Allaiter son enfant chez les malgaches était une évidence au risque pour celles qui ne pouvaient pas donner le sein à leur petit d’être considérées comme une mauvaise mère. C’est à partir des années 1980 que certaines femmes malgaches ont refusé de donner le sein.
Actuellement, grâce à la Politique Nationale de Nutrition pour limiter les carences nutritionnelles, l’allaitement maternel a repris sa place dans la société malgache.
L’enquête démographique et de santé de 2009 a montré que seulement 1% des enfants malgaches de moins de deux mois sont nourris au biberon. Dans la Région DIANA, 92,8% des nouveau-nés ont été nourris au sein dans l’heure qui a suivi la naissance et 94,9% des enfants en âge d’être allaités sont nourris au sein.
Pour connaître ce que l’allaitement apporte à la mère et à l’enfant, la sage-femme Zoé a répondu à nos quelques questions.
La Tribune de Diego : Ne pas allaiter son enfant, est-ce vraiment mal ?
S-F Zoé : Nous ne pouvons jamais accuser une femme qui ne peut pas allaiter son enfant. De plus, cela ne sert à rien de forcer une mère qui ne veut pas allaiter car l’allaitement est aussi un geste d’amour. C’est pour les nombreux bienfaits qu’apporte le lait maternel que nous les sages-femmes nous encourageons les mères à allaiter tant que cela leur est possible.
T.D : Quels sont ces bienfaits pour le bébé ?
S-F Zoé : Je ne pourrai peut-être pas tous les énumérer, mais en voici quelques-uns : tout d’abord, il y a trois types de lait maternel : le colostrum qui est produit par le sein maternel qui est produit juste après l’accouchement, de un à cinq jours. Il est de petite quantité, mais est très nutritif. Le lait de transition qui arrive après deux semaines d’accouchement et le lait mature, c’est le lait maternel proprement dit, celui qui nourrit l’enfant jusqu’au sevrage.
Le lait maternel est l’aliment le plus complet qui soit, il y a des lipides, des glucides, des acides gras, des protéines, des sels minéraux etc. Le lait de la maman renforce les anticorps et protège contre les maladies les plus courantes : otites, rhinites, diarrhée, il se digère facilement et n’est composé d’aucun élément chimique ou artificiel. Et très important aussi, la composition du lait maternel change avec la croissance du bébé.
T.D : Et pour la mère ?
S-F Zoé : C’est une contraception dont l’efficacité est prouvée, une femme qui nourrit son enfant exclusivement de son lait et à son sein ne tombe pas enceinte. Néanmoins, il faut consulter un médecin pour être parfaitement sûr qu’il n’y a pas de circonstances qui pourraient empêcher la méthode de fonctionner. L’allaitement réduit aussi les risques de cancers du sein, des ovaires et du col de l’utérus. Allaiter augmente les besoins en énergie, la mère doit boire beaucoup et manger équilibré et donc elle est saine.
T.D : D’après ce que vous avez vu jusqu’à maintenant, après l’accouchement, pour quelles raisons une mère refuse-t-elle de donner le sein à l’enfant ?
S-F Zoé : Beaucoup de femmes rencontrent des problèmes au tout début : c’est douloureux car c’est la première fois que le sein a été tété, l’engorgement, parfois aussi le nouveau-né a du mal à prendre le téton et cela crée un stress chez la mère, des complications lors de l’accouchement qui ont fatigué la mère, tout cela conduit la femme à abandonner l’allaitement.
T.D : On dit qu’allaiter abîme les seins, est-ce vrai ?
S-F Zoé : Abîmer n’est peut-être pas le mot qui convient. Ce n’est pas le fait d’allaiter qui « abîme »les seins, c’est parce que parfois ils sont gonflés puis ils sont vidés, cela conduit à des sortes de vergetures. Mais ce qu’il faut c’est de choisir un bon soutien-gorge qui tienne bien les seins.
T.D : Y a-t-il des heures à respecter pour l’allaitement de bébé ?
S-F Zoé : Il n’y a pas d’heures, il convient de donner le sein à chaque demande du bébé. Néanmoins ce n’est pas une faute de vouloir bien organiser surtout si on a des occupations.
T.D : Justement, que faire si la maman travaille ?
S-F Zoé : Certaines femmes n’ont pas le choix et n’allaitent qu’avant de partir travailler et le soir au retour. En leur absence, ceux qui gardent le bébé donnent le biberon. Ainsi, on utilise du lait en boîte ou du lait maternel que la mère a tiré. Il arrive aussi que l’on emmène le bébé près du lieu de travail pour la tétée. Le droit de travail malgache le prévoit et accorde 30 minutes à la mère.
T.D : Doit-on prendre beaucoup de précautions (dans la façon de vivre) quand on allaite ?
S-F Zoé : Il n’y a pas beaucoup d’interdits, si c’est ce que vous voulez dire. Pour l’alimentation, c’est comme quand la femme était enceinte, rien que de bonnes habitudes : boire de l’eau (2 litres environ) et diversifier les aliments, les yaourts et produits à base de lait de vache ou de soja ne sont pas conseillés, consulter un médecin en cas de maladie ou de fatigue (et ne pas oublier de mentionner qu’elle allaite), éviter autant que possible la caféine et la théine, ne pas boire de l’alcool et fumer.
T.D : Pour terminer, pourriez-vous dire en quelques mots quels sont les avantages de l’allaitement maternel ?
S-F Zoé : C’est le moyen le plus économique pour nourrir son enfant, on n’achète pas du lait à 30 000 Ar la boîte, il renforce le lien entre la mère et l’enfant car donner le sein n’est pas seulement nourrir, c’est signe d’affection, l’enfant va vers la mère pour le plaisir de se blottir contre elle.
T.D : Et les inconvénients ?
S-F Zoé : On vit maintenant dans une époque moderne où l’éducation des enfants n’est plus la responsabilité de la maman. Le père a aussi envie de participer et quand la mère allaite le bébé, le père est un peu mis à l’écart. Avec le biberon, le papa participe aussi.
Le sevrage est le moment que craint le plus les mères. En plus, dans la plupart des cas, il ne se fait pas petit à petit, hier l’enfant était allaité et aujourd’hui on l’éloigne de sa maman pour qu’il ne cherche pas le sein. C’est trop radical et cela peut affecter l’enfant psychologiquement.
■VM