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Le fort du Cap Bivouac (Ouvrage C), à Cap Diego
Le fort du Cap Bivouac (Ouvrage C), à Cap Diego,
caractéristique du système Séré de Rivière avec sa plongée renforcée par un mur de contrescarpe et sa casemate « de Bourges ».

En 1898, la France décide de créer à Diego Suarez un point d'appui pour la flotte de l'Océan Indien. Par arrêté du 13 mars 1900, la province est érigée en « Territoire Militaire », sous le commandement du Colonel Joffre. En cinq ans, la baie est transformée en un immense camp retranché présentant deux fronts : face à la mer et face à la terre.

Le rôle d'un front de terre tel que celui de Diego Suarez est défini par l'Instruction du 4 décembre 1897 comme le devoir de :
« 1°)- Mettre à l'abri d'un bombardement la ville d'Antsirane et les établissements de la Marine.
2°)- Protéger les batteries de Côte contre les attaques d'un ennemi qui aurait débarqué, soit sur la côte Ouest, où la mer est toujours calme (baie du Courier, d'Ambararata, de Befotaka, etc.) soit sur la côte Est (Baies de Rigny et d'Ambodivahibe) »
.

Dès son arrivée à Diego Suarez, le général Joffre s'oppose à tous les projets antérieurs d'organisation défensive. Ces plans étendaient beaucoup trop les positions à occuper par la défense fixe du côté de terre et auraient conduit à « donner à la Place [de Diego Suarez] une garnison que les ressources budgétaires ne permettaient pas d'y entretenir ». Le programme d'organisation défensive a donc été établi sur ce principe que le périmètre à occuper par la fortification devait être réduit au minimum de manière à réduire autant que possible le chiffre de la garnison.
Une défense centrée sur l'intérieur
de la Baie
La solution retenue consista à barrer par des fortifications les quatre presqu'îles d'Orangea, de Vatomainty, d'Antsiranana et de Cap Diego qui contenaient toutes les batteries de côte du point d'appui, la ville et les établissements de la Marine. Il fut ainsi constitué quatre petites places « ayant un périmètre défensif minimum, ne pouvant être tournées puisqu'appuyées à la mer, communiquant facilement entre elles par la rade intérieure et dont la défense peut également être appuyée par des bâtiments légers se trouvant rade ».
Chacun de ces petites place fut ainsi organisée d'après les principes admis en France à cette époque pour l'organisation d'un secteur de place forte. Des reconnaissances exécutées ans les environs de Diego Suarez avaient permis de constater qu'il était possible à l'ennemi d'amener devant la Place de l'artillerie de siège et qu'il était par suite nécessaire de construire des ouvrages pouvant résister à cette artillerie. « Organisés pour résister à un tir de siège réglé et soutenu, il set permis d'espérer qu'ils résisteraient aux coups isolés des navires ennemis ».

Le système « Séré de Rivières »

La doctrine alors en vigueur avait été énoncée par le Général Séré de Rivières qui avait adapté les principes élaborés par Vauban aux enseignements du désastre de la guerre de 1870 contre la Prusse. Pour l'essentiel, cette doctrine prenait acte des progrès considérables de l'artillerie, en portée et en puissance, et renvoyait la défense des places à un rideau d'ouvrages défensifs se protégeant mutuellement placé à plusieurs kilomètres en avant des zones à défendre pour les maintenir à l'abri des bombardements. Chaque secteur de défense comprenait une position principale et une position avancée. Les ouvrages défensifs étaient constitués de forts abritant une casemate d'artillerie (casemate dite « de Bourges ») et des positions pour des batteries de campagnes. L'intervalle entre les forts était habituellement complété par un réseau de tranchées et de barbelés, puis, avec l'apparition des blindés, d'un fossé et d'obstacles antichars.
La guerre russo-japonaise qui avait vu le concours de forces terrestres débarquées avec celles de la Marine, confirmait la pertinence de cette doctrine. L'opération Ironclad, en 1942, allait cependant en montrer l'obsolescence qui ne prévoyait notamment pas le rôle fondamental joué par l'aviation pendant la seconde guerre mondiale.

Le front de terre de Diego Suarez :
un système de défense basé sur les principes énoncés par le Général Séré de Rivière
Casemate de Bourges du Fort d'Anamakia (Ouvrage H)
Le fort des Mapous (Ouvrage A), sur les hauteurs de Cap Diego présente encore sa casemate « de bourges », désarmée mais en excellent état.

