Zanabahoaka Victor dit Bahoaka est le père fondateur de l’école de musique Zomare Antsiranana de l’association Zomaré (Zomban’ny Moziky Antsiranana, La Réunion)
Artiste polyvalent, Zanabahoaka est une des grandes figures de la ville d’Antsiranana. Né le 3 mars 1936, juste après son frère jumeau, Bahoaka (son nom de plume) est un géomètre assermenté à la retraite, professeur de français et non moins écrivain, poète, sportif de haut niveau et musicien hors pair jouant de la guitare, de la percussion, du saxophone, de la trompette, de la flûte traversière, du piano et encore bien d’autres...
Ses presque 80 ans ne l’empêchent pas d’être d’une « jeunesse contagieuse », conjugant au sein d’une même personne où bonté humaine, expérience de la vie, humour, gentillesse, mais aussi rigueur et précision dans le travail. Jaojoby Eusèbe, le roi du salegy malagasy le reconnait comme son mentor et formateur musical.
C’est au fruit que l’on reconnait l’arbre. Elevé au grade de commandeur de l’Ordre National de la République le 26 Juin 2010, l’homme est une mémoire vivante dont la lumière est vivifiante. Précurseur d’un David Jaomanoro parti trop tôt, Bahoaka continue de passer son héritage aux jeunes malagasy qui ont la chance de croiser son chemin. Rencontre.
LTdS : Parlez nous un peu de vous...
Bahoaka : Je suis tout simplement « Bahoaka », et actuellement, je me considère comme étant un chercheur dans le champ des sons et des mots. J’étais à l’école protestante française de Diego Suarez entre 1941-1942, quand le 5 mai 1942, les Anglais ont débarqué à Diego Suarez. En 1951, et ce jusqu’en 1953, j’ai fréquenté l’école régionale de Diego Suarez, et en même temps, j’étais footballeur junior du sport olympique de Diego Suarez. Passionné d’études, j’ai suivi un parcours d’études françaises à l’université d’Antananarivo aussi, entre autres.
LTdS : Et votre parcours musical ?
Plus de soixante ans dans le milieu artistiques, c’est long… Je peux juste vous dire qu’en 1952 j’étais déjà musicien du Bar Paname, avec l’Orchestre Les amis de la Musette, et quand entre 1953-1955, j’étais au collège d’administration de Majunga, je faisais aussi partie des musiciens du Grand Hôtel de Majunga, au sein de l’Orchestre Samori. Entre 1955 et 1957, j’étudiais à l’école Le Myres de Villiers d’Antananarivo (L’université Coloniale) quand à la fin de mes études, j’ai eu le premier prix de musique, le deuxième prix en littérature et le troisième prix de trigonométrie mathématique.
LTdS : Parlez-nous de la fanfare municipale.
Entre 1963 et 1965, j’ai été chargé par Monsieur Francis Sautron, Maire de la Commune Urbaine de Diego Suarez de créer la fanfare municipale ainsi que la formation musicale des apprentis musiciens.
LTdS : Vous êtes aussi un incontournable musicien d’église…
Incontournable, je n’en sais rien (rires), mais en tout cas, depuis les années 60’ jusqu’à présent, je mets mes talents au service de mon Dieu dans les églises des paroisses auxquelles je me suis affilié au cours de mes nombreux voyages et affectations. C’est ma façon de professer ma foi d’une façon mélodieuse (rires).
LTdS : Vous êtes aussi le père fondateur de Zomare Antsiranana.
Oui en effet, l’association Zomaré (Zomban’ny Moziky Antsiranana - La Réunion) a été fondée le 6 septembre 1999. Ensuite, le 11 mars 2000, l’école de musique et de danse Zomaré ont été créées, où je fus le seul professeur pendant la première année d’apprentissage musical. Ensuite, des collaborateurs sont venus étoffer les rangs des professeurs.
LTdS : Vous êtes aussi écrivain poète, et certaines de vos œuvres sont déjà connues. Votre style, « l’amalgame poétique », commence à faire école. Pouvez-vous nous éclairer sur ce qu’est un amalgame poétique ?
Une œuvre est dite « amalgame poétique » lorsque les valeurs culturelles de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud sont exprimées en art, en même temps, pour un thème unique, dans la sublimité. Il s’agit d’un alliage de deux éléments distincts, l’un traditionnel, l’autre moderne et universel, pour former un nouveau corps artistique en symbiose.
LTdS : Un message pour nos lecteurs ?
Être artiste n’exclut en rien un bon parcours scolaire, alors, je demanderais humblement à la jeunesse malagasy de mettre tous les atouts de son côté : une tête bien faite et à la fois bien pleine, un esprit sain dans un corps sain, aimant les sports, appréciant les arts, loin des drogues, alcools, violences, paresse et prostitution. La tolérance mutuelle sauvera notre société de la dérive, l’amour du prochain, et l’espoir…mais un espoir marié avec du travail afin que vienne un succès bien mérité d’une génération que je souhaiterais devenir meilleure que la nôtre.
■ Luis. K