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Un groupe d’orpailleurs occupés au broyage du quarts dans les mines de l’Andavakoera
Un groupe d’orpailleurs occupés au broyage du quarts dans les mines de l’Andavakoera

Nous avons vu, dans le précédent numéro de Tribune, comment Alphonse Mortages avait découvert de l’or, à Betsiaka, un peu sur un coup de chance... Que faire de cette fabuleuse découverte?

Obtenir les concessions

Tout d’abord, pour obéir à la réglementation en vigueur, il lui fallait obtenir un permis de recherche et d’exploitation. Mortages nous raconte lui-même les procédures à suivre : « après la pose d’un poteau signal, la déclaration devait être enregistré au chef-lieu du poste administratif d’où dépendait le ou les terrains piquetés ». Mortages fit donc sa déclaration à Ambakirano. Mais il lui fallait encore obtenir le permis de recherche qui lui donnerait le droit d’exploiter l’or. Ces permis furent obtenus le 18 juin 1906. Le détail nous en est donné par le Journal Officiel de Madagascar ; les permis, au nombre de 5, concernaient des zones très précisément identifiées:
- permis 3065 : A 2 500m à l’ouest légèrement nord du village de Betsiakabe, au sud d’Ambodimadiro
- permis 3066 : Au sud d’un groupe de 7 cases dit Ambositra, à 2 500m au sud-ouest d’Ankaloka
- permis 3067 : A 2 000m au sud-ouest d’Antsoy, à 2 750m à l’est légèrement nord d’Ambodimadiro
- permis 3068 : A 1 200m au nord-est d’Andimakomby
- permis 3069 : à 1 900m à l’est-nord-est d’Antsoy et à 3 000m au sud-ouest d’Andimakomby.
Voilà... Si certains lecteurs de La Tribune veulent voir si des grains d’or ont été oubliés...
Mais il ne suffisait pas d’obtenir les permis: il lui fallait aussi trouver le matériel et les ouvriers nécessaires. Et pour cela, il lui fallait de l’argent. Or, de l’argent, il n’en avait pas...
Les débuts de l’aventure: la période « artisanale »
L’exploitation proprement dite commença en juin 1906, avec une soixantaine d’hommes amenés de Diego Suarez.

Les difficultés d’accès

C’était déjà une aventure, car l’accès à la région d’Andavakoera n’était pas des plus faciles: en effet, il n’y avait encore aucune route pour y accéder. D’après Albert Bordeaux, ingénieur des mines qui fut le premier à étudier les mines d’Andavakoera « on y accède par des sentiers malgaches à travers les vallées et les montagnes ». Quant aux moyens de locomotion... « Le parcours se fait en filanzane, en attendant l’introduction des chevaux et des mulets à Madagascar [...] Il faut deux jours et demi à trois jours pour être rendu dans le centre de la région des mines d’Andavakoera » (A.Bordeaux).