Le général Séré de Rivières
Le général Séré de Rivières

Le Fort de Douaumont près de Verdun, un des plus célèbres forts Séré de Rivière.
Schéma : profil d'un fort Séré de Rivière après 1885

Schéma : profil d'un fort Séré de Rivière après 1885
Front de terre d'Ankorika

L'instruction du 4 décembre 1897 prévoyait que « les formes du terrain environnant la Place sont l'élément essentiel de la détermination des emplacements fortifiés ». Or, dans la presqu'île d'Orangea, il n'existe que deux coupures nettes et naturelles du terrain : les vallées d'Ambararata et la vallée de la Manantanana. La première fut utilisée comme position principale, la seconde comme position avancée.
Position avancée
Elle est située à environ deux kilomètres de la position principale. Elle utilise une série de points d'appui naturels constituée de boqueteaux et de légères ondulations de terrain. Elle s'appuie à gauche à la mer, à droite à la Montagne des Français. Les deux canons de montagne affectés à l'ouvrage d'Anosiravo auraient en cas d'attaque étés transportés à bras par la garnison sur un emplacement de batterie situé sur une position inaccessible pour l'ennemi et d'où les vues s'étendent au loin sur la vallée du Manantanana. Hormis l'ouvrage d'Anosiravo, il n'en reste quasi plus de traces.
Position principale
Cette position comprends :
- Aux ailes deux ouvrages fortifiés (D et E) placés sur les deux points saillants de la ligne : le sommet sud des hauteurs d'Ankorika (un ancien cratère volcanique) et le Mamelon Vert, qui domine la baie des Sakalava. Ces deux ouvrages se flanquent mutuellement à l'aide de leurs canons de 95.
- En arrière de la ligne, sur une position dominante, une batterie de sureté de 155 Long (Batterie du Champ de Tir) permet de battre sur une longue distance les positions d'artillerie de gros calibre que pourrait occuper l'ennemi pour contrebattre les ouvrages D et E.
- Dans les intervalles, une ligne presque continue de tranchées épouse les formes du terrain. Le réseau est constitué d'une tranchée au profil dit « tranchée abri renforcée » (1,60 m de profondeur et 3 m d'épaisseur de parapet). En avant de ces tranchées, une ligne de défense accessoire est constituée par des cactus. Ces défenses sont placées « dans les couverts naturels du terrain où l'assaillant pourrait se mettre à l'abri des vues et des coups des défenseurs ». Les cactus offrent en effet une défense formidable une fois qu'ils ont poussés, et remplacent avantageusement et à moindre coût les rouleaux de fils de fer barbelés dont la corrosion est très rapide dans l'air marin de la presqu'île d'Orangea. Plantés en 1903, on les retrouve encore en de nombreux endroits, même si leur implantation se révéla plus ardue que prévu : « ces plantations doivent être l'objet de beaucoup de soins, car le terrain n'est pas très favorable et les herbes, les feux de brousses et les troupeaux de bœufs les empêchent de pousser rapidement ».

- Un magasin de secteur relié à celui du front de mer (Magasin à munitions souterrain) par une voie de 60.

Plantations  de cactus sur la position avancée du secteur d'AnkorikaPlantations de cactus sur la position avancée du secteur d'Ankorika, près de l'embouchure de la rivière Manantanana
Front de terre de Vatomainty

La falaise de Vatomainty est reliée à la presqu'île d'Anosirabe par un isthme bas, entièrement découvert, bordés de palétuviers et de plages de vase ou de galets. La largeur minima près du Cap est de 190 mètres avec une altitude de 9 mètres à la crète.
Le Général Joffre a estimé qu'une petite garnison d'une cinquantaine d'hommes armés de deux mitrailleuses était suffisants pour défendre ce front. Elle serait en cas d'attaque appuyée par des canons de 75 en position sur les hauteurs de Cap Diego, et par des troupes qu'il serait facile de débarquer sur les derrières de l'ennemi ou par des bâtiments légers.
La garnison était cantonnée dans un baraquement construit à proximité de l'entrée du complexe souterrain de la batterie.

Carte : le front de terre de Diego Suarez
Carte : le front de terre de Diego Suarez
Front de terre de Cap Diego

