frontières indique qu'à Madagascar, aucun journaliste, aucun collaborateur n'a été tué, aucun journaliste, aucun collaborateur, aucun net-citoyen n'a été emprisonné. Dans le monde 19 journalistes ont été tués, 9 net-citoyens et citoyens journalistes tués, 174 journalistes emprisonnés et 162 net-citoyens emprisonnés. Reporters Sans Frontières rapporte qu'à Madagascar, en 2012, quatre personnes : directeurs de publication et rédacteurs en chef ont été poursuivis en justice et un blogueur a été visé par une plainte. Le classement mondial de la liberté de la presse 2013 de Reporters Sans Frontières place Madagascar au 88ème rang s'il occupait la 84ème place en 2012. Le trio de tête est constitué de la Finlande, du Pays Bas et de la Norvège. Comme l'année dernière le Turkménistan, la Corée du Nord et l'Érythrée clôturent la liste.
La célébration au niveau national se déroulait à Vatomandry, région Atsinanana. Le ministre de la communication avançait que ce sont les journalistes eux-mêmes qui ne font pas prévaloir leurs droits. Les pots de vin sont monnaie courante et ceux qui paient « dictent » leurs souhaits. Cette pratique nuit à la notoriété des journalistes et à la qualité des informations. La conférence-débat organisé ce 3 mai à Vatomandry a permis de savoir qu'il existe un projet de code de communication, prêt depuis un an, qui vise à améliorer les conditions de travail et la protection des journalistes.
Partout dans le monde, les journalistes, même ceux de pays déclarés les plus démocratiques au monde et respectueux des Droits de l'Homme, dénoncent les nombreux obstacles à la liberté d'expression et de la presse. Mais il faut rappeler que sans les entrepreneurs aucune maison de presse ne peut exister et les journalistes auraient des moyens très limités (voire pas du tout) pour communiquer les informations recueillies et ses analyses sans les supports fournis par ceux-ci. Ces propriétaires ou gérants de maisons de presse publiques ou privées sont ce que l'on appelle les patrons de presse. Les obstacles à la liberté peuvent provenir de ces personnes dans la mesure où les articles et/ou reportages produits par les journalistes sont contraires aux principes qu'elles ont posés. De plus, nombreux sont les articles et reportages produits pour défendre les idées politiques des patrons, car il est à noter que la plupart des organes de presse de Madagascar ont été créés pour soutenir les opinions politiques de leurs propriétaires, le public a alors pris l'habitude de les classer et de consommer suivant leurs positions face au régime. L'objectivité des analyses et des points de vue développés, influencés par la politique est donc fort douteuse. Mais force est d'avouer que bon nombre de journalistes n'ont jamais bénéficié de formation sur le métier, chacun se renseigne sur les lois qui régissent la profession et acquiert ses connaissances sur le terrain. Des universités et des instituts privés proposent pourtant des formations en journalisme et des milliers de jeunes sont diplômés dans ce domaine. Mais la plupart des patrons de presse ne font pas appel à eux par crainte de devoir dépenser pour les salaires. Il a été en effet constaté que des journalistes sont payés en dessous du salaire minimum d'embauche et pourtant le métier nécessite des déplacements et autres dépenses sans parler des matériels à utiliser pour recueillir les informations que les maisons de presse ne fournissent généralement pas. Nombreuses sont donc les remarques et critiques négatives autant de la part du public que des autorités sur la qualité et l'objectivité des informations publiées.
Le journalisme à Antsiranana
A Antsiranana, la journée mondiale de la liberté de la presse était célébrée par les journalistes, animateurs et patrons de presse les 2 et 3 mai. Ils étaient une cinquantaine issus de l'audiovisuel et de la presse écrite, publics et privés à avoir participé aux activités organisées cette année. Pour marquer l'évènement, les patrons de presse et les consommateurs ont été invités à débattre sur le thème « Parlez sans crainte, assurer la liberté de la presse dans tous les médias ». Denis Rajerisia, directeur interrégional de l'information et de la communication et le Père Simon Zafisoratra, directeur de radio Faniry représentaient les patrons de presse, Rabarison Ernest, président de l'association des consommateurs évoquait les attentes et les observations des auditeurs et des lecteurs. Trois thèmes ont été disséqués au cours de ce débat, thèmes choisis par les journalistes suivant l'actualité et leurs rapports avec la liberté de la presse : le processus électoral, les foroches et le pratique du journalisme dans la région nord de Madagascar. Un débat qui a duré plus d'une heure, mais pimenté par les questions qu'ont posé les journalistes de tout Antsiranana qui profitaient de l'instant pour évoquer les difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leurs fonctions.
