Morafeno est un des plus petits fokontany de Diego Suarez. C’est un quartier avant tout résidentiel qui accueille une des populations les plus défavorisée de la Commune
Appuis sur le plan social
Morafeno est parmi les six quartiers les plus défavorisés de la Commune Urbaine d’Antsiranana. Il est bénéficiaire du programme d’appui au développement social urbain, PADSU appuyé par Territoire et Développement avec CIDR ou Centre International de Développement et de Recherche. Ce programme accompagne la Commune dans « la conception et la mise en œuvre d’une politique communale contre l’exclusion et les inégalités sociales ». Le PADSU, lancé en 2012 vise entre autres « la mise en place de dispositifs d’accompagnement à la promotion économique et aux initiatives sociales des femmes et des jeunes, l’accompagnement dans l’identification, montage des initiatives socio-économiques des populations vulnérables » peut on lire sur le site du CIDR. A Morafeno, l’adjoint du chef quartier rapporte qu’une association composée de 15 femmes ont bénéficié d’une formation en gestion et en entreprenariat. D’autres ont obtenu des matériels pour leur travail « le don de matériels dépend des activités. Il y en a qui ont obtenu des machines à pâtes, d’autres des machines à coudre. Les matériels ne sont pas tout simplement offerts. Les activités sont suivies » souligne Mahadiana Jean.
Des goûters sont distribués aux enfants de l’association Cœur et Conscience. Pour le quartier de Morafeno, cette distribution de goûters constitués de fruits, de fromage, de pain a lieu chaque après-midi de mercredi. Ce sont les Comités des Familles qui sont responsables des 14 points de distribution que compte la ville. A Morafeno, environ 40 enfants bénéficient de ces goûters. Cette lutte contre la malnutrition initiée par Cœur et Conscience est soutenue par des entreprises locales.
Rencontre avec le chef fokontany adjoint de Morafeno, Mahadiana Jean
La Tribune de Diego : l’accès à l’eau potable est-il toujours difficile ?
M.J. : Oui, toujours. Ce n’est que lorsque les gens des quartiers nord de la ville n’utilisent plus l’eau que nous pouvons en avoir, c’est-à-dire la nuit. Nous avons six bornes fontaines publiques dont deux dans le lavoir. Elles fonctionnent, mais la pression est insuffisante.
Les parents envoient leurs enfants à l’école ?
M.J. : Vous savez, l’enseignement dépend beaucoup de l’argent. Il y a une école primaire publique dans notre quartier et trois établissements scolaires privés. Pour le cas de ces derniers, il n’y a que les familles qui ont les moyens qui y envoient leurs enfants. Ce n’est pas pour tout le monde. Même chose pour les classes secondaires. Franchement, je pense que Diego Suarez manque de collèges publics. Les élèves d’établissements publics ont un bon niveau. Les collégiens de notre quartier vont au CEG PK3. Je veux dire ceux qui y sont reçus. A peu près 20% des jeunes de notre quartier qui ont leur BEPC (Brevet d’études du premier cycle) vont au lycée, le reste abandonne.Vous imaginez bien ce qu’il en est pour l’université.
Qu’en est-il de la sécurité dans le quartier ?
M.J. : Ici c’est plutôt calme. Je pense que les médias transmettent de mauvaises choses aux jeunes. Les formations de gangs et leurs forces aux Etats- Unis par exemple, c’est comme ça que se sont formées les bandes de foroches.
Il y a des quartiers mobiles pour la sécurisation des secteurs ?
M.J. : Nous avons sept secteurs et nous avons renoncé depuis longtemps à engager des chefs secteurs. Il faut de l’argent pour les payer, et ça nous n’avons pas.
Qu’en est-il de l’accès au service de santé ?
M.J. : Il y a les auxiliaires de santé qui sensibilisent pour la lutte contre le paludisme et pour l’utilisation de méthodes contraceptives. En cas de maladie, les gens vont au dispensaire de Tanambao. Mais le plus souvent chacun a son voisin comme médecin ! En effet, l’automédication est ici une pratique courante. Les gens pensent qu’il est inutile de payer 5 000 à 10 000 Ar de consultation alors qu’ils n’ont que des maux de tête. C’est trop coûteux de voir un médecin.
Et les sports et loisirs ?
M.J. : Les jeunes de Morafeno font du basketball sur les deux terrains proches d’ANGAP (actuellement Madagascar National Parks) même la nuit. Maintenant il n’y a plus d’éclairage. Pour un des terrains, les panneaux sont détruits.
Un message que vous désirez faire passer ?
M.J. : C’est un grief que je veux faire passer. Les fokontany ne sont que des outils dans les mains de l’Etat pour le servir au moment où il le veut. Les fokontany n’ont aucun budget et le montant des indemnités que l’Etat a à payer aux chefs fokontany et leurs adjoints est ridicule. (Ndlr : 30 000 et 15 000 Ar par mois). Des chefs quartiers sont accusés de corruption et poursuivis par le BIANCO alors qu’ils doivent bien trouver les moyens de s’en sortir. Ils ont des enfants à nourrir comme tout le monde. Avant le premier tour des élections présidentielles, on nous a payé sept mois d’arriérés d’indemnité. Une fois les élections terminées, il n’y a plus eu de paiement alors que les impayés remontent à 2009.
Portrait : Geneviève, maraichère au bazary de Morafeno
Un marché se crée à Morafeno, au bord de la RN6. Actuellement, il y a quelques maraichers, un boucher et des vendeurs de fruit. Les habitants des environs y trouvent ce dont ils ont besoin en urgence pour cuisiner. Geneviève est maraichère, elle occupe un étalage à Morafeno depuis deux ans. Elle exerce ce métier depuis 1984. Elle a quitté Tanambao V, là où elle avait son petit commerce pour s’installer à Ambalakazaha et de tenir cet étalage à Morafeno. Elle y vend des choux, des tomates, des bananes plantains, des légumes secs et même des crevettes. « Je n’achète pas en gros et je n’ai pas de fournisseurs fixes. Je m’approvisionne auprès des vendeurs du bazary, là où on vend moins cher » explique-t-elle. Geneviève se rappelle du temps où la vente de légumes marchait bien « j’achetais en gros les cressons et les choux, une vingtaine de paquets par approvisionnement. J’arrivais à tout écouler durant la journée. Maintenant je ramène trois paquets du bazary et il y a une moitié qui n’est pas vendue ». La maraichère comprend bien d’où vient le problème « il y a plus de marchands que d’acheteurs » constate-t-elle. Avec ce métier, Geneviève subvient seule à ses besoins et ceux de ses trois petits enfants. « Le premier est en deuxième année au lycée technique, le deuxième en classe de troisième au CEG et le plus petit vient de passer en septième » énumère-t-elle, confiante et fière. Sa fille unique, mère des trois enfants qui vivent avec elle s’est installée avec son mari à Betsiaka. Geneviève a préféré garder trois de ses petits enfants auprès d’elle pour leur scolarisation. « Pour mieux m’en sortir, j’ai bien sûr essayé d’autres choses, mais ça ne marchait pas », elle a collecté des produits agricoles, mais les nombreuses exigences de l’entreprenariat et les diverses corruptions que cela exige l’ont poussé à laisser tomber. Geneviève a ouvert un petit restaurant bon marché, mais voyant que les clients ne se bousculaient pas, elle a préféré abandonner. Depuis la naissance de sa fille en 1978 et leur arrivée à Antsiranana en 1981, Geneviève est convaincue de l’importance de l’instruction et de l’éducation scolaire. En ce moment, son seul objectif est la réussite de ses petits enfants.
■ V.M