Discours de lutte pour faire reporter les élections ou discours de propagande, les candidats prétendent rechercher ce qui est juste, prétendent pouvoir l’apporter… mais justice pour qui et pourquoi maintenant?
Revendication tardive pour une campagne équitable
La campagne est déjà lancée que des candidats s’insurgent désormais sur les irrégularités constatées dans les listes électorales. Ils contestent aussi les moyens inégaux dont disposent les candidats et le possible achat de votes des électeurs. Leur argument est fondé en ce qui concerne les gros et indécents moyens déployés par le trio de candidats, appelés favoris (Rajaonarimampianina, Rajoelina, Ravalomanana) face à la pauvreté des électeurs. Par contre, il a été su bien avant le lancement de la campagne, lorsque la loi sur les élections et le référendum a été votée, qu’aucun plafonnement des fonds de propagande ne sera appliqué. Plus grave, cette loi ne contraint pas les candidats à justifier la provenance de ces moyens. Il est donc normal que les citoyens, à travers les organisations de sociétés civiles actives, se demandent quel est l’intérêt pour ces candidats de secouer maintenant toutes les institutions sur ces questions qui ont taraudé les esprits depuis des lustres.
Plus surprenant encore, on retrouve parmi les candidats contestataires d’anciens décideurs (ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée Nationale) qui auraient pu influencer le cours des choses lorsqu’ils avaient le pouvoir de le faire. «La présence de l’ancien Président de la République, de l’ancien Premier Ministre et de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale fait réfléchir, comme s’ils ne sont pas responsables de la liste électorale actuelle » souligne Serge Zafimahova, président de Madagascar Développement et Ethique lors d’une conférence de presse organisée le 20 octobre. Certes, des électeurs ne sont pas inscrits sur la liste électorale, d’autres noms reviennent deux fois, voire plus, les candidats, depuis le mois de mai pouvaient attirer l’attention sur point. Madagascar Développement et Ethique tient à ce que le calendrier électoral des élections présidentielles soit maintenu malgré ses imperfections et recommande de faire des corrections sur les listes électorales sans bloquer le processus. Faraniaina Ramarosaona, membre de la société civile pose aussi des questions pertinentes : « Pourquoi n'avoir pas émis ces revendications (ouverture de la liste électorale clôturée le 15 mai selon la loi, installation d'une Cour Electorale Spéciale à la place de la Haute Cour Constitutionnelle actuelle, ...) qu'à moins d'un mois des élections ? De quel droit ces candidats vont-ils "décider" du report de l'élection et chambouler la vie de tout un pays ? Quel pouvoir ont-ils ? ».
Une requête auprès de la HCC
21 candidats ont déposé le 12 octobre une requête auprès de la Haute Cour Constitutionnelle aux fins : « d’ordonner à la Commission électorale nationale indépendante de réexaminer la liste électorale, afin d’y inscrire tous les électeurs omis ainsi que le toilettage de cette liste aux fins d’enlever toutes les irrégularités, et ce, en application de la Constitution ; d’ordonner la publication des bureaux de vote réels dans chaque localité de Fokontany ; d’ordonner la transformation de la Charte de bonne conduite en instrument légal assortie de sanctions astreignantes ; d’ordonner la prise de sanctions à l’encontre des candidats ayant commis des violations des dispositions ainsi légiférées». La HCC a déclaré irrecevable la requête, en la forme.
L’intention d’instaurer une Transition
Le candidat Paul Rabary appréhende l’intention de ses pairs « si les élections étaient reportées, cela précipiterait le pays dans une nouvelle transition marquée par une crise et les gabegies. Le peuple malagasy mérite d’avoir un Président élu qui conduira le pays vers le changement voulu et réclamé ». Un collectif de 21 candidats demande la recomposition de la Commission Electorale Nationale Indépendante et de la Haute Cour Constitutionnelle depuis le 11 octobre. Depuis le débat qui s’est tenu dans l’après-midi jusqu’à la soirée du 19 octobre, auquel le gouvernement n’a pas participé, les candidats ont revendiqué aussi la mise en place d’un nouveau gouvernement puisque celui en place n’est pas neutre. Les candidats Didier Ratsiraka et Randriamampionona Joseph Martin soutiennent explicitement le report des élections et la recherche de changement, peu importe le temps que cela prendra.
Le candidat à la présidentielle, Roland Ratsiraka affirme que le report des élections n’équivaut qu’à un sabotage du développement du pays. Dans le sud de la Grande île, Andry Rajoelina a confirmé sa position et a martelé que lui et son équipe sont prêts pour les élections et donc, il est contre ce report. Quelles que soient les décisions des 36 candidats, les citoyens s’inquiètent de ce qu’aurait comme force et impact l’accord qui résulterait de leur réunion et débat, d’autant plus que le collectif des candidats projette de tenir une conférence, qu’ils qualifient de « souveraine » ce lundi 22 octobre. En principe, un accord politique n’a pas de force juridique face au décret portant convocation des électeurs. Le report des élections ne peut se faire que par décret, donc la décision ne peut être prise que par le gouvernement. Du côté de la société civile, le message est clair : « nous ne voulons pas d'une nouvelle transition qui serait de l'aventurisme politique (comme ce qui s'est passé en 2009-2013) où ce serait encore la population qui en subirait les conséquences de plein fouet ».
■V.M