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Croiseurs russes pendant la bataille de Tsoushima
Croiseurs russes pendant la bataille de Tsoushima

Le long voyage de l’escadre russe va prendre fin. Laissons annoncer la terrible bataille à celui que nous avons suivi tout au long de cette formidable odyssée : Novikov-Priboï : « Nous avions couvert plus de 18.000 milles. Trois jours de route nous séparaient seulement de Vladivostok. Mais pour toucher la terre de la Patrie, il fallait traverser le terrible passage de la mort, le passage de Tsoushima »

L’approche

A l’aube du 27 mai, l’escadre pénètre dans le détroit de Corée. La nuit est brumeuse. Vers 2h45, le commandant du croiseur auxiliaire japonais Shinano Maru découvre le navire-hôpital Orel et avertit le commandant en chef japonais, Togo. Celui-ci informe aussitôt le QG japonais : « Viens d’apprendre la découverte de l’escadre ennemie. La flotte sort pour attaquer et détruire l’ennemi. Le Temps est beau mais les vagues sont hautes ». Une phrase qui restera célèbre au Japon. La flotte russe a adopté une formation en trois colonnes : la colonne de droite est formée des cuirassés les plus modernes, la colonne de gauche est composée de croiseurs avec, à sa tête, le cuirassé Osliabia. Au centre, les navires de transport et les petits croiseurs et à l’arrière, les torpilleurs. L’escadre avance lentement : les coques, pendant ce long voyage se sont chargées de coquillages et de varech. De plus, les vaisseaux de transport ralentissent les cuirassés modernes qui pourraient avancer plus rapidement.
Vers 11 heures, les russes repèrent les croiseurs japonais qui disparaissent rapidement. A 13h15, surgissent au nord-ouest les cuirassés de Togo. A 13h39, l’amiral Togo, sur le Mikasa, aperçoit les vaisseaux ennemis : les Russes, viennent de franchir le détroit de Tsoushima. La bataille peut commencer.

Les forces en présence

Au niveau des bâtiments, les deux escadres se valent : Rojestvensky peut aligner 8 cuirassés mais cinq seulement sont modernes ; Togo n’a que quatre cuirassés mais il possède 8 croiseurs cuirassés ; les russes ont 7 croiseurs légers contre 15 aux japonais. Et surtout Togo a à sa disposition de nombreux torpilleurs, de calibres inférieurs à ceux des russes mais d’une plus grande rapidité de tir. Enfin les bateaux japonais sont en bien meilleur état que les bateaux russes, et ils disposent, à proximité, de ports susceptibles de les accueillir en cas d’avarie. Mais la différence entre les deux escadres est surtout une question d’hommes. Au niveau du commandement, Rojestvensky n’est pas dénué de qualités militaires : il a étonné le monde en conduisant son escadre sur des milliers de kilomètres malgré les difficultés. Même les anglais qui ne l’aiment pas reconnaissent « Nous avons mésestimé Rojestvensky. Nous le saluons avec tout le respect dû à la bravoure et à l’énergie ». Mais il est complètement dénué de qualités humaines : les marins de son escadre le haïssent pour ses insultes, la dureté dont il fait preuve vis-à-vis des équipages et même des officiers : il ira jusqu’à frapper et à faire pleurer son chef d’état–major Clapier de Collongue ! Et il n’a pratiquement aucun contact avec les autres amiraux, ce qui nuira gravement à la cohésion de la flotte lors de la bataille. Novikov-Priboï, qui reconnaît un courage exceptionnel à l’Amiral, est pourtant très sévère à son égard : « L’Amiral ne se rendait sur les bâtiments de son escadre que lorsqu’il s’agissait de réprimander le personnel. Il ne convoquait pas non plus chez lui, pas plus les amiraux en sous-ordre que les commandants de navire. Il ne les réunissait jamais, soit pour leur demander conseil, soit pour discuter de quelque problème ». D’ailleurs, Rojestvenski, extrêmement grossier, avait affublé les autres amiraux de surnoms « aimables » : Le gros contre-amiral Foelkersahm (qui devait mourir quelques jours avant la bataille) était « le sac à m… », le contre-amiral Enkwist était « la place vide » en allusion à son peu d’intelligence, le commandant du Borodino était « le nihiliste écervelé », celui de l’Osliabia « la charogne lascive ». Voilà qui devait rendre les relations faciles dans le haut commandement !
En face, l’Amiral Togo est un homme sage, expérimenté, qui respecte ses hommes et qui a préparé le combat dans ses moindres détails. Quant aux marins russes, nous l’avons vu, ils ne manquent pas de courage (ils le prouveront) mais ils n’ont aucune valeur militaire. Manquant de formation, épuisés et démoralisés par leur long voyage ils vont devoir affronter une escadre japonaise confortée par ses nombreux succès militaires, notamment devant Port –Arthur.

L’extraordinaire « épingle à cheveux ».