L'organisation du front de terre de Cap Diego fut longuement débattue. Alors qu'il aurait pu sembler évident de placer la position principale sur l'isthme d'Andrakaka, très étroit et offrant de bonnes postions d'artillerie sur les hauteurs à ses défenseurs, il fut en effet préféré de l'installer en retrait sur le plateau, beaucoup plus à l'ouest, et ce pour plusieurs raisons :
- les positions sur l'isthme d'Andrakaka auraient été dominées à courte distance par les hauteurs de l'Ambongoabe et du Babaomby-vatobe, éloignées de 5 ou 6 kilomètres seulement et où l'ennemi aurait pu trouver de bonnes positions d'artillerie.
  - Des navires embossés dans la Baie des Cailloux Blancs auraient facilement pu prendre d'enfilade et à revers ces positions d'une altitude relativement faible tout en ne se tenant exposés qu'au feu de l'unique batterie de Vatomainty.
Au contraire, ces mêmes navires n'auraient pu prendre d'enfilade et à revers la ligne des hauteurs qui dominent le Port de le Nièvre qu'en se plaçant à l'intérieur même de la grande rade, en un point où ils se seraient alors retrouvés sous les feux combinés des batteries de Vatomainty, Cap Diego, et de la Pointe de l'Aigle.
- De petits bâtiments légers n'auraient pu appuyer la défense du front de terre de Cap Diego si ce front avait été placé à l'isthme même d'Andrakaka, ou même un peu en arrière. Par contre, ces même bâtiments auraient pu agir efficacement contre un ennemi qui aurait attaqué la ligne A-B-C telle qu'elle fut organisée.
- La défense de Cap Diego était essentielle principalement parce que l'ennemi, s'il avait pu se rendre maitre de ces hauteurs qui dominent le Port de la Nièvre, aurait ainsi pu bombarder non seulement la ville et toutes les installations portuaires, mais aussi contrebattre l'ouvrage H (Fort d'Anamakia), et prendre en enfilade la ligne de tranchées reliant les ouvrages G et H.
Il était donc rationnel d'occuper ces hauteurs par des ouvrages solides, susceptibles d'une très longue résistance.
La défense du front de terre de Cap Diego fut donc organisée comme suit : une position d'arrêt au milieu de l'isthme d'Andrakaka ; une position avancée sur le haut de la partie ouest du plateau d'Andrakaka ; et la position principale sur les hauteurs à l'est du même plateau.

Isthme d'Andraka
L'ennemi qui attaquerait ce secteur se heurterait d'abord à une première position d'arrêt organisée à l'isthme d'Andrakaka. Cet isthme, très resserré, d'une largeur maximum de 800 mètres, peut être barré avec des effectifs très restreints. Cette position était solidement organisée avec une série de petites tranchées placées sur la hauteur située au milieu de l'isthme, appuyée par trois pièces de 75 à tir rapide.
Cette position mettait le secteur de Cap Diego à l'abri d'un coup de main et permettait d'en réduire la garnison au strict nécessaire et de « forcer l'ennemi à dévoiler ses intentions en l'obligeant à faire de grands efforts pour s'en emparer ».

Position avancée
Cette position, organisée à l'extrémité Ouest du plateau d'Andrakaka, était naturellement très forte. Elle battait en effet à bonne distance l'isthme d'Andrakaka et possédait un excellent champ de tir, de bons emplacements pour disposer de l'artillerie de campagne, tout en n'étant pas très étendue. Elle constituait en quelque sorte la défense en arrière de la position de l'isthme d'Andrakaka.

Position principale
La position principale barrait toute la largeur de la partie Est du plateau d'Andraka. Trois ouvrages fortifiés à profil triangulaire type Séré de Rivière occupaient les points culminants :
- Le Fort des Mapous (ouvrage A), au Sud, non loin de la pointe du même nom, dominait tout le plateau. Il flanquait la droite de l'intervalle A-B avec ses deux canons de 95 sous casemate de Bourges, mais pouvait également disposer de l'artillerie de campagne pour appuyer la batterie des Caïmans et la Ligne Joffre qu'il protégeait d'un tir à revers en enfilade. Cet emplacement stratégique en faisait un point d'attaque tout désigné pour l'ennemi.
- Le Fort du Centre (ouvrage B) flanquait les intervalles A-B et B-C au moyen de deux casemates de Bourges abritant chacune deux canons de 95.
- Le Fort du Cap Bivouac (ouvrage C), au Nord, flanque l'intervalle B-C avec ses deux canons de 95 sous casemate de Bourges.
- Une batterie mobile de 120 devait constituer l'armement de sureté du secteur. L'organisation de la défense se proposait de mettre à profit la mobilité de ces pièces en les transportant au moment du besoin sur des emplacments reconnus et préparés d'où elle auraient pu tirer, soit sur le plateau des Caïmans et la Plaine d'Anamakia pour protéger la droite du front de terre d'Antsiranana, soit sur des navires stationnés dans la Baie de la Nièvre ou la Baie de Cailloux Blancs.
- Un réseau de tranchées fermait les intervalles et se prolongeait des deux côtés jusqu'à la mer. Il était organisé selon les mêmes principes que celui d'Ankorika, avec notamment des plantations de cactus, qui semblent avoir causé de grandes difficultés à leurs « jardiniers » et dont il ne reste guère de traces.
Un magasin de secteur complétait le dispositif, en retrait de l'intervalle B-C.
Une « route stratégique » fut construite pour permettre l'acheminement d'artillerie de campagne par voie de terre. Cette route, très dégradée à l'heure actuelle, permet toujours de se rendre à Cap Diego en contournant par l'Ouest le Cul-de-sac Gallois.

Le Canon G de 95 mm Modèle 1888
Le Canon G de 95 mm Modèle 1888

Commentaires   

# Franz Stdelmann 12-03-2013 22:04
Très interessant! Est-ce que ces textes existent en tant que livre?

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