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Catégorie : Histoire
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Saison des pluies : Madagascar dans la crainte du cyclone…

L'église de Diego Suarez avant et après le cyclone de 1894
Si Diego Suarez est, dans l’ensemble plutôt épargné par les cyclones (la Diana est classé un peu au-dessous de la moyenne pour la fréquence des dépressions), la ville a cependant été détruite plusieurs fois par certains de ces phénomènes meurtriers qui avaient décidé d’infléchir leur trajectoire pour venir jeter la désolation dans nos rues et sur nos toits.

Avant d’évoquer ces cataclysmes qui ont laissé de terribles souvenirs dans les mémoires, essayons de cerner l’ennemi en rappelant quelques notions de base.

Qu’est-ce qu’un cyclone ?

Le navire L'Eure à la côte après le cycloneLe mot « cyclone », utilisé pour la première fois en 1845 évoque précisément la structure tourbillonnante du phénomène. Le cyclone, qui se forme sur les océans tropicaux est une énorme machine à vapeur, aspirant de grandes quantités d’air chaud et humide et les rejetant en altitude. Les masses nuageuses, d’un diamètre qui peut aller jusqu’à mille kilomètres (le cyclone Gafilo couvrait toute l’île !), forment des spirales qui convergent vers le centre en tournant, pour l’hémisphère sud, dans le sens des aiguilles d’une montre.

Les différentes classes de perturbations tropicales :

L’Organisation Météorologique mondiale distingue 3 classes de perturbation tropicale selon la vitesse du vent : la dépression tropicale, la tempête tropicale et le cyclone. A l’intérieur de ces 3 classes les météorologues introduisent des divisions :

  1. Dépression tropicale : vent inférieur à 62km/h
  2. Tempête tropicale modérée : vitesse du vent comprise entre 63 et 88km/h
  3. Tempête tropicale forte : vitesse du vent comprise entre 89 et 117km/h
  4. Cyclone : vitesse du vent comprise entre 118 et 166km/h
  5. Cyclone tropical intense : vitesse du vent comprise entre 166 et 212 km/h
  6. Cyclone tropical très intense : vitesse du vent supérieure à 212km/h



Les noms des cyclones

Liste des noms pour la saison 2010-2011
Voici les noms des cyclones qui seront (éventuellement !) utilisés pour la saison 2010-2011 :
- Abele
- Bingiza
- Cherono
- Dalilou
- Elvire
- Francis
- Giladi
- Haingo
- Igor
- Jani
- Khabonina
- Lumbo
- Maina
- Naledi
- Onani
- Paulette
- Qiloane
- Rafael
- Stella
- Tari
- Unjaty
- Vita
- Willy
- Ximene

Ce sont les météorologistes américains qui, pendant la dernière guerre mondiale, prirent l’habitude de donner des noms féminins (souvent ceux de leur petite amie !) aux systèmes dépressionnaires.
Dans la zone Océan Indien sud-ouest, les premiers systèmes furent nommés en 1960.
Tous les systèmes atteignant le stade de tempête tropicale sont nommés d’après une liste établie chaque année.
Vu le retard de la saison cyclonique actuelle, nous pouvons espérer ne pas connaître Zama !


Les cyclones « historiques » à Diego Suarez

 La Gazette du Nord de Madagascar, donnait dans son édition du 25 janvier 1926, la liste des cyclones « mémorables » de Diego Suarez, citant les cyclones de 1885-1892-1894-1899-1901- 1904- 1905- 1912…il semble que – fort heureusement- ces phénomènes meurtriers aient décidé d’espacer leurs visites dans notre bonne ville…
En fait, Diego Suarez a connu dans son histoire, trois cyclones ravageurs qui ont pratiquement détruit la ville.

● Le cyclone des 4 et 5 février 1894
Pour avoir une idée de sa violence, lisons ce télégramme parvenu à la Presse de l’époque :

La Direction de l'Artillerie après le cyclone de 1912«  Un formidable cyclone s’est abattu sur nous dans la nuit du 4 au 5 courant, renversant tout sur son passage et balayant toutes les œuvres qu’au prix de laborieux efforts et de privations sans nombre nous étions parvenus à édifier. De toutes parts, sur une étendue que nous estimons à 1500km/2, le cataclysme a sévi, dispersant les bestiaux, ruinant les plantations et écrasant les villages.

les deux tiers des maisons d’Antsirane ont été renversés et les débris dispersés au loin sur un rayon de plusieurs milliers de mètres

L’église, l’hôpital civil, la direction de l’intérieur en construction, les magasins et les bureaux de la Cie havraise péninsulaire, la prison, les entrepôts de l’octroi, les ateliers de l’artillerie, les magasins de l’administration coloniale, la maison des sœurs, les écoles, tous les bâtiments du Cap Diego Suarez et les deux tiers des maisons d’Antsirane ont été renversés et les débris dispersés au loin sur un rayon de plusieurs milliers de mètres. L’estimation des pertes, rien qu’en ce qui concerne la ville, peut s’élever en première estimation à 500.000 francs.