Dans la matinée du 3 mai, des journalistes et représentants des médias d'Antsiranana se sont donnés rendez-vous à l'hospice municipal, un service rattaché à la DASC ou direction des affaires sociales et culturelles de la mairie. Ce centre accueille six personnes âgées auxquelles les médias d'Antsiranana ont offert des vivres et des savons. L'après-midi, une dizaine de journalistes et personnel de médias ont adhéré à l'AMA ou Association des Médias d'Antsiranana lors de l'assemblée générale qui se tenait à l'Ankarana annexe.
Trois personnes qui s'intéressent de très près aux actualités de la région nous ont donné leurs avis sur le journalisme à Antsiranana.
Houssen Kourban, lecteur et vendeur de journaux « les journalistes font leur travail, mais parfois les informations sont insuffisantes ou ils ont obtenu de fausses informations » quant à ses attentes « nous les Antsiranais ne sommes pas suffisamment informés, les journaux de la Capitale arrivent avec des jours voire une semaine de retard, il y a un effort à faire là-dessus ».
Hortense, poissonnière « je peux dire que suivant leurs possibilités, les journalistes de la ville et de la région réussissent à remplir comme il se doit leurs fonctions…. Je voudrais tout de même qu'ils s'intéressent un peu plus à nos problèmes, qu'ils rendent visite de temps en temps aux marchands du bazarikely et surtout à la poissonnerie ».
Arnoldy, étudiant à l'Université Nord Antsiranana « les journalistes font leur travail, néanmoins vous ne vous informez pas tellement sur ce qui se passe à l'université surtout auprès des étudiants. Est-ce vos chefs qui vous empêchent d'y aller ou c'est vous qui vous abstenez. Les revendications des étudiants ne sont pas transmises comme il se doit. Vous avez peut-être peur des jets de pierres…».
A Antsiranana les entraves à la liberté de la presse et qui rendent insatisfaisantes les informations communiquées au public se présentent sous diverses formes et touchent différentes étapes de l'élaboration et de la publication des informations. Des personnes censées donner des explications ou des précisions se dérobent aux questions: certaines se montrent arrogantes, elles n'ont pas de temps à accorder aux journalistes, tout le temps pressées et demandent aux gens de la presse de revenir un peu plus tard ou un autre jour, d'autres sont catégoriques et refusent de communiquer, certains même, menacent.
Il a été admis par les patrons de presse lors du débat que ni l'Etat ni les maisons de presse n'ont les moyens d'assurer la sécurité des journalistes face aux dangers que représente le métier. Le président de l'association des consommateurs, Rabarison Ernest a avancé que les consommateurs soutiennent les journalistes, « nous ne pouvons certes pas assurer leurs sécurités quotidiennement, mais tant que les journalistes sont dans la légalité, ils ont notre soutien ». Il a par ailleurs soutenu que des dirigeants respectueux de la Constitution et la Déclaration universelle des Droits de l'Homme respectent et font respecter la liberté d'expression. Il a cependant reproché aux journalistes et aux médias d'accorder trop d'importance aux politiciens et de ne pas donner la parole au public. En ce qui concerne la régularisation du métier, cela fait à peine deux ans que l'ordre des journalistes malgaches a été rétabli et jusqu'ici, l'ordre n'a pas l'envergure de ceux des autres corps tels que l'ordre des médecins ou l'ordre des avocats qui ont le pouvoir de juger et de sanctionner les membres indépendamment des institutions étatiques mais suivant la discipline, l'éthique et la déontologie du corps de métier. A l'heure actuelle, les journalistes des régions s'organisent au sein d'associations créées pour la formation et le renforcement de la solidarité des membres.
■ V.M