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Catégorie : Tourisme
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Antsalaka : Oasis fertile au milieu des savanes du Nord de Madagascar
Ancien grenier maraîcher dont la production était exportée jusqu’à Tana au milieu du siècle dernier, ce petit groupe de communes accrochées sur le flanc sud de la Montagne d’Ambre s’est reconverti depuis quelques années dans la culture du katy. Mais il reste un important centre agricole qui bénéficie d’atouts considérables.

Volcan à Antsalaka
Un paysage fortement marqué
par le volcanisme

Antsalaka, « dans le champ des lacs/des cours d’eau », est située au sud est de la Montagne d’Ambre, à environ 550 m d’altitude dans une zone de végétation luxuriante tropicale humide qui bénéficie d’un microclimat dû au relief et qui favorise les précipitations (environ 3 500 mm / an). L’eau est omniprésente et on a pu compter jusqu’à 56 sources dans la commune, mais on en recense aujourd’hui plus qu’une trentaine, la déforestation en ayant asséché un certain nombre. La Commune Rurale d’Antsalaka s’étend sur 1 228 ha et comprend plus de 4 000 habitants répartis dans 7 fokontany. On y recense 4 EPP (Ecole Primaire Publique), 3 collèges privés et environ 7 églises.

Marché à Antsalaka
Marché à Antsalaka

Cette zone bénéficie de conditions climatiques, hydrologiques et géologiques (terre volcanique naturellement riche) idéales pour des cultures parfois difficiles dans le reste de la région. On y cultive presque de tout : du riz, toutes sortes de légumes (pommes de terre, choux, salades, carottes…), de fruits (litchis, oranges, mangue…), et… du khat. On y pratique également l’élevage de bovins, de porcs et de volailles qui est facilité par la fabrication locale de provende (fabrication d’aliments pour les animaux avec du son de riz, du maïs…)

 

Histoire

Eglise d'Antsalaka
Eglise d'Antsalaka

Cette commune a été un grand centre de production agricole pendant la colonisation. Une centaine de familles réunionnaises y étaient en effet installées au moment de l’Indépendance. La production était destinée à répondre aux importants besoins en approvisionnements de produits maraîchers et fruitiers de la flotte française basée à Diego Suarez, mais elle était également acheminée jusqu’aux marchés d’Antananarivo. Après l’Indépendance et sous Ratsiraka, les français quittent peu à peu la zone et sont « reclassés » dans des centres de formation professionnelle en France et à La Réunion.
La grande église à l’entrée du village est une des dernières réalisations des réunionnais, construite en 1960.
Depuis, les infrastructures se sont considérablement dégradées et, paradoxe, le village n’a plus eu d’alimentation en eau pendant huit ans avant qu’un nouveau réseau de canalisations et de bornes fontaines soient posées récemment.

Mairie d'Antsalaka
Mairie d'Antsalaka

Depuis quelques années cependant, l’ADTSS, une association réunionnaise œuvre à améliorer le quotidien des habitants. Elle a notamment financé en partenariat avec le CISCO et l’Association des parents d’élèves une annexe à l’EPP pour permettre d’accueillir un plus grand nombre et dans de meilleures conditions les élèves. Actuellement plus de 600 élèves sont scolarisés dans la commune, et si la directrice de l’EPP estime encore à près de 300 ceux qui ne le sont pas, cela représente un de plus fort taux de scolarisation de la région (hors ville de Diego Suarez). D’autres projets sont en cours d’élaboration comme l’ouverture d’un centre d’apprentissage (couture et menuiserie) et l’électrification du village à l’aide d’énergies renouvelables (combiné solaire/éolien/hydraulique).

Le Khat

Décortiqueuse communautaire
Décortiqueuse communautaire

Le développement de la consommation de khat dans la région nord de Madagascar dans les années 90’ a constitué un changement majeur pour la zone. Cette addiction, dont les effets négatifs étaient sous estimés, était même perçue par les autorités comme une perspective de développement. Un producteur nous explique que c’est à la suite d’un discours du Président Albert Zafy, de passage dans le village, qui aurait déclaré que « la culture du khat c’est l’avenir », qu’il a décidé de convertir une partie de ses terres à la production de khat. Un grand nombre d’habitants s’est alors reconverti à cette culture de rente aux profits sans commune mesure avec ceux de l’agriculture traditionnelle. Une botte de khat (un « blocage »), qui pèse de 3 à 6 kg, peut en effet atteindre 80 000 Ar (près de 30 €), soit l’équivalent d’un salaire minimum. La culture en est de plus relativement aisée puisqu’elle ne demande que peux de soins. Actuellement, on estime entre 4 à 5 tonnes le volume quotidien qui est expédié vers Diego Suarez, mais aussi toutes les villes de la région et Nosy Be. Les conséquences négatives n’ont pas tardé à apparaitre : assèchement des sources dû aux énormes quantités d’eau que nécessite la culture de cette plante, disparition de cultures vivrières comme le riz ou le maïs remplacées par du khat. Mais surtout effets délétères de la consommation régulière du khat d’abord sur la productivité, puis sur la santé des consommateurs, et enfin beaucoup plus grave sur celle des enfants. La consommation de khat (on dit ici « brouter ») se pratique à partir de la mi-journée et entraine une indolence qui dure jusqu’au soir, interdisant tous travaux dans les champs. Les conséquences sur la santé commencent à faire l’objet d’études (voir notre encadré) et sont aggravées par la consommation concomitante de rhum pour, en fin de séance, « tuer la dose ». Les institutrices du village disent percevoir nettement l’influence de la consommation de khat des parents sur le niveau scolaire des enfants sans pouvoir déterminer la part physiologique de la part psychologique de cette baisse de niveau. Hormis ces conséquences, la culture du khat pose la question de son avenir. Cette plante est en effet classée dans la liste des produits stupéfiants prohibés par l’ONU, et interdite dans la plupart des pays. Y compris Madagascar, comme l’a rappelé l’ancien Président Marc Ravalomamana dans un discours en 2008 très peu suivi d’effets.

