Retour haut de page
Quand il fallait peupler Diego Suarez...

Le Traité de 1885 qui accordait le Territoire de Diego Suarez à la France autorisait celle-ci à y faire des « installations à sa convenance ». Mais, pour édifier ces installations, il fallait des hommes. Or, des hommes, il n'y en avait pas...ou presque pas

Une région vide d'hommes

Leguevel de Lacombe, qui a fait un récit alerte de son voyage dans la région entre 1823 et 1830, note que l' « on ne trouve point à la baie de Diego Suarez et en général dans le Nord, de grandes associations d'hommes...On ne voit que de misérables villages composés de 20 ou 30 cases petites et peu solides ».
Dans ce qui deviendra Antsiranana, c'est pire: en 1862, le Dr Gunst, invité à Ambohimarina, la forteresse merina qui se trouve à une vingtaine de kms du port de la Nièvre, constate qu'« un vieillard sakalave, qui vit à Diego Suarez avec toute sa famille, compose toute la population de ce vaste port ».
Pour toute la province d'Antomboko (le nom donné par les merina à la région qu'ils dirigent), le Dr Guinet donne les chiffres suivants « la population...est à peine de 1000 à 1200 âmes ».
Le premier problème, quand les français s'installèrent à Diego Suarez, fut donc de peupler la ville et de trouver de la main d'œuvre.

Le problème de la main d'oeuvre
Quand il fallait peupler Diego Suarez...

Le capitaine de frégate Caillet, nommé commandant de Diego Suarez, entreprit les premiers travaux de construction avec de la main d'œuvre militaire fournie par les troupes d'occupation qui, dans un premier temps furent logées sur le navire « La Dordogne ». Il put ensuite recruter des ouvriers venus des îles avoisinantes (La Réunion, Maurice, Sainte-Marie-Nosy Be), ce qui lui permit de loger les troupes et de bâtir une première ligne de postes militaires , dont le fort de Mahatsinjoarivo.
Le Médecin-major de la Dordogne, le Dr Bonain, pouvait écrire en 1886 : « Un embryon de ville s'élève déjà sur les flancs - déserts il y a quelques mois- du Cap » (Cap Diego). Et il évaluait ainsi la population: « la population se compose actuellement d'une centaine de blancs et de mulâtres (européens ou créoles de La Réunion et de Maurice) commerçants et ouvriers, et d'environ 500 Antankares, Betsimisarakas, Antalotras, Makoas, Indiens et Comoriens ».
Quand, en février 1887, un gouverneur civil, Ernest Froger, fut nommé en remplacement du Commandant Caillet, le problème du développement de la colonie restait largement tributaire du peuplement de celle-ci.
Froger s'attacha donc à faire venir des travailleurs : il fit un intense « lobbying » pour convaincre des colons réunionnais et mauriciens de venir s'installer dans la région et attira des immigrants malgaches de l'intérieur (Antankaranas et Betsimisarakas) qu'il installa dans la plaine d'Anamakia. « Je donne des terrains à rizières à ceux qui en demandent...Je fais de mon mieux pour retenir les populations qui viennent travailler à Diego Suarez ».
Louis Brunet, qui deviendra député de La Réunion, constatait en 1888 « le plateau d'Anamakia est affecté à la culture presqu'exclusive du riz entreprise par les indigènes makoas et betsimisarakas (au nombre de 580 environ) ».

Une politique de séduction

Froger usa de tous les moyens en son pouvoir pour attirer à Diego Suarez la main d'œuvre qui faisait défaut. Il exploita la rivalité qui opposait les Antankaranas aux Merinas pour inciter les populations locales à venir «  s'abriter  » à Diego Suarez. Il attira les esclaves des régions voisines en leur promettant la liberté puisque « l'esclavage ne peut exister sur aucune terre française », s'attirant ainsi l'hostilité de leurs anciens maîtres Merina ou Antankaranas.
Enfin, comme nous venons de le voir, il distribua des terres et introduisit la notion nouvelle de salariat .
Froger, dans une lettre de novembre 1893 pouvait donc se targuer de la progression des chiffres de la population :
« En 1887 il y avait 600 habitants à Diego Suarez, en 1889, 2 000; en 1892, 7 000 ; aujourd'hui l'on en compte de 15 à 17 000 dont 250 européens ». Ces chiffres, qui concernent tout le Territoire, sont sans doute exagérés mais ils traduisent cependant un mouvement de population certain.