Rien cependant ne faisait prévoir cette catastrophe. La veille au soir, le temps était beau et le baromètre élevé, n’annonçant rien de fâcheux. A minuit, il tomba tout à coup près de 50mm. Cette énorme dépression présageait l’approche du météore. Il commença par une légère pluie. Tout à coup, à 2h du matin, un vent terrible s’éleva, tordant tout dans ses puissants tourbillons, et renversant, comme sous la poussée d’une décharge d’artillerie, tout ce qui lui faisait résistance. Les toitures des maisons, des tuiles, des chevrons, des pièces de bois d’un fort poids, étaient soulevés comme des allumettes et volaient comme des oiseaux à travers les ars à une prodigieuse hauteur.

La zone militaire après le cyclone de 1912Nul être humain n’aurait pu, à cet instant, se risquer dehors sans être enlevé lui aussi, ou frappé à mort par les débris de toutes sortes qui voltigeaient de toutes parts. A 5h, une accalmie se fit soudain. Quelques imprudents en profitèrent pour sortir de leurs refuges, croyant la tourmente terminée. Ils ignoraient que c’était le centre du cyclone qui passait en ce moment sur la ville, et que la tempête allait rugir bientôt, plus dévastatrice et plus terrible. Sous le premier choc, pourtant, nombre de navires à l’ancre dans le port avaient été jetés à la côte sans espoir de recevoir de secours par ceux qui les entouraient et qui avaient toutes les peines du monde, en usant de leurs machines et en dépit de leurs ancres, à ne pas subir le même sort.

A 6 h, le vent reprit avec plus d’intensité que jamais, venant du nord (il avait sauté d’un quart de cercle du sud-ouest au nord-est) et achevant de renverser ce que la première bourrasque avait épargné. Les grondements du vent et de la mer étaient assez forts pour que le fracas des maisons s’abîmant sur le sol ne fût même pas distingué. Tout était terminé à 10h.

(Le journal de la jeunesse – 1894)

● Le cyclone du 24 novembre 1912 

Des arbres énormes, déracinés par le cyclone, se précipitaient, catapultes gigantesques, à travers les rues, avec une vitesse inouïe, broyant leurs branches contre les maisons, dont quelques unes, soulevées d’une seule pièce, allaient s’effondrer à plusieurs mètres de distance de leur assise primitive..

...dont nous avons déjà parlé à propos du Salazie et qui détruisit une grande partie de la ville.
Voici le récit qu’en fait le journal « Le Diego Suarez-Suarez » du 30 novembre 1912 :

« La nuit était arrivée. Le cyclone, vers 7heures, était au paroxysme de la fureur. Les craquements étaient effrayants. Des bruits énormes de ferrailles et de masses croulantes indiquaient qu’une lourde maison venait de s’effondrer. Impossible de sortir et de se porter de mutuels secours. Les rues étaient impraticables, la pluie en avait fait des torrents. S’y engager eût été aller au devant d’une mort certaine car les matériaux des habitations détruites sillonnaient l’air et ne laissaient aucune issue.

Toutes les maisons sont atteintes gravement, la moitié sont absolument anéanties et les matériaux entassés, mélangés, broyés, forment des tas informes, totalement inutilisables. Sur celles qui restent debout, plus de la moitié paraissent irréparables, tant elles sont disloquées, brisées. Des toitures, il n’en reste pas dix pour cent…

La Résidence est détruite et le ruines, quoique debout en maints endroits, ne pourront être utilisées »

● Le cyclone Kamisy

Enfin, le plus proche de nous, Kamisy, le 9 avril 1984, dont beaucoup d’habitants se souviennent encore. Chacun, suivant la façon dont il en a été affecté, en garde des images particulières : toits arrachés, pylônes électriques tordus, tôles volantes, arbres qui s’abattaient avec fracas. En fait, la description du cyclone de 1894 pourrait, à peu de choses près, donner une bonne image du passage de Kamisy.
Donnons, seulement, dans toute leur sécheresse les chiffres indiqués par un rapport de l’UNESCO ;
« Avec un vent parfois supérieur à 250km/h et des pluies abondantes il a ravagé principalement les villes d’Antsiranana et de Majunga… »

Un premier bilan provisoire, préparé par le gouvernement de Madagascar le 20 avril 1984, faisait état des victimes (une cinquantaine de morts, plusieurs centaines de blessés et plus de 70.000 sans abris) et estimait les dégâts matériels occasionnés par Kamisy à 250 millions US dollars.

Rappelons que, en face de cette désolation les autorités et les services avaient été particulièrement efficaces, l’électricité, notamment, ayant été rétablie dans des délais qui tenaient de l’exploit, compte – tenu de l’ampleur des dégâts.

La solidarité internationale avait aussi joué à plein, notamment avec l’aide des navires français (le bateau usine Jules Verne) et américains (l’US Hector).

Malgré cela, après le passage de Kamisy, Diego Suarez garda longtemps l’allure d’une ville bombardée !

 

■S.Reutt - Ass. Ambre

 Photo satellite du cyclone Kamisy Trajet du cyclone Kamisy 

Trajet et photo du cyclone Kamisy en 1984