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Commerces Indiens et Chinois à Diego Suarez au début du XXème siècleCommerces Indiens et Chinois à Diego Suarez au début du XXème siècle

Quand on parle d'immigration asiatique à Madagascar, on évoque généralement les Indiens et les Chinois qui ont formé la plus grosse vague de main d'œuvre «  importée ». Il y a pourtant eu d'autres asiatiques à Diego Suarez, notamment le célèbre japonais Akazaki, propriétaire de l'Hôtel du Japon et personnalité incontournable de la ville pendant le premier quart du XXème siècle. Mais il n'avait pas beaucoup de compatriotes dans la ville!

Les Indiens

Il est difficile de dater l'arrivée des Indiens à Madagascar: d'après certains auteurs, leur présence aurait été attestée sur les côtes malgaches dès le XIIIème ou le XIVème siècle. Cependant, c'est à partir du début du XIXème siècle que l'on voit arriver des immigrants, venus essentiellement de la région de Bombay, et plus particulièrement du Goudjerat.
S'installant dans le Nord de l'île, surtout dans le Nord-Ouest, ils forment à Nosy Be une colonie prospère, installée à l'origine dans la ville d'Ambanoro, au sud-est de l'île, dont il est difficile, à l'heure actuelle, d'imaginer l'opulence, due au trafic florissant avec l'Inde et l'Arabie. Après l'annexion de Nosy Be par la France, en 1841, Ambanoro fut délaissée au profit de la nouvelle cité de Hell-Ville. En 1875, on pouvait dénombrer environ 200 indiens à Nosy Be.
La colonisation va entraîner une nouvelle vague d'immigration. En effet, la nouvelle ville d'Antsirane, qui se crée à partir de 1885, va être un facteur d'attraction pour les immigrants de toute nationalité. Les emplois y sont nombreux, les salaires y sont supérieurs à ceux pratiqués dans le reste de l'île; autant de raisons pour attirer les immigrants.

Les premiers Indiens à Diego Suarez

Un potier IndienUn potier Indien

Nous avons vu dans les articles précédents que Diego Suarez, à sa création et plus encore au moment où la ville est devenue Point d'Appui de la Flotte, était un formidable melting-pot où l'on rencontrait toutes les races de la terre. Les indiens, habiles commerçants ne pouvaient pas rester à l'écart de cette activité économique.
Dès la création de la ville, l'Indien Charifou Jeewa (dont la maison avait été fondée en 1881) , venant vraisemblablement de Nosy Be, tenait le principal commerce de la ville. Dans son magasin, installé dans la rue de la République, on pouvait trouver de tout: alimentation, droguerie, quincaillerie etc. C'est peut-être son magasin qu'évoque M.de Kergovatz dans cette description: «  Ici, le profond magasin d'un Indien de Bombay, tout rempli de marchandises hétérogènes, étoffes à grands ramages, sacs de riz, monceaux de cocos, suspensions venues du bazar de l'Hôtel-de-Ville, éventails japonais, ancres et câbles pour les boutres arabes »
Lorsque la ville se développa sur le plateau d'Antsirane, Charifou s'installa dans la ville haute, près du premier marché de la rue Colbert qu'il avait créé. Ses affaires se développèrent alors dans plusieurs secteurs: ayant acheté à crédit une cargaison de bois norvégien , il revendit le bois qui servit à construire le premier marché de la rue Colbert et les maisons de la ville haute dont certaines subsistent encore. Il fut également le premier photographe de Diego Suarez et son nom apparaît sur les cartes postales de l'époque..
D'autres Indiens, si l'on en croit C.Vray, dans son livre, «  Mes campagnes », faisaient du porte à porte pour vendre leur marchandise: «  on vient nous dire que deux indiens ambulants arrivent avec de gros ballots de marchandises ».
Mais jusqu'à ce que Diego Suarez devienne le Point d'Appui de la flotte, vers 1900, la population indienne resta relativement peu nombreuse. L'Annuaire de Madagascar indique, pour l'année 1899, le chiffre de 14 indiens pour la ville d'Antsirane. Ce chiffre est certainement sous-évalué et ne doit concerner que les commerçants ayant pignon sur rue. En effet, dans «  L'Illustration » du 16 août 1890, il est question de «  quelques centaines d'indiens de Bombay »...ce chiffre étant, cette fois-ci, sans doute exagéré!

De nouveaux immigrants indiens
Le développement de la ville créa un nouveau mouvement d'immigration mais, contrairement à Tamatave, qui avait vu arriver des centaines de coolies affectés aux travaux de la voie ferrée, il n'y eut pas à Diego Suarez d' »immigration officielle ». La plupart des Indiens qui s'installèrent à Diego Suarez pour bénéficier de l'essor économique de la nouvelle colonie venaient d'autres villes de l'Ile (Tamatave, Nosy Be et Majunga). Mais, vers 1900 , une immigration «  individuelle » se développa, toujours semble-t-il, à partir du Gudjerat.
C'est vers cette époque, dans les 20 premières années du siècle, qu'arrivèrent quelques unes des «  grandes » familles de Diego Suarez: Cassam Chenaï, Alibay Karimdjy, Monlou Kanjy, Nourbay.
Si l'on consulte le Guide-Annuaire de Madagascar des 15 premières années du XXème siècle, on compte18 indiens en 1905, 123 en 1908, 149 en 1911. Il s'agit là, bien sûr, des indiens établis à demeure à Diego Suarez, ce qui ne représente peut-être pas la totalité des immigrants indiens.

