S’étendant sur toute la partie ouest du plateau d’Antsiranana, le Quartier Militaire présente de nombreux bâtiments qui témoignent de l’importance qu’à eue la fonction militaire de Diego Suarez.
Tous les lecteurs de « La Tribune de Diego Suarez » le savent maintenant, les premières implantations dans le territoire de Diego Suarez-Suarez, cédé à la France en 1885, se firent à Cap Diego Suarez et dans la ville basse.
Interdiction était alors faite aux civils, pour des raisons de sécurité militaire, de s’installer sur le plateau.
Pour autant, l’armée n’avait pas vraiment investi les hauteurs de la ville, se contentant, dans un premier temps, d’y construire 2 petits fortins en bois (voir photo). Le premier, situé au sud et entouré d’un rempart en briques était « protégé » (si on peut dire !) par une haie de bambous taillés en pointe. Plus bas, le second dominait la baie « croisant ses feux avec le premier, sur le plateau couvert de hautes herbes qui domine Antsirane (L’Illustration).
Le Contre-Amiral Miot, qui avait pris possession du nouveau territoire écrivait, le 11 avril 1885 : «J’ai fait construire deux petits fortins destinés à protéger le village d’Antsirane, plutôt pour rassurer les réfugiés qui viennent jusqu’à nous, que pour nous défendre contre toute agression des Hovas.»
L’emplacement pour un casernement est choisi dans les meilleures conditions. Il y a une baignade, de l’ombre, une falaise qui l’abrite des grands vents de sud. L e terrain forme un vaste rectangle de 70m de longueur sur 47 de largeur. Les planchers des cases seront élevés de 0,75 au-dessus du sol. »
Les troupes stationnées à Antsirane (l’infanterie de marine) étaient logées dans des baraques en fer et brique sur la plage de Diego Suarez, à un emplacement situé approximativement entre les bâtiments de la Saline et l’entrée du port. Les logements de l’artillerie étaient établis sur le versant du plateau, en-dessous du premier fortin.
Il fallut attendre la fin de 1886 pour que l’armée se décide à occuper les hauteurs ; cependant, la plupart des installations militaires demeurèrent à Cap Diego Suarez, alors qu’avec l’afflux d’immigrants, la ville d’Antsirane se développait et que le Gouverneur Civil y installait sa résidence.
En 1887, la Direction de l’Artillerie, chargée des constructions, multiplie les travaux sur le plateau : le quartier militaire compte déjà de nombreux bâtiments : casernes, ateliers, magasins. Les premières maisons étaient des « préfabriqués » importés de France : charpente en fer, murs en briques et couvertures en tuile. (Ces cases « Maillard », du nom de leur constructeur, furent en grande partie détruites par le cyclone de 1912.)
Toutefois, il fallut rapidement trouver des matériaux sur place pour construire à plus bas prix : une briqueterie fut installée à Cap Diego Suarez et un four à chaux ouvert au bord de la baie des Français.
Cependant, on pouvait encore lire dans « Le Tour du Monde » de 1897, sous la plume du Dr Hocquard : « …presque toutes les constructions ont l’air d’être provisoires ; à part l’habitation du gouverneur, celle du chef du génie, le commissariat et les casernes, les maisons sont construites en planches, ou en matériaux démontables… »
Il fallut attendre l’arrivée du Colonel Joffre et la promotion de Diego Suarez comme « Point d’appui de la flotte de l’Océan Indien » à partir de 1900, pour que les installations militaires prennent un aspect définitif.
Dès 1900 plus de 5000 militaires furent envoyés à Diego Suarez : il fallut donc les loger. En 1905, les installations étaient pratiquement achevées : elles comprenaient des casernes pour les troupes, des logements pour les officiers, des bureaux, des magasins, des ateliers. Un nouveau quartier était né, occupant toute la partie ouest de la ville et parallèle à l’agglomération civile groupée autour de rue Colbert, ouverte en 1890.
