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Un Potez 33 en vol au dessus de Madagascar
Un Potez 33 en vol au dessus de Madagascar

Madagascar est une île...C'est sans doute un atout , mais - à partir du XXème siècle- avec le développement des relations internationales et malgré l'apparition des navires à vapeur, on commence à rêver, ici comme ailleurs, de voyages plus rapides.

Quant à Diégo-Suarez...Le grand problème de la ville a, depuis sa création, été celui de l'enclavement. Pendant la quasi-totalité de son histoire, Antsirane, puis Antsiranana, a été coupée de l'intérieur et notamment de la capitale par une distance rendue infranchissable, ou presque, par l'état des routes...ou leur inexistence! Que l'on imagine donc la formidable poussée d'espoir qu'a pu représenter l'apparition de l'aviation à Madagascar!

Les premiers vols à Madagascar

Il n'est pas question ici de raconter l'histoire de l'Aviation à Madagascar, qui a fait l'objet de nombreux livres, tous intéressants, relatant cette formidable aventure de courage, de rêves et de drames.
Nous nous contenterons de rappeler quelques dates...

1911
La première fois qu'un "plus lourd que l'air" s'élève au-dessus du sol à Madagascar, c'est le 11 juillet 1911. C'est, en effet, en 1911 qu'arrivent à Tananarive les premiers "aéroplanes" , des monoplans Blériot. Si l'on en croit le "Progrès de Madagascar" , cet achat de la colonie est entouré d'un certain scepticisme: "Nous ne croyons pas à l'aviation à Madagascar" peut-on lire dans le journal dès le 7 octobre 1910.
Le pionnier de l'aviation à Madagascar n'est pas un militaire mais un administrateur, M.Raoult. Si l'on en juge pas ses multiples tentatives, il ne manque pas de courage comme on peut le voir dans l'article consacré à son premier vol dans le Progrès de Madagascar du 11 juillet 1911:
« Le premier vol de M. Raoult
Vendredi dernier, vers 6h30 nous étions une cinquantaine sur le plateau d'Androhibe, où soufflait, venant de l'est une brise rafraîchissante au point de faire regretter l'absence de brasero. Raoult arrive à 7h, accompagné de M. Coemme son mécanicien.

À 7h30 Raoult prend place et à 7h32 exactement il donnait, élevant le bras droit, le signal du "lâchez tout."
L'appareil pique droit à l'est et après une course de 50 m s'élève très gracieusement dans les airs au milieu des applaudissements d'une assistance de plus en plus nombreuse. Arrivé à la hauteur de la route du Nord, l'aviateur pique sur Tananarive au-dessus du Palais de la Reine, il est à 600m. Après avoir évolué avec une aisance remarquable, donnant une impression de sécurité absolue, Raoult change de direction, il se dirige vers l'Ouest, passe au-dessus des nombreux villages qui bordent l'Ikopa. Il est très haut : 1000, 1200m on ne voit bientôt plus qu'un point noir filant sur la lisière des nuages.......»

L'aviateur survole alors Tananarive puis opère un certain nombre de courbes avant de revenir sur le champ d'aviation.
« L'atterrissage
On croyait tout d'abord que l'appareil toucherait terre à hauteur du hangar provisoire.
C'est seulement au point A que l'aviateur prit contact, à ce moment l'appareil ayant toute sa vitesse, le terrain allait lui faire défaut et le public angoissé voyait déjà l'appareil heurtant le mur.
Nous assistâmes alors à un spectacle extrêmement impressionnant dénotant le sang-froid et l'habileté du pilote. Au moment où le choc paraissait inévitable, on vit l'appareil se dresser et le franchir tel un pur sang franchissant un obstacle. L'appareil après cet effort donna l'impression d'un grand oiseau blessé évoluant en cherchant la place où il veut se poser. Un arrêt de moteur empêcha Raoult de manœuvrer et au lieu de revenir sur le champ d'aviation en franchissant à nouveau le mur l'appareil s'approcha de terre au point B et heurtait le sol. L'hélice se brisa, vola en éclats, l'appareil s'affaissa, brisant ses ailes, l'émotion fut vive , très vive. On se précipita mais déjà Raoult était debout, disant aux premiers arrivants sa satisfaction d'un voyage aérien admirable, ses regrets d'un accident matériel sans grande importance étant donné la facilité d'exécuter les réparations et se disant tout prêt à reprendre le chemin de l'air »
.
Malgré cet essai peu encourageant Raoult récidiva plusieurs fois, sans grand succès.