Des atouts considérables

Ecole primaire
Ecole primaire

Cette zone conserve cependant des atouts majeurs. Si le khat occupe près de 250 hectares, de nombreuses autres cultures restent pratiquées sur une superficie au moins équivalente, et la réputation des produits maraîchers de la zone n’est plus à faire. Agriculteurs depuis des générations, les habitants disposent d’un solide savoir faire en matière agricole qui ne demande qu’à être développé. Il existe de plus une solide tradition d’entraide qui se traduit notamment par la gestion communautaire d’outils tels que les décortiqueuses pour le riz.

Une solution pourrait être l’importation des semences mais des restrictions administratives et sanitaires la rendent quasi impossible en pratique : une mesure de quarantaine est en effet systématiquement appliquée à la douane, [...] occasionnant des coûts et des délais rédhibitoires

François Gansoinat est jeune producteur d’origine française nouvellement installé avec sa femme malgache à Vohitsara, un des fokontany au nord de la zone. Selon lui, ce sont près de 350 hectares qui sont redevenus cultivables après la réfection par ses soins d’un canal qui permet d’amener l’eau d’une source située à près de 14 km de là. Combiné avec la fertilité exceptionnelle de la terre, c’est un potentiel considérable qui pourrait permettre dans un premier temps de fournir toute la région de Diego Suarez en produits maraîchers, mais aussi plus tard d’envisager l’approvisionnement de la capitale Antananarivo, voire l’exportation vers les îles de la zone de l’Océan Indien.
Mais pour parvenir à ces résultats, un certain nombre de problèmes devront être résolus, en particulier celui de l’approvisionnement en semences. C’est en effet selon lui la difficulté cruciale à laquelle il est confronté : la production de semences est quasi inexistante dans la région, et très peu développée dans le reste de l’île. Une solution pourrait être l’importation des semences mais des restrictions administratives et sanitaires la rendent quasi impossible en pratique : une mesure de quarantaine est en effet systématiquement appliquée à la douane, quel que soit la nature des semences importées, occasionnant des coûts et des délais rédhibitoires. Une autre difficulté vient des barrières économiques mises en place sur les routes de la région, dont la finalité n’est pas très clairement comprise par les producteurs, et les taxes perçues comme un frein au développement de la production.

 

Le khat c’est quoi ?

Définition

Fleur et pousses de khat
Fleur et pousses
de khat

Le khat, ou qat ou katy (à Madagascar), est une espèce d'arbuste ou d'arbrisseau (une sorte de fusain) de la famille des Célastracées, originaire d'Afrique orientale, mais dont la culture s'est également étendue à la péninsule arabique (surtout Yémen), connue surtout pour son usage par les populations de ces régions qui en mâchent longuement les feuilles pour leur effet stimulant et euphorisant comparable à celui de l'amphétamine.

Étymologie

Le terme « khat » vient d'un mot arabe signifiant « arbuste ».

Effets et risques

Plant de khat
Plant de khat

Les principes actifs du khat sont des alcaloïdes : la cathinone et la cathine ultérieurement identifiée comme la D-norpseudoéphédrine. Les deux molécules sont présentes sous la forme lévogyre.

L'effet est proche de celui des amphétamines (soulager la fatigue et la faim) et induit une accélération du rythme cardiaque, de l'hypertension, une accélération de la respiration, de l'hyperthermie et une mydriase2.

Son usage régulier entraîne des risques d'accoutumance — voire une toxicomanie — et une tolérance croisée avec les amphétamines2 et peut provoquer une dénutrition.

À long terme, des modifications de l'humeur, des hallucinations, des troubles du sommeil, digestifs et sexuels voire des accidents cardiaques sont signalés. Plusieurs études ont observé une nette augmentation des taux de cancers de la bouche et de l’œsophage chez les grands consommateurs de qat au Yémen.

Culture

La culture du khat à débutée dans le nord de Madagascar au cours des années 1920 pour répondre à la demande de la main d'oeuvre originaire de la corne de l'Afrique venue travailler au chantier naval (devenu la SECREN). Ceux ci exigeaient en effet leur dose de khat dans leur ration quotidienne. Mais l'usage a réellement commencé à se développer fortement à la fin des années 1990.

Il n'existe pas de chiffre pour Madagascar mais à titre de comparaison, selon la Banque mondiale, la production du khat représente 6 % du produit intérieur brut (PIB) du Yémen, emploie 14 % de la main d'œuvre du pays et monopolise 30 % de l'eau consacrée à l'irrigation. Certaines études démontrent une correlation entre la consommation de khat et le faible niveau de vie des pays où il est consommé.

 

Antsalaka : champ de khat