Ce quartier était relié à la ville basse où s’étaient faites les premières installations, par la rue du Catinat (du nom du bateau du même nom) devenue par la suite la rue Gouraud (un des généraux les plus populaires de la Grande Guerre). Celle-ci se prolongeait (et se prolonge toujours !) par le Bd Bazeilles (nommé ainsi en hommage aux troupes de marine qui combattirent à la bataille de Bazeilles lors de la guerre franco-prussienne de 1870). Enfin, on pénétrait dans le quartier militaire proprement dit, par le Bd Militaire qui se terminait au portail de la Direction de l’Artillerie, devenue la SECREN.
Le chemin de fer Decauville
Le chemin de fer Decauville, qui reliait le port à Sakaramy empruntait alors cet itinéraire pour bifurquer ensuite dans le Bd de Sakaramy au niveau du Camp Lubert.
Suivons un peu le trajet de la petite locomotive Decauville pour rencontrer les militaires des années 1900-1910
Nous grimpons donc, à partir du port, jusqu’au Bd Bazeilles, nous passons devant le Cercle Français – actuellement « Suarez Art ». Le Cercle Français était à l’époque le haut lieu de la vie mondaine et économique. C’est au Cercle Français que le Général Gallieni, en visite en 1901, avait annoncé les mesures d’urbanisme qui devaient transformer la ville, notamment la construction de la rue Richelieu qui reliait les quais à la ville haute.
Nous tournons ensuite dans le Bd Militaire. A droite, se trouve le Cercle Militaire : c’est une construction de bois, moins luxueuse que le Cercle Français ; il fut plus tard remplacé par le bâtiment actuel ; à côté, par contre, la résidence du gouverneur (militaire), un des premiers bâtiments construits sur le plateau en fer et brique, a résisté au temps puisque nous pouvons toujours le voir à peu près tel qu’il était lorsqu’il dominait les installations militaires de la ville basse.
En face, s’ouvre le camp Mehouas, (les3 camps du quartier militaire portent le nom d’officiers ayant participé à la guerre franco-malgache de 1895) qui abritait à l’époque le 3ème bataillon de Tirailleurs malgaches.
Entre le cercle militaire et le Camp Mehouas, s’étend la Place d’Armes où se déroulaient les manœuvres et d’où partaient les défilés, notamment pour le 14 juillet.
Plus loin, le Bd Militaire, bien ombragé à l’époque, passait entre les maisons des officiers, d’abord construites en bois avant de prendre l’aspect que nous leur connaissons à l’heure actuelle.
Au niveau du Camp Lubert, la voie ferrée bifurque dans le Bd de Sakaramy pour se diriger vers le Camp Pardes (où était cantonné le Bataillon Colonial).
Restons dans le Bd Militaire : sur la droite s’ouvre, comme maintenant, le Camp Lubert qui abritait le 7ème régiment d’artillerie coloniale.
On entrait ensuite dans les quartiers de la Marine en passant devant l’Hôtel du Commandant de la Marine , jouxtant le sémaphore qui recevait les signaux depuis le Cap d’Ambre. Puis, les casernes de la Marine (ou, comme on le disait à l’époque « le casernement des équipages de la flotte ») et enfin, au bout du Bd Militaire la Direction de l’Artillerie (qui devint plus tard la DCAN puis la SECREN) avec sa cheminée, ses ateliers …et son portail majestueux qui n’a pas beaucoup changé.
■S. Reut - Ass. Ambre
Commentaires
Merci
Passionné d'histoire militaire je suis à la recherche de témoignages de militaires ayant servi à Diégo-Suarez dans les années 60 jusqu'au départ définitif en 1973. Anciens légionnaires du BLEM, du 3° REI je m'adresse à vous
Je suis originaire de la région mais, c'est bizarre que nos aïeuls ne nous ont pas racontés l'existence de ligne de chemin de fer à Diégo et je pense que c'est une tranche de notre histoire aussi.
S’abonner au flux RSS pour les commentaires de cet article.