L'avion de Lefèvre sur la plage à Nosy Be
L'avion de Lefèvre sur la plage à Nosy Be
Pessimisme sur l'avenir de l'aviation à Madagascar

Ces tentatives, si elles passionnèrent les contemporains ne furent pas toujours appréciées à leur juste valeur.
En effet, pour beaucoup, l'avenir de l'aviation à Madagascar ne paraissait pas prometteur. Voilà ce que l'on pouvait lire, toujours dans le "Progrès de Madagascar" en 1912: « L'aéroplane ne remplace évidemment ni le chemin de fer, ni la route, ni la piste d'étapes: il ne peut pas servir au transport des marchandises du commerce, pas plus qu'au ravitaillement des postes en hommes, vivres ou munitions. Au point de vue militaire, pourrait-il rendre des services comme moyen de reconnaissance? C'est bien peu probable... »
En fait, l'on considérait que les dépenses engagées dans les projets aériens ne se justifiaient pas et que les difficultés rencontrées étaient insurmontables: parmi celles-ci, le spectre de la panne dans des régions désertiques ou en forêt; ensuite la difficulté de se diriger dans des zones peu cartographiées; puis la difficulté à faire le plein de carburant, le manque de terrains d'atterrissage, les intempéries...Bref, des obstacles nombreux que, d'après l'auteur de l'article, seul l'hydravion aurait des chances de surmonter...

Et pourtant...

Et pourtant les tentatives vont se multiplier durant les années 1920. Rappelons seulement les plus marquantes:
- En 1926 l'hydravion Jupiter accomplit la première liaison aérienne France-Madagascar: arrivé à Majunga le 21 novembre, il se pose sur le lac de Mandroseza le 4 décembre 1926.
- 1927 : le commandant Dagnaux et son mécanicien Dufert partis de Paris le 28 novembre 1926 avec un Bréguet 19 arrivent à Majunga le 21 janvier 1927 après un périple de 13.000km accompli en 24 étapes.
- 1929 : Le capitaine Marcel Goulette avec son équipage relient Paris à Madagascar en 10 jours 8 heures et 40 minutes et 23 étapes à une vitesse moyenne de 156 km/H.
Ce record est battu le 5 novembre par l'équipage Réginensi-Marsot sur Forman 190 Titan: partis du Bourget le 28 octobre, ils se posent à Ivato après un vol de 84 heures et 25 minutes.
Le 26 novembre l'équipage Goulette et Salel fait tomber la durée de vol France-Madagascar à 4 jours et 7h, puis 3 jours et 19h quelque temps plus tard, reprenant ainsi son record.
Pendant ce temps les vols intérieurs se développent: Tananarive/Tamatave- Tananarive/Majunga.
1930 : Les vols se multiplient, les accidents aussi: le 10 janvier le Forman 190 de l'équipage Caillol, Roux et Dodement, parti de Tananarive s'écrase en Afrique.
Le 5 février l'avion de l'équipage Goulette est détruit lors d'un atterrissage forcé.
Le 16 novembre le F.ALAC de Desmazières se brise à Beira.
C'est aussi en 1930 que le premier aéro-club de Madagascar est fondé à Tananarive par Ludovic Hannebicque. Il sera doté, l'année suivante de son premier appareil, un Potez 36.
- A partir de 1931, malgré les prédictions pessimistes sur l'utilité de l'aviation et avec l'appui du Gouverneur Cayla passionné d'avions et pilote lui-même, l'aviation perd son caractère "sportif" pour devenir utilitaire. Déjà, dès 1929, Tamatave et Majunga avaient pu recevoir du courrier par voie aérienne. Le pilote Lefèvre, qui avait accompli un Tamatave/Tananarive en 1 heure 50 écrit au Gouverneur : « Tel commerçant qui possède des succursales au nord et au sud voyait aussi les conséquences. Etre le soir à Diégo-Suarez et de retour à Tananarive le lendemain aurait pour lui d'immenses avantages ».
Convaincu, le Gouverneur Cayla va faire aménager, à partir de 1934 quatre vingt-seize terrains.
L'aviation utilitaire était née: évacuations sanitaires (La première a lieu le 20 juillet 1931). L'épopée des évacuations sanitaires par voie aérienne est relatée par mon ami, le Docteur Yves Ramiara dans son opuscule : « Fiaramanidina » ; courrier postal assuré non seulement dans l'intérieur de l'île mais même sur la France (premier courrier postal parti de Tananarive le 14 novembre et arrivé au Bourget le 25 novembre).
Débuts aussi de l'aviation militaire à Madagascar. Dès 1929 la "Base aérienne" d'Ivato est créée par le Capitaine Pinard. Destinée à accueillir l'"Escadrille coloniale de Madagascar", elle reçoit, en 1931, sept Potez 33 de l'armée de l'air qui effectueront leur premier vol le 4 mars.
Dès 1935 s'ouvriront les premières lignes accueillant des passagers: en juillet 1935, le premier vol France-Madagascar ouvert aux passagers sera emprunté par une journaliste audacieuse, Mme Titayna ; le 5 août la ligne Tana-Broken Hill accueillera ses deux premiers passagers. L'aviation commerciale était née...