Des activités essentiellement commerciales
Il est intéressant d'étudier, à partir du Guide-Annuaire les professions exercées par les indiens à Diego Suarez: un comptage dans l'Annuaire de 1913 donne les résultats suivants:
bijoutiers: 8
blanchisseurs:9
coiffeurs:5
commerçants en demi-gros:10
détaillants: 25
employés de commerce:28
ferblantier:1
jardiniers:2
pêcheurs:1
tailleurs:8
transports:6
C'est à dire que, dès cette époque, la majorité des Indiens s'étaient tournés vers le commerce.
Si, en 1913, on ne trouve pas de «  gros » commerçants parmi la communauté indienne, cette situation va rapidement changer et l'on verra les premières maisons de commerce, souvent luxueuses, s'établir dans le quartier de l'Octroi (actuelle rue Lafayette) et dans la rue Colbert.

L'immigration chinoise

Même si l'on a retrouvé, dans les fouilles de la Betahitra, des tessons de poterie chinoise, l'arrivée de Chinois à Madagascar est beaucoup plus tardive que celle des Indiens.
La présence d'un chinois à Madagascar est attestée pour la première fois à Tamatave en 1862. Et, jusqu'à la colonisation, la communauté chinoise comptera moins d'une cinquantaine de personnes.
Mais, là encore, c'est le manque de main d'œuvre qui motivera l'appel à l'immigration chinoise.
Cependant, comme pour les Indiens, la colonisation « officielle » sera un échec.

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A Diego Suarez, un essai sera fait en ce sens en 1900. La Revue de Madagascar annonce ainsi: « Le vapeur Sinaï, venant de Haïphong, a amené à Diego Suarez 500 coolies chinois destinés à la construction de la route de 15km qui reliera la montagne d'Ambre, où seront construites les nouvelles casernes, à Antsirane »
En fait, ces coolies chinois ne donneront pas satisfaction et seront rapidement rapatriés.
Cependant, désertant les chantiers, certains d'entre eux se placeront chez d'autres employeurs ou ouvriront en brousse de petits commerces. C'est autour d'eux que s'agglomérera une petite immigration d'amis ou de parents, venus soit des îles voisines: La Réunion, Maurice ou les Seychelles, soit directement de Chine, et principalement de la région de Nan-Hoï et Shun-Te dans la Province de Canton.

Les premiers chinois à Diego Suarez
Si l'on en croit les listes données par les guides annuaires, il semble que la communauté chinoise de Diego Suarez soit très volatile: en effet, des noms qui sont donnés dans le guide de 1900 ne se trouvent pas toujours dans celui de 1905. Quant aux chiffres indiqués pour la communauté chinoise, ils varient à la hausse ou à la baisse: qu'on en juge:

1900 : 22
1905 : 13
1908 : 128
1911 : 79

Comment expliquer ces variations?

D'abord parce que les administrateurs chargés d'établir les annuaires tenaient quelquefois compte des alentours de Diego Suarez (or, beaucoup de boutiquiers chinois étaient en brousse) et, d'autres fois, se limitaient à la ville d'Antsirane.
Par ailleurs, les Chinois, très attachés à leur province d'origine, repartaient pour la Chine et faisaient venir à leur place des amis ou des parents.
Certaines boutiques cependant ont défié le temps et c'est ainsi que l'on peut voir celle de Laou Pio sur les cartes postales du début du siècle!

Les activités des Chinois de Diego Suarez
Au début du siècle, elles peuvent pratiquement se résumer dans l'expression employée dans l'Annuaire: « Epiciers et débitants de boissons », même si deux Chinois, Laou Seng et Ming Cam sont...limonadiers et fabricants de sirops!

Des communautés restées minoritaires

Nous le voyons, l'immigration asiatique n'a pas répondu à ce qu'en attendaient les colonisateurs : ils voulaient des bras, ils eurent des commerçants.
Aussi, dès 1898 Gallieni disait: « D'ailleurs Indiens et Chinois arrivent surtout à Madagascar pour y accaparer le commerce local au détriment de nos compatriotes ». Et il concluait: « Il est donc mauvais d'encourager leur immigration ».
Aussi, dans l'ensemble, les flux migratoires resteront assez lents par la suite, l'accroissement des communautés indienne et chinoise étant surtout due à la natalité plutôt qu'à l'afflux de nouveaux arrivants, contrairement à des îles comme l'île Maurice où ces communautés sont devenues les plus importantes.
■ S. Reutt - Ass. Ambre
NDLR : Mme Reutt reste ouverte à tous les témoignages de membres des communautés traitées dans ces articles (ou malheureusement omises, faute de temps et de place) et remercie d'avance tous ceux qui voudront bien lui faire parvenir leurs témoignages par l'intermédiaire du journal qui transmettra.

Commentaires   

+4 # CASSAM 04-05-2012 15:48
Mesdames, Messieurs,

Vous faites des travaux de mémoire gigantesque de façon bénévole. Il n'y a pas de mots, ni d'expression pour qualifier vos investigations pour renaître de ses "cendres" une partie de notre histoire.
Sans vous mentir, c'est ma fille qui a fait découvert le blog de l'Association d'AMBRE.
JE VOUS SALUE ET J’ÔTE MON ... CHAPEAU AVEC FIERTÉ DE VOTRE DÉVOUEMENT.
JE M'ENGAGE DE PARLER ET DE PROPAGER A TOUS LES ENFANTS DE CETTE RÉGION VOTRE ASSOCIATION.

MERCI!!!!

Mamy CASSAM

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