Les Russes viennent de franchir le détroit de Tsoushima. L’amiral Togo, qui se tient sur la passerelle de commandement du Mikasa hisse le pavillon de bataille et fait passer le signal suivant : « Le sort de l’empire dépend du résultat de la bataille ; que chacun fasse son possible. » Il est parfaitement informé de la composition de la flotte russe et de la formation de ligne par les rapports envoyés par les croiseurs d’observation : « Longtemps avant de l’apercevoir, nous savions que ses forces militaires se composaient des deuxième et troisième escadre du Pacifique, qu’il était accompagné de sept bâtiments auxiliaires, qu’il était rangé sur deux colonnes, que ses bâtiments les plus puissants formaient la tête de la colonne de droite, que les bâtiments auxiliaires suivaient sur l’arrière, que sa vitesse était d’environ 12 nœuds et qu’il continuait d’avancer dans le nord-est » (Rapport Togo). A 13h45 Togo aperçoit la flotte russe. L’escadre a changé légèrement sa formation, la file de droite avec les cuirassés Souvorof (le vaisseau amiral), Alexandre III, Borodino et Orel a dépassé la file de gauche conduite par l’Oslabia. L’escadre russe fait route vers le nord, la flotte japonaise arrive en face. Si l’affrontement n’est pas décisif, les russes ont une chance de faire route vers le nord et de se réfugier à Vladivostock. C’est alors que l’Amiral Togo fait une manœuvre d’une audace inouïe (qui lui sera parfois reprochée). Togo décide de virer de bord pour se placer parallèlement, mais dans la direction opposée, à la ligne suivie par l’escadre russe. Il y a deux manières de virer de bord pour une ligne de file : chaque navire peut virer de 180° pour se retrouver en sens inverse. Mais dans ce cas, le premier bâtiment se retrouve le dernier. Or Togo sur le Mikasa, veut conduire le combat. Il choisit donc l’option la plus dangereuse, c’est-à-dire « l’épingle à cheveux ». Ce virement de bord « par la contre-marche » consiste à faire virer de bord chaque navire lorsqu’il arrive à l’endroit où a viré le vaisseau amiral. Manœuvre extrêmement risquée car, pendant qu’elle s’exécute les bateaux qui ont viré offrent leur flanc aux canonniers ennemis tandis que les bateaux qui sont sur l’autre branche de l’épingle à cheveux ne peuvent pas tirer puisque ceux de la « branche avant » se trouvent entre eux et l’adversaire. La manœuvre dure 12 minutes, 12 minutes pendant lesquelles l’escadre japonaise a offert son flanc, sans pouvoir tirer, à l’escadre russe ; 12 minutes qui auraient pu changer la face de la bataille… une chance que les russes ne parvinrent pas à saisir ! Les russes sont sidérés par la manœuvre. Comme l’écrit un officier russe qui a participé au combat : « Je n’en croyais pas mes yeux ». Mais les bateaux de Rojetsvenski, alourdis par les saletés de leurs coques manquent de maniabilité et les canonniers russes manquent d’entraînement : pendant quelques minutes, un déluge de feu s’abat cependant sur les japonais, sans faire de dégâts considérables. Cependant, le Mikasa de Togo est touché. A 14h11, les cuirassés japonais qui avaient fini la manœuvre, ouvrent le feu. L’apocalypse commence pour la flotte russe…

Plan de la bataille de Tsoushima
Le carnage

Les japonais concentrent leur tir sur le Souvorov sur lequel se trouve l’amiral Rojetsvenski, qui conduit la colonne de droite et sur l’Osliabia qui est en tête de la colonne de droite. Notre « chroniqueur » Novikov-Priboï donne une longue et terrible description de l’agonie du Souvorov dont nous ne citerons que quelques passages : « Six cuirassés ennemis concentrèrent leurs feux sur le navire amiral en même temps que six croiseurs japonais prenaient pour objectif l’Osliabia. Le Souvarov se trouva sous une véritable averse de fer. Les obus japonais agissaient comme des torpilles volantes. Ils éclataient en mille fragments et leur explosion était accompagnée d’énormes gerbes de fumée noire ou jaune clair. Ils incendiaient toute matière inflammable, même la peinture sur les parties métalliques du navire brûlait à leur contact. Le tir de nos pièces, les explosions d’obus ennemis, les grincements des fers tordus, tout se confondait dans un vacarme incessant, faisant trembler tout le bâtiment ». Le Souvarov essaya de changer sa trajectoire mais les obus japonais continuent à frapper le bateau. « Les éclats blessaient les hommes, les tuaient par groupes, détruisaient les pompes à incendie. On ne put maîtriser les flammes et bientôt les foyers, localisés d’abord, s’unirent dans un énorme brasier qui dévora toute la passerelle du gaillard d’avant au gaillard d’arrière. » Au milieu de cet enfer, alors que l’Amiral était blessé et que la plupart des officiers étaient morts, les marins survivant continuaient courageusement le combat. Togo, lui-même, qui a constaté que « le Souvorov se trouvait isolé dans une situation de plus en plus critique. Il perdit un mât et deux cheminées et tout le bâtiment était enveloppé de flammes » a rendu hommage à cette résistance acharnée. A partir de là, la tragédie était commencée. Le Souvorov, en feu, privé de direction n’était plus qu’un amas de ferraille mais il tira pendant 5 heures, jusqu’à 19h20 où il coula « majestueusement ». Rojestvensky, gravement blessé, avait été transporté sur un autre bâtiment. L’Osliabia chavira et coula à 15h10 emmenant avec lui des centaines de marins ; le Borodino, en flamme finit par couler après une gigantesque explosion : sur 900 marins, il n’y eut qu’un survivant ! Les principaux bâtiments avaient connu le même sort. Complètement désorganisée, la flotte russe s’éparpilla. Rodjestvenski, blessé, avait cédé le commandement à Nebogatov qui tentait de rejoindre Vladivostok. La nuit était venue, et avec elle une nuée de petits torpilleurs qui, à la lueur des projecteurs, se ruèrent sur les bateaux qui luttaient encore ou qui tentaient de se diriger vers Vladivostok. Certains parvinrent à s’échapper, d’autres se sabordèrent pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi. Le 28 mai, à 10h43, le Nicolas 1er de l’Amiral Nebogatov abaissa son pavillon et transmit « nous demandons à négocier ».

