Un de mes meilleurs souvenirs, est constitué des sourires des enfants de l’école Rossignol de Diego Suarez. Un des pires : les 14 derniers kilomètres en Taxi Bé de la route Tana> Diego après 32 heures de voyages et 3 pannes ! L’impression de ne jamais arriver
A 59 ans, Denis Rion sillonne le monde avec sa panoplie de photographe professionnel. Photographe de spectacle, spécialisé dans les captures de spectacles et mouvements de danse. Il vit en France, mais l’un de ses pays de prédilection est Madagascar où il passe beaucoup de moments chaque année. Rencontre
LTdD : Pourriez-vous un peu nous parler de ce qui vous a amené à la photo ?
Denis Rion : Eclairagiste au théâtre et pour la danse pendant 20 ans, la création des lumières de spectacles m'a tout naturellement amené à la photo. Mes rencontres avec des artistes, metteurs en scène, chorégraphes ont été déterminantes dans mon désir de capter, de transmettre.
LTdD : Votre dernière exposition en date, « les cinq continents » véhicule quoi exactement ?
Denis Rion : Cinq continents : une foison de cultures, de mode de vie, de systèmes de pensées, de rythmes… Aller rencontrer "l'autre" dans son art et dans sa vie m'a toujours et de plus en plus intéressé. Tenter de ramener quelques essences d'ailleurs pour dire nos différences mais également que le monde est un. Je mène depuis plusieurs années un travail de mémoire sur la création chorégraphique contemporaine au travers de l'image photographique. Ce travail se fait dans divers continents, et a été l'objet de plusieurs expositions au Mali, à Madagascar, en Guyane, au Brésil et en France bien évidemment.
Ces derniers temps, mes pas se sont attachés à L'Afrique et à Madagascar en particulier.
LTdD : Vous êtes aussi particulièrement connu pour avoir immortalisé des moments de danse et des figures de danseurs en Afrique …
Denis Rion : Oui, effectivement, l’Afrique est un continent plein de ressources humaines et artistiques. J’ai eu des collaborations avec la chorégraphe Kettly Noël, directrice artistique du festival Danse Bamako Dense (Reportage sur le festival et exposition de photos à l'institut Français de Bamako). J’ai aussi effectué un reportage photo sur le "Festival des Divinités Noires" au Togo. Et là, j’ai un projet de festival photo ayant pour thème : "les villes africaines et leur évolution" en Guinée Conakry (Circus City) en collaboration avec l’artiste Guinéenne Aïssa Sow.
LTdD : Et pour Madagascar ?
Denis Rion : Madagascar est un trésor d’inspiration, même pour les artistes les moins créatifs. On dirait que tout y est muse et que chacun des Malagasy est un peu artiste dans l’âme. C’est pourquoi j’y ai investi beaucoup de mon temps, de mon énergie et en passant, j’ai effectué la création d'un spectacle (Corps) avec les chorégraphes Gaby Saranouffi et Moeketsi Koena. La photo sera "acteur" du spectacle. J’ai effectué le reportage photo du Festival I’Trôtra ainsi que des expositions et des projections autour de la danse et de ce festival depuis 2013. Je donne aussi des formations de photographes pour partager mes expériences avec les plus jeunes et d’autres passionnés de la photo.
LTdD : Quels sont vos projets ?
Denis Rion : Depuis cette année, je souhaite axer une part de mon travail sur les chemins de la création artistique, professionnelle ou non, et de son rôle de transmission. Il n'existe que peu de traces sur cet aspect de la création artistique. J'ai jusque-là témoigné de "réalisations finies" (spectacles déjà montés). Dans cette optique, en mars 2016, j'ai réalisé un reportage photo au Lavoir Moderne Parisien sur l'atelier théâtre de l'association des femmes du quartier de la Goutte d'Or. Ce travail a été ensuite présenté dans ce théâtre dans le cadre du "Festival au Féminin". Je viens de terminer un reportage photo sur un collectif de clowns amateurs et semi professionnels dirigé par Claudia Nottale, metteur en scène, clown sensoriel, psychopédagogue de la perception. Parallèlement, au festival I'Trôtra, nous sommes à la création d'un projet de reportage sur le travail de la compagnie de danse contemporaine "Cie Mawguerite», (direction artistique : Bernardo Montet) sur les échanges artistiques entre une école de Morlaix et une de Diego Suarez (l’école Rossignol).