L’orpaillage

Dans les premiers temps de sa découverte, Alphonse Mortages, fit comme le faisaient les autres prospecteurs : il acheta l’or aux orpailleurs malgaches. En quoi consistait l’orpaillage ? Ecoutons encore Albert Bordeaux, « La méthode malgache est donc celle qui a servi de temps immémoriaux en Afrique du Sud, et avec laquelle on exploitait les mines d’or du temps même de Salomon. Cependant les Antaimoro l’ont immédiatement appliquée à Andavakoera sans connaître l’Afrique du Sud [...] Le lavage se fait à la batée, grâce à la faible quantité de quartz riche que les malgaches trient avec une perfection presque absolue ». Rappelons que la batée est ce récipient conique, en forme de chapeau chinois, dans lequel on lave les sables aurifères, pour y récupérer l’or, emporté dans le fond par son poids. On peut encore voir des malgaches lavant l’or à la batée dans la région de Betsiaka. « L’or est acheté aux Antaimoro à 1 franc le gramme; pour empêcher les vols, les mineurs sont parqués dans leurs villages et surveillés par des Sénégalais; le propriétaire a le droit d’obliger ses mineurs à lui vendre son or ». En fait, comme on le remarquait parfois avec ironie, dans les exploitations aurifères on se contentait parfois ...d’exploiter les orpailleurs malgaches !
Mortages, lui aussi, eut d’abord recours aux orpailleurs, à qui il achetait le métal trouvé . La technique de l’orpaillage, qui consiste à tamiser le sable susceptible de renfermer de l’or, est particulièrement adaptée à l’or de Madagascar que l’on trouve le plus souvent sous forme d’alluvion. Il est d’ailleurs à remarquer que Mortages était un patron généreux et que ses orpailleurs étaient bien payés... ce qui créa d’ailleurs des problèmes, les ouvriers désertant les travaux agricoles pour une activité mieux rémunérée... D’autant plus qu’il était facile aux orpailleurs de ne pas déclarer toute la « récolte ». Mortages lui-même raconte comment il constata, grâce à sa « ramatoa » que ses ouvriers avaient découvert, et exploité sans le lui dire, un gisement plus important que celui où lui-même travaillait. Ce gisement se trouvant sur la concession qu’il avait obtenue, son exploitation fit « décoller » la production. En effet, alors que, la production était restée insignifiante jusqu’à la fin de 1906, elle augmenta graduellement au début de 1907 pour passer à 500g puis à 2kg en juin et à 11kg750 en juillet. Après la découverte du nouveau gisement, la production fit un bond : 80 kg en deux jours furent extraits de ce que Mortages appela « le mamelon miraculeux ».

Les techniques d’extraction

La découverte du mamelon miraculeux imposa la mise en œuvre de nouvelles formes d’extraction: si l’usage de la batée pour le lavage de l’or dans les ruisseaux persista (il est encore en usage à l’heure actuelle), l’essentiel de l’or fut extrait par broyage des quartz aurifères. Ce broyage, dans un premier temps, fut fait de façon très rudimentaire. Mais avant d’en arriver au broyage, il fallait découvrir le quartz « riche ». D’une manière générale l’exploitation se faisait en deux temps : la « visite » c’est à dire la prospection puis le broyage, qui consistait en l’extraction du minerai.

La visite
Albert Bordeaux nous en donne une description assez précise : « A un signal donné et connu, un coup de sifflet, on voit les 700 ou 800 hommes d’une exploitation accourir vers l’espace désigné, grand de 1 500 à 2 000m2, et les uns avec leurs outils, les autres avec leurs mains, fouillent le sol et retournent toutes les pierres. En moins d’une demi-heure, un vaste espace est examiné à fond ; s’il y a la moindre chance d’un quartz aurifère, celui-ci est découvert, surtout avec l’acuité des yeux et l’habitude des Antaimoro. Ceux qui ont trouvé quelque chose ne bougent plus jusqu’à ce qu’ils aient commencé d’exploiter. Lorsque le quartz aurifère est découvert, les cailloux ramassés sont ramenés au village et le broyage peut commencer ».

Le broyage
Ecoutons la description de l’opération que nous donne Mortages lui-même : « Les orpailleurs s’étaient procuré dans les environs de très grandes pierres plates. Avec une massette, ils cassaient le quartz aurifère en petits morceaux, en ayant soin de le placer au centre d’une couronne faite avec des chiffons, pour que les parties minuscules du quartz ne se répandent pas autant que possible en dehors de l’intérieur de la couronne et, finalement, les porphyrisaient sur la grande pierre plate, aussi finement que de la farine à l’aide d’une autre pierre dure, qui, à force d’avoir servi, avait pris la forme d’un rouleau à pâtisserie, le centre un peu bombé. Quant au lavage de cette poussière de quartz, ils n’allaient pas le faire dans les ruisseaux comme ils opéraient quand ils avaient du gravier aurifère tiré directement d’un ruisseau. Le quartz broyé était mis dans un seau en tôle galvanisée. L’orpailleur s’asseyait bien tranquillement à son aise. La batée sur les genoux, le seau avec la poudre de quartz d’un côté et un seau d’eau de l’autre. Il mettait une cuillère à soupe de poudre de quartz au fond de la batée. Le quartz ayant été pilé très finement, l’or, par sa densité, se séparait facilement du stérile. Le stérile était jeté dans un récipient quelconque et l’or, resté au fond de la batée était ramassé avec soin et mis dans un grand bol émaillé. Les résidus du stérile étaient repris par les femmes des orpailleurs qui se faisaient encore des semaines très rémunératrices. »