Et Diego Suarez ?

C'est le 4 juin 1931 que les antsiranais purent voir pour la première fois un avion dans le ciel de Diego Suarez...
(à suivre)
■ S. Reutt - Ass. Ambre

 

Les pionniers de l'aviation à Madagascar

Arrachart

Les capitaines Ludovic Arrachart et Henri Lemaitre dans leur Bréguet-Renault 19A2 au départ vers Dakar
Les capitaines Ludovic Arrachart et Henri Lemaitre dans leur Bréguet-Renault 19A2 au départ vers Dakar
Arrachart s'est rendu célèbre par le raid Etampes-Dakar en 1925. Le 17 décembre 1931 le capitaine Arrachart et son mécanicien Puillet vont de Tananarive à Marseille à bord d'un Farman -190 à moteur Renault de 250cv contenant des sacs de courrier. Partis le 17 décembre, ils arriveront le 24 décembre.
Arrachart se tuera le 23 mai 1933, en France, au cours d'essais pour une coupe sportive.

Assolant (ou Assollant)

Le BERNARD « Oiseau Canari » Grand Raid
Le BERNARD « Oiseau Canari » Grand Raid
Figure incontournable de l'aviation malgache, Jean Assolant est surtout un des héros de l'histoire de l'aviation. Deux ans après Lindbergh il effectue la première traversée française de l'Atlantique Nord aux commandes de l'« Oiseau Canari » un Bernard 191 entièrement peint en jaune. Ce voyage fut plus difficile que prévu: en effet après un décollage laborieux (et pour cause!) un passager clandestin, sort de la queue de l'avion: il s'agit d'un jeune journaliste américain qui a voulu participer à ce vol historique: il faudra, en raison du surpoids, jeter à l'eau le matériel de survie et les sacs postaux.
Assolant rejoint en 1933 son ami et mécanicien René Lefèvre devenu chef des services de l'aéronautique de Madagascar: ensemble ils créent une ligne postale régulière Madagascar-France via le Mozambique. En 1936 ils créent ensemble les "Lignes intérieures de Madagascar".
Il tombera l'un des premiers lors de l'attaque anglaise sur Diego-Suarez en 1942.

Dagnaux

Timbre à l'éffigie de Daignaux
Timbre à l'éffigie de Daignaux
Jean Dagnaux réalise le raid Paris-Madagascar sur un Bréguet 19.avec le sergent Dufert. Partis le 28 novembre 1926 ils n'arriveront à Tananarive que le 10 février 1927.Dagnaux deviendra en 1934 directeur d'Air Afrique


Goulette

Marchesseau, Goulette et Bourgeois devant le FARMAN F-AJJB
Marchesseau, Goulette et Bourgeois
devant le FARMAN "F-AJJB"
Héros de la guerre de 14-18, passionné par l'aéronautique l'ingénieur Goulette est le premier à poser, le 26 novembre 1929, un appareil sur l'Ile de La Réunion. Il bat avec des équipages divers, plusieurs records de traversée France-Madagascar.
Il meurt le 25 mai 1932 en mission de sauvetage des naufragés du paquebot "Georges Philippar"

Lefèvre

Jean Assollant entouré de Armand Lotti et René Lefèvre
Jean Assollant entouré de Armand Lotti et René Lefèvre
Co-pilote de l'Oiseau Canari , sa carrière se confond longtemps avec celle de son ami Jean Assollant. Du 1er au 14 décembre 1931 il réussit en solitaire le vol Cannes-Tananarive, soit 12.550km en 11 jours et demi à la moyenne de 120km/h. Il assure la première liaison aérienne Tana-Morondava en 3h.
Il ouvre avec Assollant la première ligne hebdomadaire Tananarive-Broken Hill (Zambie). Directeur de la Navigation aérienne de Madagascar en 1934, il est nommé sous-directeur d'Air Afrique en 1936.

Et puis les autres, Maryse Hisz, la jeune aviatrice, Percy Mayer ; Devost ...et tous les autres que nous n'avons pas la place de citer et dont beaucoup mourront tragiquement.

 

Commentaires   

# Franck ROUMY 27-10-2012 18:31
Bonjour
Je viens de lire votre blog. Très bien documenté mis à part quelques erreurs de dates.
Prenez contact avec moi si vous le voulez
Cordialement

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