LTdD : Madagascar est un pays récurrent dans vos parcours, quels sont les tenants et aboutissants de cette relation si particulière ?
Denis Rion : Je suis venu pour la première fois à Madagascar il y a 20 ans. Dans les nombreux voyages que mon métier m’amène à faire à travers le monde, Madagascar à l’époque m’avait particulièrement touché, ému. Je ne m’en explique pas encore bien le pourquoi mais la certitude en est les rencontres humaines. La lumière dans les yeux des malagasy est unique ! Mon lien plus récent est très lié à ma rencontre avec Gaby Saranouffi, chorégraphe et directrice artistique du festival de danse contemporaine " I’Trôtra " en 2011, au festival "Rencontres de Danses Métisses" en Guyane. Une connivence artistique s'installe très vite et depuis 2013, j'accompagne le festival "I'Trôtra" au travers de reportages photos, d'expositions et de projections de photos de spectacles du festival aux Alliances Françaises de Tananarive et Diego Suarez et à l'Institut Français de Tananarive. Ma participation à ce festival est celui de témoin. (Photo Reportage)
LTdD : quelles sont les grands points de vos actions à Madagascar ?
Denis Rion : A vrai dire je pourrai juste diviser mes actions à Madagascar en deux grands axes : 1ère action, le Festival I'Trôtra. Je réalise depuis 3 ans le suivi en images de ce festival, tout en proposant une interactivité pendant le festival. Les images sont aussitôt traitées et diffusées dans le cadre de projections et d'expositions dans les différents lieux du festival. (Institut Français de Tananarive et Alliances Françaises de Tananarive et Diego Suarez). Je photographie aussi bien les spectacles que les répétitions, travaux de recherches, stages, actions dans les écoles, tout ce qui fait la richesse et la diversité de ce festival. Je fourni sans contrepartie aux artistes présents au festival les photos de leurs spectacles pour leur utilisation future de communication. Je m'occupe également avant, pendant et après le festival de la communication de celui-ci (site web, Facebook, presse, etc.). 2e action : La formation de photographes. En 2015, en collaboration avec Fidisoa Ramanahadray, directeur du Mois de la Photo, nous avons organisé de façon informelle avec un groupe de jeunes photographes un travail de prise de vue des spectacles, puis de réflexion sur les choix artistiques de chacun en vue d'une sélection et de projections à l'Institut Français de Tananarive en amont des spectacles du festival. Je leur proposai d'avoir un regard "d'artistes photographes" sur les spectacles du festival I'Trôtra. J'ai découvert au travers de cette rencontre un vrai intérêt pour cet art et une très grande qualité de regard de la part de ces jeunes photographes. Ils ont été très motivés par ce travail entrepris. Je pense pouvoir amener de par mon expérience comme photographe de spectacles, un regard artistique sur les images réalisées au cours de ce festival par ces photographes. Je suis intéressé dans mon travail à cet aspect d'ouverture, de partage, de recherche, d'échanges et bien évidement de transmission. Les jeunes de Madagascar sont d'une grande ouverture sur les arts et sont malgré de grandes difficultés économiques très connectés avec le reste du monde grâce ces médias communs que sont les réseaux sociaux. Madagascar est une terre de photographes, un courant de cet art se poursuit depuis 1930. Il y a donc un grand intérêt de tous pour cet art de la représentation. Dans les années à venir, je souhaiterai développer ce projet, en relation avec les Alliances Françaises de la "Grande Ile".J'ai eu déjà pour cela, le soutien de l'Alliance Française de Diego Suarez, du Mois de la Photo, et de la direction artistique du Festival I'Trôtra.
LTdD : Parlez-nous de vos meilleurs et pires souvenirs dans votre parcours de photographe
Denis Rion : Allez, je mets les deux à Madagascar ! Un de mes meilleurs souvenirs, est constitué des sourires des enfants de l’école Rossignol de Diego Suarez. Un des pires : les 14 derniers kilomètres en Taxi Bé de la route Tana> Diego après 32 heures de voyages et 3 pannes ! L’impression de ne jamais arriver
■ Propos recueillis par Luis K.