En ce début d'année 2012, lourd de bien des dangers, j'aurais souhaité vous montrer comment, il y a environ cent ans, on fêtait le passage d'une année à l'autre. Cependant, à la lumière de textes anciens j'ai dû constater que les habitants du Diego Suarez d'autrefois avaient à peu près les mêmes habitudes de fin d'année que les nôtres!
La fête de Noël
Aujourd'hui, comme maintenant, les chrétiens de la ville se rendaient à la messe de minuit, d'abord dans l'humble église en planches qui fut détruite par le cyclone de 1892, ensuite dans la cathédrale, construite de 1909 à 1912 grâce aux dons des commerçants de la ville et à ceux venus de fidèles d'Alsace, dons qui complétèrent la subvention de 12.000 euros fournie par la municipalité. Le premier évêque de la ville, Mgr Corbet, qui en avait été le maître d'oeuvre, y fut inhumé en 1925.
Les enfants, eux, avaient droit au traditionnel arbre de Noël, dressé dans les salons du Cercle où la distribution de jouets était suivie d'un bal pour les petits.
La Saint-Sylvestre
Les adultes qui en avaient les moyens, pouvaient aller danser dans les endroits "à la mode" de l'époque: dans les premières années du siècle ils se rendaient au Grand Hôtel Métropole de la rue Flacourt, puis, plus tard soit chez Akazaki, à l'hôtel du Japon dans la rue Colbert, soit dans le magnifique Hôtel des Mines d'Alphonse Mortages. Plus tard, encore, dans les années 35 , le lieu des festivités sera souvent le Luna Park de la Place Foch.
La population, elle, fêtait le passage au nouvel an en se pressant au bal populaire qui se donnait à la Place Gallieni (que tous continuaient à appeler la Place Kabary).
L'armée était partie prenante dans les réjouissances: le 4 décembre, pour la Sainte Barbe, les artilleurs faisaient trembler la ville sous leurs salves d'artillerie; pour le jour de l'An, la musique militaire donnait un concert au kiosque à musique, offert par Mortages à la ville en 1910. Quant aux militaires, qui n'étaient pas consignés, ils participaient bien sûr à la fête, ce qui n'allait pas sans quelques débordements obligeant les tenanciers de bars et de restaurants à faire appel à la police!
Rien de bien différent, donc, de ce que nous connaissons aujourd'hui...
Si bien que nous pourrions faire nôtres, à peu de choses près, les vœux que le directeur de la Gazette du Nord adressait avec malice à toute la population antsiranaise à la fin de l'année 1924:
« BONNE ANNEE
J'ai toujours pris en grippe les fêtes de Noël et surtout du premier de l'an, si tant est que l'on puisse qualifier de fêtes ces fastidieuses journées consacrées aux échanges de visites, de souhaits plus ou moins sincères, directs ou par correspondances.
Ce qui me fait le plus enrager, c'est que, quelque indépendant que l'on soit, il est presque impossible de s'en dispenser.
Vous n'avez même pas la ressource de fuir, de vous isoler; on vous répondrait que la poste et le télégraphe sont à votre disposition, même dans le plus petit trou.
Il faut donc m'astreindre à ces coutumes vieilles comme le monde et comme un chacun quiconque, ne pas ménager mes tirades de bonheur, de santé, de prospérité, de réussite, et surtout mes cadeaux, et m'abîmer dans des embrassades, des accolades, à vous dégoûter du baiser.
Malgré moi, à chaque nouvelle année, je suis obsédé par cette réminiscence de Bruant que je marmotte inconsciemment mais avec conviction quand je m'y arrête:
"C'en est des fricassées de museau
Du p'tit môme à la trisaieulle
Les générations s'lèchent la gueule
Et d'dans ça s'dit: crève donc chameau!"
Et, avec le chansonnier de Montmartre, je ne puis m'empêcher de conclure, comme lui:
"Moi ça m'emm... le jour de l'an..."
Néanmoins, n'est-ce pas, et malgré ces boutades de vieux grincheux, je passerais près de vous pour le dernier des mufles si je ne venais, en quelques lignes, au nom de la Gazette du Nord et au mien, vous la souhaiter bonne et heureuse - santé et succès à tous- et comme le second vœu est fonction du premier, je vous désire d'aller le plus tard possible habiter ce séjour aussi peu recommandé que définitif, qui est Tanambao... (le cimetière NDLR).
Je vous souhaite des finances prospères, une administration prudente, économe et avisée.
Je souhaite la réfection des ponts de la route des placers (route d'Ambilobe NDLR); et que l'on puisse prochainement courir en bicyclette et en automobiles sur les routes de l'intérieur et aller passer son dimanche à Vohemar, à Ambato ou autres...
A mes concitoyens, je souhaite au plus tôt le chemin de fer de Diégo- Marotolana, de la main d'œuvre suffisante et d'abondantes récoltes; aux commerçants: un chiffre d'affaires en rapport avec leurs généreux efforts; à Antsirane: une voierie mieux entretenue, des travaux de canalisation d'eau plus rapide et surtout, de l'eau en abondance, des cases plus saines et des loyers moins chers, un maire élu.
.....
Je vous souhaite une ligne de beaux et vastes quais de déchargement et d'embarquement, en un mot tout ce qui peut intéresser le présent et l'avenir de Diégo-Suarez.
.....
Enfin, je souhaite l'union de tous les citoyens, de tous les contribuables sur un même terrain politique, dans le giron de la république démocratique.
...A tous encore, je vous souhaite bonne et heureuse année, joie , bonheur et prospérité.
T.»
Ces voeux, auxquels je m'associe, ont été formulés il y a 90 ans...!
■ S. Reutt - Ass. Ambre
“Je vous envoie ces fleurs de Diego Suarez”
Commentaires
Marie-Antoinett e
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