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Route d'Anosiravo et vue du pain de sucre d'Antsiranana
Route d'Anosiravo et vue du pain de sucre d'Antsiranana

Il est des lieux qui font rêver... Nosy Lonjo, le Pain de sucre de la baie de Diego Suarez, est de ceux-là. A la fois proche et inaccessible, protégé par ses légendes et les interdits qui l'entourent, objet de culte et symbole de la ville d'Antsiranana, il est connu du monde entier mais peu de personnes ont eu le droit d'y accéder. Essayons de le découvrir à travers histoire et légendes, science et superstitions...

Un nom mystérieux

Les malgaches connaissent l’îlot sous le nom de « Nosy Lonjo ». Le terme de « lonjo » est déjà ambigu : s’il a une signification immédiate (lonjo signifie « cône ») en rapport avec sa forme, il peut également avoir une autre signification, plus patrimoniale : en effet, le « lonjo be » est, en malgache l’ancêtre fondateur d’une lignée familiale.
Pour les français, la dénomination n’est pas plus claire : qui se souvient encore de ce à quoi ressemble un « pain de sucre » à l’époque où nous ne connaissons cette denrée qu’en poudre ou en morceaux? Mais l’expression avait encore un sens en 1833 pour Bigeault, qui sur la corvette La Nièvre, donna ce nom à l’ilot lors de la reconnaissance de la baie et qui devait ne connaître le sucre que sous la forme d’un gros cône, comme on le présentait alors.

Nosy Lonjo, symbole de la ville d'Antsiranana
Nosy Lonjo, symbole de la ville d'Antsiranana

Ce sont les français, également, qui appelèrent la baie où s’élève l’îlot : « baie des français » alors que l’Anglais Owen l’avait nommée « Scottish Bay », baie des écossais. Chacun traduisant à sa façon ce que les malgaches nommaient « Andovobazaha » « baie des étrangers ». Qui étaient ces « étrangers »? Les lointains arabes faisant du commerce sur les côtes ? les mythiques pirates de Libertalia ? Les « traitants » comme Guinet qui, au début du XIXème siècle reconnaissaient la région pour le compte de la Compagnie de Madagascar ?
Il ne faut pas faire preuve d’une trop grande imagination pour penser que cette baie au fond de la rade, où débouche une rivière (la Betahitra) et où s’ouvre une vallée fertile, abritée des vents violents par la montagne des Français, ait pu servir de havre à tous les marins chahutés par les tempêtes qu’ils avaient traversées... D’ailleurs, les fouilles de la Montagne des Français ont permis de découvrir des preuves du passage des marins depuis la plus lointaine époque... Pour tous ceux-là, Nosy Lonjo devait être l’emblème du salut.

Une origine géologique contestée

Presque toutes les citations de l’îlot de la baie des français s’accompagnent de la mention « d’origine volcanique ». Or, cette origine, en rapport avec le volcanisme de la montagne d’Ambre, évoquée par le géologue Besairie en 1952, est aujourd’hui généralement contestée. Beaucoup d’hypothèses ont été avancées par les géologues sur la façon dont le Pain de Sucre a trouvé sa place mais, contrairement à ce que l’on a longtemps pensé (c’est à dire que les mouvements tectoniques avaient provoqué l’invasion par la mer des parties basses des vallées), il semblerait que le Pain de sucre, soit un bloc détaché de la Montagne des Français ayant glissé sur les versants marneux de la montagne. Cette hypothèse, défendue par plusieurs géologues dont Karche et Rossi est confortée par la présence, sous le Pain de Sucre, de marnes semblables à celles de la Montagne des Français.

Les données scientifiques

Certaines données sont cependant plus faciles à vérifier. La hauteur du Pain de sucre (122m), sa superficie : 4 hectares et demi ; la nature du terrain (essentiellement argilo-calcaire). Quant à la végétation du Pain de Sucre, elle est sans doute assez semblable à celle de la côte environnante : on y voit les notamment les fameux baobabs typiques de la région adansonia suarezensis.
Cependant, Nosy Lonjo, protégé par ses « fady » (interdits) et protégé par la loi, a peut être conservé des espèces décimées ailleurs. En effet, dès 1950, le Journal Officiel de Madagascar publie l’arrêté suivant : « Par arrêté du Haut Commissaire de la République Française à Madagascar et Dépendances, en date du 3 juin 1950, a été affecté au service des eaux, forêts et chasses (conservation des réserves naturelles) l’ilot du pain de sucre, d’une superficie de 4hectares, 50 ares environ, sis au fond de la baie des Français (rade de Diego Suarez, district de Diego Suarez, province de Majunga,) tel qu’il est figuré au plan annexé à l’arrêté susvisé ».
S’il est difficile de savoir quelles sont exactement les espèces animales que l’on y trouve, beaucoup d’Antsiranais ont pu voir les grappes de chauves-souris roussettes (fanihy) accrochées aux arbres de son sommet qu’elles quittent le soir pour aller piller les vergers de mangues.
La protection de Nosy Lonjo a d’ailleurs été renforcée par un arrêté du Conseil Municipal, en date de décembre 1999, classant le Pain de Sucre « patrimoine culturel et écologique, témoin de l’âme malgache ».