Plan de situation des filons d'Andavakoera
Plan de situation des filons d'Andavakoera
Le problème du financement

Ce fut le principal problème des débuts de l’exploitation : même si les premières techniques d’extraction ne nécessitaient pas de gros investissements en matériel, il fallait tout de même trouver l’argent pour payer les ouvriers. L’or était acheté aux ouvriers à 1 franc le gramme. C’est à dire, en euros d’aujourd’hui, à 3,85 euros ou 12 836 ariary. Calculez ce qu’avaient coûté les 80 kg, soit 80 000 grammes d’or du mamelon miraculeux découverts en 2 jours ! Logiquement, Mortages fit appel aux banques, et plus précisément à la seule existant à Diego Suarez, c’est à dire le Comptoir National d’Escompte. Sa découverte étant connue, celle-ci se montra compréhensive... jusqu’à un certain point ! Laissons Mortages narrer lui-même ses relations avec sa banque à la suite de la fabuleuse découverte... « Par le poste optique d’Ankoum-Koum, je passai un message au Comptoir National d’Escompte de Diego Suarez de m’envoyer 20 000 francs. Le lendemain à dix heures du matin, deuxième visite au poste de broyage qui me fit estimer la production à vingt-cinq kilogrammes. Nouveau télégramme demandant 30 000 francs... Enfin, avant la fin complète du broyage, j’avais estimé que la production totale serait environ 35 kilogrammes, troisième message demandant quarante mille francs ». Si nous gardons la correspondance 1 franc/3,85 euros (table d’équivalence INSEE), Mortages avait donc demandé l’équivalent de près de 350 000 euros, soit un milliard cent soixante et quinze millions d’ariary !!! Le résultat fut celui que l’on peut imaginer : « A ce dernier télégramme, le bruit se répandit dans Diego que j’étais devenu fou, et, naturellement, on ne m’envoya pas un sou ». Heureusement, les bons rapports qu’avait Mortages avec ses employés permirent de résoudre le problème : « Je remis à chaque orpailleur un reçu au crayon, pour la valeur de l’or reçu, et tous acceptèrent, sans aucune protestation du mode de paiement ».

Le triomphe de Mortages

Mortages ne tarda pas à se venger de l’incrédulité qu’avaient fait naître ses messages, le bruit s’en étant répandu dans tout Diego Suarez: son retour dans la ville d’où il était parti sans le sou et où il revenait littéralement chargé d’or, fut triomphal. « De la place de l’octroi (actuelle place de la mairie) au Comptoir National d’Escompte (en bas de la rue Colbert, à l’ancien emplacement de la BMOI), la rue était pleine de monde pour voir le fou mais ils s’aperçurent que je ne l’étais pas du tout. J’avais les deux charges d’or de quarante kilos, chacune portée par deux hommes. Tout en descendant la rue Colbert, certains de mes amis m’interpellaient pour me dire : " Mais où est-il ce trésor ?" Une charge étant à ma droite et l’autre à ma gauche à côté du filanjana, je posai ma main droite et ma main gauche de chaque côté sur les deux charges et je répondis : " là! "». 70 ans plus tard, alors que tous les contemporains de Mortages avaient disparu, il y avait encore à Diego Suarez des anciens qui se souvenaient avoir entendu leurs parents raconter la triomphale arrivée de Mortages et de son or dans la rue Colbert !
Mais s’il voulait que sa fabuleuse découverte ait une suite, il fallait que Mortages transforme son exploitation artisanale en véritable industrie. C’est ce que nous verrons dans le prochain numéro...
(à suivre)
■ Suzanne Reutt

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