Jean Claude et Masindraoke ont un point commun : ils vendent les produits de leurs mains et ils sont ce qu’on appelle dans le nord mpidalaly, des marchands qui ne se tiennent pas sur un lieu donné, qui n’ont ni boutique ni magasin et marchent à travers la ville à la rencontre des clients.
Jean Claude fabricant et vendeur de balai fait à la main
Jean Claude a 24 ans, il est arrivé à Antsiranana en 2011 et depuis il vit uniquement de la fabrication et de la vente de balai. Réservé et toujours pressé, Jean Claude accepte tout en marchant de nous parler de son métier. L’homme fabrique lui-même les balais trapèzes à brosse et balais têtes de loup qu’il vend à Diego Suarez. Le balai coûte en moyenne 2 000 Ariary et il a l’avantage d’être fabriqué entièrement avec de la matière végétale. Le manche est en bois et la brosse en sisal. Jean Claude peut fabriquer jusqu’à 5 balais par jour et consacre un jour sur deux pour la fabrication et quatre à cinq jours par semaine pour les vendre. Chaque jour, il effectue une dizaine de kilomètres en sillonnant la ville avec ses balais multicolores sur l’épaule. Il quitte son domicile et atelier à Mahavokatra SCAMA vers 8h30, suit la RN6 le menant en ville, poursuit son chemin en suivant la rue de l’Ankarana, fréquente les quartiers en s’introduisant dans les nombreuses rues et ruelles demandant et criant si l’on n’a pas besoin de balai.
Dès que quelqu’un s’intéresse aux balais, Jean Claude s’empresse de les faire descendre de son épaule pour que le client puisse apprécier la rigueur de la brosse et la fiabilité du manche. Il nous confie qu’il y a des gens qui ont pris l’habitude de n’utiliser que des balais « vita gasy », mais il soutient que le marché est à reconquérir car la concurrence avec les balais en plastique est rude même si ceux-ci coûtent plus chers. Il lui arrive que , durant toute une journée de marche, il ne parvienne à vendre qu’un seul balai «beaucoup de gens achètent les balais en bois parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour celui en plastique » indique-t-il. Une femme de ménage nous dit par ailleurs qu’elle ne se contente pas du côté pratique du balai, mais aussi de l’esthétique et de la durée. « C’est le manche en bois qui m’intéresse sur le balai fabriqué à Diego, il est solide. Il arrive souvent que le manche en plastique casse. Seulement, le balai trapèze en bois est moins joli à voir que celui en plastique et il faut le remplacer d’ici deux mois parce que d’ici là la brosse en sisal s‘entassera, les fibres sont épaisses, mais fragile. Ce qui est un inconvénient vu la poussière à Diego » explique-t-elle. Jean Claude est attentif aux critiques qu’il considère indispensables pour améliorer la qualité de ses produits. Il n’est d’ailleurs pas le seul à pratiquer cette activité dans la ville d’Antsiranana, il y en a d’autres, mais chacun travaille individuellement. Jean Claude affirme que jusqu’à maintenant et malgré les difficultés qu’il rencontre dans son commerce, ils parvient à vivre de son métier.
Masindraoke : quand il faut allier voyage et commerce
Masindrioke vend des articles de décoration, des petits mortiers, des pots et boîtes à épices fabriqués à partir du bois appelé vory
Ejeda, Toliara, Mahajanga, Nosy Be, Antsiranana : tel est le trajet effectué par Masindraoke en trois mois pour la vente de produits artisanaux typiquement de la région sud ouest dont il est originaire. Il alterne la marche à travers la ville aux séjours dans de modestes « hôtels gasy » comme il les appelle. Lui et son compagnon de route ont quitté Diego Suarez mi-février et compte y revenir pour s’installer à plus long terme.
Masindraoke, la quarantaine, originaire de Toliara est arrivé à Antsiranana au début du mois de février. Il a quitté sa commune, Ejeda district d’Ampanihy, région Atsimo Andrefana (sud ouest) il y a trois mois pour vendre des articles artisanaux dans d’autres régions de Madagascar. Il faut dire que Masindraoke n’a pas peur de l’inconnu puisque durant ces trois mois il a relié quatre villes, dont trois lui étaient encore inconnues.
Avec 1 000 articles fabriqués dans son village, et après avoir vendu deux zébus pour son frais de voyage et celui d’un compagnon de route, ils quittent Ejeda au début du mois de décembre… destination la ville de Toliara où ils séjournent quelques semaines. Les produits qu’ils vendent sont constitués d’articles de décoration, des petits mortiers, des pots et boîtes à épices fabriqués à partir du bois appelé vory, nom scientifique : Chlorophora graceana. Masindraoke et son ami reprennent la route début janvier et se rendent à Mahajanga, là ils y vendent bon nombre de leurs articles. Après trois semaines dans cette ville, ils vont à Nosy Be, la vente n’y était pas bonne surtout auprès des Malgaches si cela a été le cas à Mahajanga Les touristes n’étant pas très nombreux au moment où ils ont fait leur séjour dans l’île aux parfums, Masindraoke et son collègue n’ont pas été satisfaits de cette petite mission commerciale dans le nord ouest. Toutefois, ils ont été ravis de constater que les liens entre les natifs de leur région d’origine y sont très soudées. « Je sais qu’à Diego, il y a beaucoup d’Antandroy (groupe social du sud ouest de Madagascar), ils sont sûrement éparpillés dans la ville car je n’en rencontre pas beaucoup » nous dit Masindraoke pour qui le contact et la rencontre avec les gens de sa région natale est très important.
C’est au début du mois de février que lui et son compagnon de route sont arrivés à Antsiranana. C’est dans leur quête d’acheteurs potentiels que nous les avons rencontré avec deux sacs contenant les articles. Selon Masindraoke, il ne resterait plus qu’une soixantaine de produits des 1 000 qu’ils ont emporté au départ. « La police nous a confisqué certains de nos produits » raconte Masindraoke en riant, avec tout de même un peu d’inquiétude dans la voix. « C’est parce que nous ne sommes pas autorisés à circuler en ville pour les vendre, nous n’avons pas de boutique ou un emplacement pour notre commerce » poursuit-il. Les deux amis expliquent qu’ils entendent revenir à Antsiranana pour le commerce de produits artisanaux fait avec ce bois, le vory, du sud ouest de Madagascar. Pour eux, ces passages à travers quelques villes leur permettent d’apprécier le marché et la place qu’ils y occuperont. Leurs articles sont d’une très bonne qualité et pourtant leur prix varie de 3 000 à 5 000 Ariary.
■ V.M