Nosy Lonjo, « témoin de l’âme malgache »

Dans un article sur les « vazimba », les ancêtres mystérieux des malgaches, l’historien J.P Domenichini affirme que « souvent les lonjo furent (des) lieux de sépulture marine. On en trouve un entre l’île de Nosy Komba et la côte. La baie d’Antsiranana en était un autre avec son pain de sucre en son milieu que l’on appelle Nosy Lonjo, dont beaucoup ne savent plus la signification ». Le caractère sacré de Nosy Lonjo serait dû au fait qu’il est un lieu de sépulture pour les ancêtres des Anjoaty. J’ai déjà parlé dans plusieurs articles de ces anjoaty, quelquefois appelés « Onjatsy », descendants d’islamisés venus des côtes de l’Afrique. Voici ce qu’en dit Grandidier dans son Ethnographie de Madagascar : « D’après l’enquête que nous avons faite sur l’origine et les mœurs des Onjatsy du Nord, M.Guinet et moi, le nom d’Antsiramasina (une baie du cap d’Ambre)a été donné à cette baie précisément en souvenir de l’atterrissement en ce lieu d’Onjatsy, qui, aux yeux des indigènes, sont des " masina ", c’est à dire des saints, d’habiles magiciens [...] Ils ont de l’influence sur les autres malgaches, qui les croient doués de pouvoirs surnaturels, "hasim-bava" (litt : ayant la bouche sainte) suivant leur expression,

Lieu de cérémonie sacrée des Anjoaty dans lequel les offrandes sont déposées par un officiant invoquant Dieu, les
Lieu de cérémonie sacrée des Anjoaty dans lequel les offrandes sont déposées par un officiant invoquant Dieu, les "razana" de nosy Lonjo

c’est à dire capables de prédire l’avenir, ayant le don d’exorciser et pouvant à leur volonté appeler sur les hommes les bénédictions ou les malédictions divines ». D’après Evelyne Rakotoarimanitra, dans sa Note sur Nosy Lonjo présentée au Colloque International d’Histoire Malgache à Antsiranana en 1987, voici comment se déroulent les cérémonies où les « fidèles » viennent demander des faveurs et spécialement pour la purification des personnes habitées par des « tromba » (phénomènes de possession). « Les fidèles se présentent un vendredi, un lundi ou un samedi [...] ils apportent une poignée de riz, un petit flacon de miel, quelques pièces de monnaie à chiffre pair et du rhum. La cérémonie se déroule généralement non pas sur l’îlot lui-même mais sur la côte proche au sud-ouest, au pied de la Montagne des Français, en se tournant vers Nosy Lonjo (qui est ainsi au nord-est des fidèles. L’assistance est déchaussée, vêtue de pagne, tête nue. On s’assoit d’abord devant une pierre sacrée, bloc de roche poreuse pourvue d’orifices dans lesquels les offrandes sont déposées par un officiant invoquant Dieu, les "razana" de Nosy Lonjo et les lieux sacrés des Anjoaty : Bobaomby, Ankarakotova et Nosy Lonjo. Un peu plus bas sur la rive on recommence la même cérémonie, cette fois-ci debout, devant un arbre sacré, mosotry, du genre Avicennia (mangrove) sur les branches duquel sont disposées les offrandes, en même temps qu’on répète la prière. Enfin, chacun avance dans la mer et avec les deux mains prend de l’eau qu’on se verse sur la tête ; pour se retirer de l’eau, on fait marche arrière sans se retourner jusqu’à la terre ferme. Les mêmes rites peuvent aussi se dérouler sur l’îlot lui-même ensuite mais avec la présence nécessaire d’un guide officiant. On les accomplit alors sur la plage devant le squelettes des ancêtres et plus haut devant une grotte censée contenir des squelettes d’ancêtres ».
L’histoire de Nosy Lonjo est également lié à l’histoire récente (relativement) du Nord et notamment au conflit entre les troupes merina et les Antankarana. C’est ainsi que l’on raconte que, assiégés par les troupes merina sur la Montagne des Français, les Antankarana demandèrent à Dieu de les sauver. Dieu les entendit et détacha le mont Lonjo de la côte... et celui-ci devint une île.
Légende intéressante qui rejoint les explications des géologues (Nosy Lonjo arraché à la Montagne des Français)en associant des mythes anciens (le caractère sacré de l’ilot) à des évènements historiques assez récents (les guerres des Antankarana contre les Merina au XIXème siècle)...
Beaucoup d’autres récits se sont tissés autour de Nosy Lonjo, racontant notamment les châtiments des incrédules ou des sacrilèges qui n’avaient pas respecté le caractère inviolable de l’îlot. Les cérémonies à Nosy Lonjo se font peut-être moins fréquentes mais l’ilot et les rives qui l’entourent gardent leur caractère sacré pour les Antankarana (Les terrains après l’hôpital psychiatrique ont pour nom « marofady » : (beaucoup de tabous), terrains qui sont restés longtemps inoccupés... Et, pour les autres, également, Nosy Lonjo garde son mystère, son aura. Une aura qui se matérialise le soirs de pleine lune quand celle ci se pose à son sommet comme un diadème, et que l’îlot, sur la mer argentée, rayonne d’une majesté sacrée.

■ Suzanne Reutt

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