L’année 1898 finit mieux que ce qu’elle a commencé : l’insurrection du Nord-Ouest est terminée, les récoltes sont bonnes, les deux compagnies salinières ont commencé à produire et les travaux publics continuent
De fait, les choses s’améliorent – surtout si l’on en croit les rapports envoyés par l’administrateur de Diego Suarez, M.Titeux, rapports qui paraissent dans le Journal Officiel de Madagascar et Dépendances, et qui ne sont peut-être pas toujours objectifs, l’Administrateur étant tenu à une obligation de résultats.
En janvier, le rapport témoigne du calme revenu après l’insurrection du Nord-Ouest : « Actuellement, le calme est complètement rétabli et les indigènes, loin de s’effrayer, travaillent avec ardeur à la culture de leurs rizières ».
Pour les travaux publics « Le pont de la rivière de la Main, sur la route d’Anamakia, a été livré à la circulation […] Les communications sont désormais assurées en tout temps entre Antsirane et Anamakia » et l’Administrateur ne résiste pas au plaisir de rappeler que les colons d’Anamakia lui ont adressé une lettre de remerciements.
On commence également les réparations de la Résidence.
En mars, le rapport de M.Titeux confirme le rétablissement de la situation politique dû en partie à l’installation de postes militaires dans les territoires concernés par l’insurrection et au désarmement des rebelles.
Le rapport donne aussi les résultats du recensement qui a eu lieu en décembre 1898:
Hommes : 2866
Femmes : 1834
Enfants : 1293
Soit un total de 5993 habitants, chiffre en recul par rapport à la population de 1897 (6216 habitants).
Par contre, le nombre d’élèves scolarisés a légèrement augmenté.
Le cyclone du 3 février n’a occasionné que « fort peu de dégâts aux routes » si ce n’est à celle de la montagne d’Ambre où l’on peut se rendre par l’ancienne route « à flanc de coteau faite en 1887 par l’artillerie ». Les ponts tout neufs de la route d’Anamakia n’ont pas été endommagés et les réparations ont commencé à la Résidence et au sanatorium de la montagne d’Ambre « fortement éprouvés par le cyclone ».
Le rapport paru en août donne des renseignements sur la situation commerciale et agricole durant le mois de juin. L’administrateur-maire se réjouit parce que « la situation s’améliore petit à petit ». Les importations représentent encore 5 fois le montant des exportations et reposent presque exclusivement sur les alcools ! Quant aux exportations elles consistent essentiellement en bœufs vivants et « produits accessoires provenant des animaux abattus ». Il faut dire que les usines d’Antongombato « s’occupent activement de la fabrication de conserves de viande » …ce qui ne suffit pas à la maison-mère dont le patron, le baron d’Adhémar demandera à la France une exonération des taxes auxquelles il a été condamné pour retards de livraison !
Le rapport d’octobre, qui constate que « le pays est calme » évoque la réfection des routes de la Montagne d’Ambre et du Rodo. Mais surtout, il signale une excellente nouvelle pour le commerce maritime : « Le matériel du phare du Cap d’Ambre, se composant de 156 gros colis, est arrivé par le paquebot le Yang-Tsé. Ce matériel, qui se montait à plus de cent tonnes, a été embarqué sur le Pourvoyeur, pour être transporté au Cap d’Ambre. Le Pourvoyeur est parti pour la baie Robinson. Les travaux du phare sont activement poussés, mais les difficultés de transport les rendent très longs. »
Par ailleurs, on refait la charpente des bâtiments du lazaret qui accueillent les voyageurs en quarantaine en raison de la peste.
Enfin, le dernier rapport paru en 1899 met l’accent sur les signes de reprise de l’économie antsiranaise. D’abord « depuis l’arrivée d’une garnison, la population de la ville s’est légèrement accrue » et de nouveaux colons sont venus s’établir à Anamakia. Les récoltes ont donné des résultats satisfaisants et les finances de la commune s’améliorent pour des raisons que la morale réprouve. En effet, « la perception des patentes continue à être une source de gros revenus. Les débitants de boisson deviennent chaque jour plus nombreux…» et « Les ressources que la province fournit au budget local ont augmenté en raison de l’importation progressive des liquides » !
Enfin, une nouvelle route conduisant de la montagne d’Ambre à la côte ouest est en projet et les derniers matériaux destinés au montage du phare du Cap d’Ambre ont été amenés jusqu’à Ankarafobe.
C’est aussi en octobre qu’une commission militaire se réunit à Diego Suarez pour procéder aux essais d’allumage du feu de l’ilôt des Aigrettes.
La situation s’améliore, elle s’améliore d’ailleurs tellement que les antsiranais, qui avaient été exemptés d’impôts en raison de la dégradation économique du territoire, vont être à nouveau soumis au paiement de l’impôt… ce qui ne se fera pas sans grincements de dents ! Mais la visite du Gouverneur Général, le 29 juillet, avait conforté les antsiranais dans l’idée que les années de dépression étaient derrière eux. Si le Général Pennequin a visité toutes les installations militaires, les services civils et les entreprises commerciales de Diego Suarez, il a surtout consacré 2 jours entiers « à l’étude des moyens de défense de Diego Suarez », rassurant la population sur l’avenir international qui attendait Diego Suarez et sur la place de son port dans la défense des intérêts français dans l’Océan Indien.
■ Suzanne Reutt