Le terrible bilan

La bataille était pratiquement finie. Les pertes japonaises étaient de 116 tués et 538 blessés. Du côté russe on comptait 4 830 morts (parmi lesquels notre « ami » l’ingénieur Politovski) et environ 10 000 blessés. 8 cuirassés avaient été coulés, 4 s’étaient rendus. Sur les 8 croiseurs, 3 avaient été coulés, 3 s’étaient rendus ; un s’était sabordé et un seul avait pu rejoindre Vladivostok. Parmi les contre-torpilleurs 5 avaient été coulés, 2 s’étaient rendus et 2 avaient rejoint Vladivostok. Les deux navires-hôpitaux avaient été capturés. Le bilan était lourd, également, chez les navires de transport : 3 coulés, 2 capturés, un échoué et enfin, un, l’Anadyr avait pu rejoindre …Diego Suarez !

Les causes de la défaite

La défaite fut due à des défauts de commandement : la disposition des bateaux en deux lignes, l’ordre de donner le commandement de l’escadre au second bateau de la file dans le cas où le premier serait coulé – ce qui amena des officiers subalternes, seuls survivants, à diriger toute l’escadre ; le manque de communication entre les bâtiments, la présence des transports entre les deux files qui ralentirent toute l’escadre. Par ailleurs, après leur long voyage les bateaux, couverts d’algues et de coquillages et surchargés de charbon n’étaient plus manœuvrants… Enfin, l’artillerie russe se montra particulièrement inefficace. Rojestvensky fut destitué et mourut 30 mois plus tard. Nebogatov, considéré comme un traître, fut condamné à mort puis gracié. D’après le rapport du commandant Togo seuls 2 bâtiments avaient pu s’échapper. Cependant les renseignements de Togo n’étaient pas totalement exacts : parmi les bâtiments coulés, il cite l’Anadyr, un navire de transport. Or l’Anadyr avait pu fuir…

L’étonnant retour de l’Anadyr

Au mois de juin 1905 plusieurs journaux annoncèrent que le navire de transport Anadyr qui était à la bataille de Tsoushima venait d’arriver à Diégo-Suarez. Et la presse s’étonnait : pourquoi Diego Suarez ? Mortages, qui fut le premier à accueillir l’Anadyr nous a raconté la fin de l’odyssée du bateau russe. L’Anadyr, qui avait recueilli les survivants de l’Oural (Mortages parle, sans doute à tort, du Kouban) put, pendant la terrible nuit, échapper à la zone des combats, sans connaître l’issue de la bataille… Laissons parler Mortages : « L’Anadyr quinze jours après la bataille de Tsoushima, vint mouiller, sans avoir fait aucune escale, à …Diego Suarez ! » Invité sur le bateau par le commissaire de bord qui l’avait reconnu (L’Anadyr était un des deux bateaux russes qui avaient séjourné à Diego Suarez), c’est avec stupéfaction qu’il s’entendit interroger : « La première question qui me fut posée est celle-ci : « Connaissez-vous le résultat final de la bataille de Tsoushima ?» Les officiers lui racontèrent qu’ils s’étaient rendu compte « de la mauvaise tournure que prenait le combat pour eux. Ils avaient aperçu le Borodino et le Kiraz-Souvarof, tous les deux enflammés en train de couler et qui tiraient toujours malgré tout… ». L’Anadyr reçu avec enthousiasme par la population antsiranaise repartit après quatre jours pour Libau d’où le Commandant du navire envoya un câblogramme à la ville de Diego Suarez pour lui « annoncer son heureuse arrivée et remercier la ville pour la chaleureuse et sympathique réception qui lui avait été faite lors de son passage ».
Mais, tout de même, pourquoi Diego Suarez qui n’est pas sur la voie la plus directe pour rejoindre la Russie ? Les russes avaient-ils laissé un peu de leur cœur dans cette province du nord qui les avait accueillis pendant leur longue escale sur la route du malheur ?
■ Suzanne Reutt

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