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Catégorie : Economie
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L'emploi à Antsiranana, une question de survie
L'emploi à Antsiranana, une question de survie

La défaillance du marché de travail n'épargne pas les jeunes de la Région DIANA. Sous-emploi, problème de première insertion, instabilité, chômage… toutes les couches sociales sont touchées. Les ONG telles que Maison de sagesse par son projet Mission pour l'Emploi apportent leurs appuis. Un M arkethon était organisé la journée du 25 avril dans la ville d'Antsiranana pour permettre aux jeunes de connaître les besoins en ressources humaines des entreprises implantées dans la Capitale du Nord

Le markethon 3ème édition

Les deux premières éditions se sont tenues en 2009 et 2010. A 7h du matin, 220 jeunes, en recherche d'emploi étaient au Palais du Faritany d'Antsiranana, lieu de départ pour le markethon 3ème édition organisé par Mission pour l'Emploi. Une heure plus tard, fournis des matériels et des questionnaires, les 44 groupes repartis dans les quartiers de Diego Suarez sont partis à la rencontre des responsables des ressources humaines et chefs d'entreprise de la ville, l'objectif étant de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes à la recherche d'un emploi. Ils sont donc allés à la rencontre des entrepreneurs afin de connaître leurs besoins en ressources humaines : stages et emplois. Vers 15h30, les jeunes sont revenus de leurs rencontres, la plupart satisfaite des réponses obtenues, d'autres ont quand même été déçus « un entrepreneur nous a clairement dit qu'il ne travaillait qu'avec des jeunes qui sortent du lycée français, qu'il n'a confiance qu'en eux car il a été déjà victime d'un vol dans son magasin. Nous apprécions sa franchise, mais nous estimons quand même que nous tous méritons nos chances et qu'il est injuste de classer les gens dans des catégories sur des critères trop subjectifs » nous explique une jeune fille dont le groupe a sillonné le quartier Avenir. Pour ces jeunes, le markethon était l'occasion de se familiariser avec les entreprises : l'attitude, la présentation, la candidature à présenter, de découvrir les entreprises du territoire, leurs activités et leurs besoins et ainsi de cibler la recherche. Les entreprises quant à elles ont pu mieux faire connaître leur société, rencontrer des futurs salariés et/ou stagiaire potentiels et communiquer sur l'activité, les perspectives et anticiper les besoins. Edoinise Jean, coordinatrice de Maison de Sagesse explique que « le markethon met les jeunes en relation directe avec les entreprises pour créer des opportunités de recrutement, Mission pour l'emploi peut ainsi élaborer une cartographie des besoins des entreprises pour adapter l'accompagnement des jeunes et les offres de formation proposées et aider les participants dans leur projet professionnel ». Les informations recueillies lors de ce markethon serviront par ailleurs de base de données pour être consultée par les employeurs comme par les chercheurs d'emploi.

Les jeunes entre carrière et survie

Si les jeunes des pays développés changent de métier volontairement pour pouvoir explorer d'autres horizons, tendant même depuis quelques temps à développer le principe de carrière nomade ou « boundaryless career », les jeunes malgaches perdent leurs emplois ou se reconvertissent à d'autres emplois en raison de contraintes qui ne dépendent pas toujours de leur volonté. D'après PEA 2012 ou Perspectives économiques en Afrique, la crise financière internationale et la crise politique malgache auraient engendré 336 000 pertes d'emploi et ont rendu vulnérables 90% des emplois. L'on ne donnerait pas tort à l'abbé Pierre qui disait «  on ne pleure pas devant les chiffres », mais les données ne sont pas rassurantes. Lors de l'EPM 2010 (Enquête Périodique auprès des Ménages), l'Institut National de la Statistique a donné un taux de chômage de 7,4% dans la DIANA, 3,8% au niveau national. 2/3 des chômeurs sont des jeunes et ils sont 400 000 à 500 000 diplômés, chaque année à débarquer sur le marché de travail. A part la première insertion professionnelle, le sous-emploi traque les jeunes d'aujourd'hui. Nombreux sont ceux qui sont contraints d'exécuter des tâches et remplir des fonctions qui ne correspondent pas aux études poursuivies. Le cas le plus fameux est le docteur en médecine devenu chauffeur de taxi ; le parcours professionnel passant du domaine de la communication à la vente de produits agricoles, ou du casino à la bibliothèque. Tout est une affaire de compétences et de sérieux, non de diplôme et d'ancienneté. Le rêve d'une carrière étant souvent sacrifié pour la survie, « Il faut d'abord gagner sa vie. Il faut débuter, mais cela ne signifie pas que l'on perd de vue son objectif, il est toujours réalisable » soutient Edoinise Jean, coordinatrice des projets de Maison de sagesse.
Dans la région nord de Madagascar, les problèmes rencontrés par les employeurs face aux jeunes ont été évoqués par le Chef de Région lors de la cérémonie de clôture officielle du markethon : l'incompétence faute de formation et d'expérience, des secteurs de travail inexploités (plomberie, bâtiment…), la fainéantise des jeunes, le manque de patience en ce qui concerne les études et par conséquent l'entrée précoce dans la vie active rendant encore complexe l'insertion sur le marché du travail. «  Je n'ai rien contre les formations en BTS, mais au sein de l'association des étudiants originaires de la DIANA comptant 3 000 adhérents et qui poursuivent leurs études à Antananarivo, 2 000 sont dans la formation de courte durée et étudient dans des instituts privés » a-t-il informé afin de soutenir que de nombreux domaines nécessitant de nombreuses années d'études sont abandonnés parce que les jeunes ont hâte d'entrer dans le monde professionnel et percevoir un salaire. Le cas de l'hôpital manara-penitra a été soulevé car la Région n'a pu trouver que deux médecins originaires de la DIANA, pourtant la priorité lui a été donnée par le Ministère de la Santé Publique pour les médecins qui y pratiqueront. Faute de formations adaptées aux besoins des entreprises d'Antsiranana, celles-ci recherchent et font appel à des employés des autres régions. Edoinise Jean martèle par ailleurs que des collaborations doivent se mettre en place pour rendre opérationnels les jeunes d'Antsiranana en mettant notamment en place des formations en interne. La langue constitue aussi une barrière entre les jeunes et l'emploi, « les jeunes de Diego Suarez parlent très bien le français », qui le nierait, mais c'est au niveau de l'écriture et de l'administration que tout se complique, pour la recherche d'emploi. Mission pour l'emploi offre des formations sur l'élaboration de CV et de lettre de motivation. Une fois l'emploi acquis, habituellement, les jeunes s'instruisent auprès des collègues ou sont spécialement formés par l'entreprise.
■ V.M