Pour voir la mer, les habitants d'Antananarivo font 247 kilomètres pour rejoindre la plage la plus proche, à Vatomandry. Pour de plus longs séjours, depuis de nombreuses années, c'est vers Toamasina et surtout vers Mahajanga que les vacanciers convergent. Mais ces deux dernières années, l'on constate qu'Antsiranana commence aussi à avoir la côte
Alors que les classes de CM2, de troisième et de terminales préparent les examens officiels, d'autres ont terminé leur année scolaire et préparent leurs vacances.
Vacances à Diego Suarez : pas à la portée de tous
La campagne et/ou le séjour chez les grands-parents, tantes et oncles sont les plus habituels puisque les parents travaillent encore. De plus voir la mer est un luxe que tout le monde ne peut se permettre à Madagascar. Effectuer une centaine de kilomètres et séjourner dans un hôtel équivalent à de nombreux mois d'économie pour un malgache de classe moyenne (si l'on peut parler de classe moyenne puisque 76,5% des Malagasy vivent avec moins de deux dollars par jour selon le FMI, donc sont pauvres).
Ces deux dernières années, une recrudescence des Malagasy des autres régions qui rejoignent Antsiranana pendant la période de vacances a été constatée. Elle est liée aux diverses manifestations culturelles, sportives et réunions religieuses qui se tiennent dans le nord, telle que l'année dernière : la Journée Mondiale de la Jeunesse ou la réunion de quelques branches des églises luthériennes et du FJKM. Mais cette recrudescence est aussi liée au développement de petites activités commerciales informelles dans la Capitale du nord et dont les principaux opérateurs viennent des hauts-plateaux. Leurs familles les rejoignent pendant les vacances, inutile donc de prendre des chambres d'hôtel. Pour d'autres par contre, le voyage entre groupe d'amis ou en famille est organisé depuis des semaines, voire des mois. Un père de famille confie que pour une semaine de vacances à Antsiranana avec son épouse et leurs deux enfants, il lui a fallu débourser plus de 800 000 Ariary : frais d'hôtel « qui n'est pas tout confort » ironise-t-il, repas, promenade jusqu'à Ramena, frais de transports et autres petites dépenses.
Ceux qui viennent à Antsiranana ne sont pas forcément et seulement des Tananariviens, mais puisque la plupart pour rejoindre le nord doivent passer par la Capitale, il est intéressant de comprendre comment se passe le voyage entre les deux villes.
Le taxi brousse d'Antananarivo à Antsiranana
Pour arriver à Antsiranana, il faut parcourir 1 200 km, passer par les régions Analamanga, Betsiboka et Sofia ainsi que par huit villes telles que Maevatanàna, Port-Bergé, Ambanja et Ambilobe. Malgré la fatigue puisque le voyage dure 24h en moyenne, le paysage est impressionnant (la traversée du fameux Tampoketsa) surtout sur la RN6 : d'Ambondromamy à Antsiranana : les paillottes en bord de route entre Port-Bergé et Antsohihy, le petit déjeuner à Befotaka (à 63 km d'Antsohihy) les plantations de cacao dans la région d'Ambanja, les fleuves Mahavavy et Sambirano.
C'est à Ambodivona, Antananarivo que le voyage débute, le départ selon la coopérative de transport se fait entre 15h et 17h. Mais à la gare routière d'Ambodivona, il n'y a pas de ponctualité qui tienne, l'on peut arriver sur le lieu à 14h pour ne partir qu'à 16h30. Les bagages sont attachés et couverts d'une ou deux bâches. De Tanà à Diego Suarez, les bagages sont plus lourds et plus nombreux qu'au retour car les commerçants d'Antsiranana se font expédier des marchandises de la Capitale. De plus, les voyageurs antsiranais profitent de leurs passages à Antananarivo pour faire des achats. Il est alors inquiétant de voir ces véhicules de transport en commun endossés leurs bagages pesant des centaines de kilos.
En ce qui concerne les frais de transport, certains « mpanera » (rabatteurs) n'hésitent pas à parler de 70 000 Ariary, certaines coopératives tentent les 60 000 Ariary, mais le frais de transport d'Antananarivo à Antsiranana coûte 50 000 Ariary et aucune décision quant à sa hausse n'a été annoncée.
Une fois, les bagages solidement attachés par deux hommes, un employé de la coopérative appelle un à un les voyageurs suivant la réservation et la place qu'ils ont demandée. Une fois tous les voyageurs installés, le véhicule prend la route. En deux ans, les mini-bus ont disparu du transport en commun à long trajet pour laisser place aux Mercedes Sprinter. Un chauffeur nous explique que cet engouement des transporteurs pour le Sprinter s'explique par une économie en carburant et parce que le véhicule transporte plus de voyageurs si le minibus transporte quatorze personnes, le sprinter peut transporter plus de vingt personnes. « Le Sprinter roule plus vite, si cette tranche de route entre Ambilobe et Anivorano était en bon état, je suis sûr que le trajet Tanà-Diego se ferait en moins de 20h » nous explique encore le chauffeur.
A part le problème posé par les radiers d'Antanetilava (entre Port-Bergé et Mampikony) qui sont submergés en période de pluie et qui bloquent complètement la circulation, cette tranche de la RN6 entre Ambilobe et Antsiranana est actuellement en très mauvais état, les véhicules mettent cinq heures en moyenne pour effectuer le trajet de 137 km.
Découverte de Diego Suarez
Sans graves problèmes mécaniques du véhicule, qui n'épargnent pourtant pas un véhicule sur dix effectuant le trajet chaque jour, et sans des heures passées à Ambanja ou Ambilobe pour remplacer les voyageurs qui y sont descendus, les vacanciers arrivent à Antsiranana en début de soirée, le lendemain. Après une bonne nuit de repos, les vacanciers commencent généralement la visite d'Antsiranana par découvrir le bazary, les boutiques les plus importantes, les mosquées, la place Joffre, le kiosque à musique, contempler le Pain de Sucre sur la route vers l'université et autres bâtiments historiques… avec bien sûr les quelques surprises que réservent le varatraza : vents et poussières. Les ballades à travers la ville permettent aux visiteurs d'être en contact avec la population locale, de voir de plus près (et non plus qu'à la télé) les tenues traditionnelles multicolores que portent les femmes sakalava et antakarana, d'entendre le dialecte. Parcourir la ville et ses quartiers en taxi est aussi un privilège que l'on ne peut se permettre dans d'autres villes, la course classique se facturant au maximum à 1 000 Ariary.
La plupart des touristes nationaux ne suivent pas le circuit habituel : tsingy rouge, montagne d'Ambre, trois baies, mer d'Emeraude, etc. La majorité d'entre eux se contentent de visiter la ville, d'aller à Ramena et Orangéa faute de moyens. Malgré la différence entre les tarifs appliqués que ce soit pour les frais d'avion ou les tickets d'entrée à ces lieux touristiques, ils restent inaccessibles au plus grand nombre de malgaches que ne peuvent pas tout louer de 4*4 ou disposer d'au moins 300 000 Ariary pour prendre l'avion.
■ V.M