Origine des immigrants malgaches

- Sakalavas et Antankaranas des régions voisines, attirés par les promesses du gouverneur Froger furent les premiers ouvriers malgaches de Diego Suarez. Travaillant sur les chantiers militaires, ils constituèrent également le noyau des tirailleurs indigènes de l'armée française
- Saint-Mariens : L'île de Sainte-Marie étant possession française depuis de nombreuses années, les Saint-Mariens (dont certains étaient arrivés avec les troupes françaises)servirent souvent d'interprètes ou d'écrivains dans l'administration.
Souvent qualifiés professionnellement, ils s'engagèrent comme charpentiers ou comme maçons. Certains furent employés au service du batelage en qualité de marins ou de dockers.
- Les « Antaimoros » : sous ce terme générique on désignait, et on désigne encore à Diego Suarez, les malgaches originaires du Sud-Est, plus particulièrement de Vangaindrano.
Comme ils le font encore aujourd'hui, ils venaient chercher du travail à Diego Suarez, laissant généralement chez eux leurs familles et vivant en communauté dans un système de solidarité très organisé. Travailleurs acharnés, ils acceptaient les travaux les plus pénibles : manoeuvres, manutentionnaires, ouvriers agricoles. Froger , qui reconnaissait en eux des travailleurs écrivait à leur propos « je les traite le mieux possible pour les retenir à Diego Suarez...Grâce à eux les colons et les négociants commencent à trouver sur place tous les ouvriers dont ils ont besoin ».
Lors des grands travaux consécutifs à la promotion de Diego Suarez comme « Point d'appui de la flotte » ils arrivèrent en grand nombre et participèrent de façon essentielle à la construction du bassin de radoub.
Après cette période, ils devinrent de façon quasi monopolistique...tireurs de pousse-pousse.
- Merinas : Pendant la première décennie, les malgaches originaires des hauts -plateaux venant travailler à Diego Suarez furent surtout, comme nous l'avons vu, des esclaves fuyant leurs maîtres. Après 1895 et la colonisation de Madagascar on vit s'installer à Diego Suarez des fonctionnaires et des commerçants.
- Autres immigrants malgaches : Avec les travaux engendrés par la mise en place du « Point d'Appui » et avec la découverte des mines d'or d'Andavakoera, des malgaches, attirés par le travail et les salaires (qui furent toujours à Diego Suarez supérieurs à ceux qui avaient cours dans le reste de l'île) affluèrent de toutes les régions( comme il y a quelques années avec la découverte du saphir dans la région d'Anivorano.)

Village Antaimoro près du bassin du radoub en 1909
Village Antaimoro près du bassin du radoub en 1909
Une « ville bigarrée » (Hubert Deschamps)

Les travaux du Point d'Appui provoquèrent un afflux de population gigantesque. Alors que l'Annuaire de 1902 parle de 4 308 habitants, toutes populations confondues, pour la commune d'Antsirane (non comprises les troupes stationnées dans le Territoire), celui de 1908 en annonce 12 873 : la population a donc triplé en l'espace de 6 ans!
Qui sont-ils ces nouveaux arrivants attirés par la ville en mutation ? des malgaches d'un peu partout, nous l'avons dit, mais aussi des Comoriens (surtout Anjouanais et Mahorais) exerçant toutes sortes de petits métiers ou formant l'essentiel de la police indigène; des Africains, des Yéménites, venus pour les travaux du port, des Indiens et des Chinois (dont nous parlerons plus longuement dans un prochain article); des Grecs et même ...des Japonais!
Bref, comme l'écrit Laporte: « la population de Diego Suarez est l'amalgame le plus hétéroclite qu'il soit possible de rencontrer...Tout un monde disparate aux coutumes, aux mœurs et à la mentalité différentes, se coudoie et se heurte, et, bien que mal préparé à cette vie en commun, vit sans conflit...On entend toutes les langues, on voit toutes les vêtures, on trouve tous les profils, toutes les teintes ».
Et si c'était cela qui faisait et qui fait la richesse et la permanence de Diego Suarez ?
■ S.Reut.

Note : Cet article s'appuie en grande partie sur les recherches érudites exposées dans la thèse Diego Suarez de 1885 à 1905 : « De l'occupation d'une baie à la formation d'une ville » de M.Jean Omer Beriziky

Commentaires   

-1 # BILLAUD 07-12-2013 23:53
Bonsoir

Le Commandant Henri Marie Caillet était l un de mes ancêtres ; Dans le cadre de recherches généalogiques familiales , je suis a la recherche de clichés , photos ou portrait de mon arrière arrière arrière grand oncle lors de sa presence a Diego Suarez !
Merci pour votre aide et votre travail de mémoire
cordialement
FX Billaud

Vous devez être connectés pour pouvoir écrire un commentaire

AV 4x4 Sportero L200

Pick-up mitsubishi l200 sportero

  • couleur blanche modèle 2005
  • première mise en circulation 2006
  • 131786km
  • visible à Diego Suarez

10000 euros

tel: 032 66 651 75

La Tribune de Diego en PDF

Télécharger La Tribune de Diego N°182 en PDF
N°182
Semaines du 12 au 25 avril 2017
Télécharger
La Une : Gendarmerie nationale DIANA : Restaurer la confiance pour endiguer la vindicte populaire
Le syndicalisme n’est pas qu’un mouvement de revendications
Les premières années de Diego Suarez - 1925-1930 : Diego Suarez, capitale de la contestation coloniale
Dossier : Athlétisme : « Nous pouvons faire mieux avec des soutiens financiers »
Cyber Diego Com
Normada.com, le site de référence du Nord de Madagascar
Office Régional du Tourisme de Diego Suarez
Agence de Presse de l'Océan Indien
 
© Cyber Diego Com 2005 - 2024