Dans de nombreuses régions de Madagascar et surtout en milieu urbain, il n’y a plus que les personnes âgées qui portent les habits traditionnels au quotidien.
Les jeunes ne connaissent plus la valeur et même la signification de ces habits. Rares sont les lycéens et universitaires originaires d’Antsiranana que nous avons rencontré qui ont pu argumenter sur l’importance de porter le salovana et le kisaly.
A Madagascar, le port du lamba est une tradition. Le lamba est le tissu qui couvre tout ou une partie du corps. Dans les hauts-plateaux, les gens se couvrent les épaules ou le buste avec des lamba blancs ou des lamba landy (tissus en soie). Et tandis que les hommes Antankarana nouent autour de leur hanche un lambahoany (pagne ou paréo) que l’on appelle kitamby, les femmes Sakalava du Boeny (de Mahajanga), Bemihisatra (de Nosy-Be), Bemazava (d’Ambanja) et Antakarana (Antsiranana et Ambilobe) portent le salovana et le kisaly. Le salovana est un tissu de 110 / 160 cm cousu pour être enfilé et que la femme noue sur sa poitrine. Kisaly signifie châle, c’est un tissu de même qualité et de même couleur que le salovana qui couvre la tête et les épaules. Des habits traditionnels des pays d’Afrique et des îles de l’Océan Indien (Mayotte, Comores) sont similaires au kisaly et au salovana. Autrefois, ces tissus étaient en coton, fabriqués à Madagascar. La plupart sont maintenant importés et sont en nylon ou en dentelle. Les couleurs, la coupe ainsi que les motifs que l’on a donné aux tissus auraient été inspirés surtout des habits traditionnels indiens, indonésiens et africains (sari et sarong). Offrir un salovana et un kisaly à une nouvelle venue est symbole d’amitié et de bienvenue. D’ailleurs, au temps des royaumes, les rois et reines s’offraient des tissus en coton ou en soie pour sceller un accord et fortifier le fihavanana (lien qui unit plusieurs personnes qui se comportent comme étant d’une même famille).
Des personnes âgées nous ont expliqué la fonction et la signification du salovana et du kisaly dans le Nord de Madagascar. Autrefois, nous disent-t-elles, les femmes s’habillaient de salovana et de kisaly au quotidien. Seulement, il y en a qui ne se portent qu’aux grandes occasions : fêtes et cérémonies au sein de la société. Mais le monde et les échanges avec d’autres pays ont évolué et les femmes Sakalava et Antakarana d’aujourd’hui ne mettent plus ces habits traditionnels qu’à certaines occasions : décès, marche et carnaval… Selon ces aînés, le fait qu’une femme porte un salovana et un kisaly inspire le respect et le mystère, contrairement à ce qui se passe actuellement « où tout est dévoilé » nous dit un homme de soixante ans, car ces tissus traditionnels que la femme porte dissimule ses formes sans pour autant lui ôter sa beauté. Quand des personnes âgées ou Ray aman-dReny sont à la maison, les jeunes filles et les femmes doivent porter le salovana. De plus, le salovana facilite les mouvements de la femme. C’est pour cela qu’elle le porte pour effectuer les diverses tâches domestiques et les travaux dans les champs. Mais ce qui est triste selon les personnes interviewées, c’est que ni le salovana ni le kisaly ne se portent plus comme il faut. « Les femmes d’aujourd’hui plient une grande partie du tissu avant de le passer autour de sa poitrine, ce qui fait que le salovana ne cache plus les jambes et les genoux » nous explique Maman’i Saïd. Il arrive aussi, selon elle toujours, qu’on porte des tissus trop fins donc on voit tout à travers, quant au kisaly on oublie carrément de le porter : « l e problème c’est que les filles veulent attirer l’attention et un salovana fait avec un tissu épais et les épaules couvertes de kisaly ne donnent pas une image très captivante. »
Avec la mode vestimentaire occidentale et les influences des étrangers qui arrivent à Madagascar, il est de plus en plus difficile pour les parents de convaincre leurs enfants à porter les tenues traditionnelles : « une fois par mois ou une fois par semaine, dès qu’une occasion se présente, c’est d’accord! » nous dit Elisa, 19 ans, « mais porter un salovana tous les jours et sortir avec dans les rues, pas question. Les jeunes de mon âge ne s’habillent plus ainsi au quotidien. Quand j’aurai 50 ans, je n’hésiterai pas à en porter, mais pas maintenant.» En effet, Elisa n’est pas la seule à penser ainsi, mais fort heureusement, ces jeunes filles de Diego n’oublient pas encore que le port du salovana et du kisaly fait partie de la culture de leur région, c’est ce qui la rend unique à Madagascar. Il fait aussi plaisir aux yeux, de voir les femmes de Diego habillées de leur tenue traditionnelle lors des défilés et marches officiels. Espérons que les aînés transmettront leur savoir aux plus jeunes.
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