Une nouvelle étude menée par des chercheurs américains révèle la vraie valeur des mangroves de Madagascar et rappelle le danger que constitue leur destruction rapide par les charbonniers.
Cette recherche a fourni la toute première estimation de la quantité de carbone stockée dans les forêts de mangrove à Madagascar. L’étude, financée par le Western Indian Ocean Marine Science Association ainsi que la John D. and Catherine T. MacArthur Foundation, portait sur l’évaluation des stocks de carbone aériens (végétation) et sous-terrains (racines et sols) ainsi que la quantification des changements de couverture des mangroves de la Baie d’Ambaro et d’Ambanja, Nord Ouest de Madagascar. Elle confirme les résultats d’un nombre grandissant de travaux de recherche qui classent les mangroves parmi les forets les plus riches en carbone sur terre.
Les écosystèmes de mangrove contiennent ainsi jusqu’à 12 fois plus de carbone que les forets primaires en Amazonie (Amérique Centrale), réputées pour être parmi les plus riches en carbone. La conservation de ces forêts apparait donc primordiale dans la lutte contre le changement climatique.
Les mangroves, ces écosystèmes littorales uniques capables de survivre dans des conditions de forte salinité, sont présentes dans plus de 120 pays à travers les tropiques. Elles fournissent nombres de ressources essentielles pour les populations côtières, depuis l’approvisionnement en produits de pêche, en bois de construction et pour la cuisine, jusqu’à la protection du littoral et le maintien d’une riche biodiversité marine et terrestre. Malgré leur valeur considérable, plus de la moitié des mangroves mondiales ont disparu depuis 1960, suivant un rythme estimé entre 1 et 2% de déforestation par an.
Les résultats de cette étude menée par les scientifiques de l’ONG Blue Ventures et du Département Forestier de l’Université d’Antananarivo (ESSA-Forêts), montrent également que la Baie d’Ambaro et d’Ambanja constitue un « point chaud » de déforestation : entre 1990 et 2010 la surface de mangrove y a régressé de plus de 20%. Dans un pays ou 92% de la population vit avec moins de deux dollar par jour, la pauvreté a conduit les populations de cette région à exploiter les mangroves pour la production de charbon. Cette exploitation illégale constitue le premier facteur de déforestation de mangrove et menace directement le mode de vie des communautés côtières ainsi que la biodiversité unique qu’abrite cet écosystème.
D’après le Dr Harifidy Rakoto Ratsimba, chercheur à l’Université d’Antananarivo et co-auteur de l’étude, « Notre recherche socio-économique montre que la principale cause de la disparition des mangrove dans le Nord Ouest malgache est la production de charbon par les communautés locales ». Cette recherche n’est pas que « de la science pour la science » mais a permis de mettre en évidence le lien entre les mangroves et les modes de vie des populations riveraines. Elle permettra la mise en place d’initiatives de conservation visant non seulement sur la protection des forêts mais aussi l’amélioration des conditions de vie des communautés.
Sur l’ensemble du carbone atmosphérique capté sur terre, 55% est séquestré par les écosystèmes marins dit à « carbone bleu » comme les mangroves, les herbiers d’algues et les marais salants. Les sols profonds et boueux des écosystèmes de mangrove, riches en matière organique, contiennent la majorité du carbone stocké dans ces forêts.
L’étude révèle une concentration en carbone organique très importante dans les mangroves et les sols qu’elles maintiennent en place. Dans la Baie d’Ambaro et d’Ambanja, les forêts de haute stature à canopée fermée contienne en moyenne 147 Mg/ha de carbone dans leur végétation et 446 Mg/ha dans leurs sols. La perturbation des couches superficielles du sol peut conduire à des émissions considérables de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, responsable du changement climatique. Bien que les mangroves ne représentent que 3% de la couverture forestière mondiale, la perte de ces habitats produits jusqu’à 19% des émissions globales liées à la déforestation. Leur destruction équivaut de plus à une perte économique estimée entre 6 e 42 milliards de dollars chaque année, en particulier dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture.
Les résultats de cette étude renforcent l’initiative Blue Forests de l’ONG Blue Venture qui vise le développement de mécanismes permettant de valoriser les services éco systémiques de la mangrove – en particulier le carbone et la pêche - afin de financer leur conservation tout en contribuant à l’amélioration des conditions de vie des communautés côtières. Sur le littoral malgache, protéger et restaurer les mangroves est vital pour assurer un développement économique harmonieux, augmenter la capacité des populations à s’adapter au changement climatique et conserver la biodiversité.
Comparaison entre les stocks de carbone aériens et souterrains des mangroves de la Baie d’Ambaro et d’Ambanja avec d’autres types de forêts.
Informations sur les auteurs :
Blue Ventures transforme les relations entre les communautés côtières et leur environnement en s’appuyant sur une gestion locale durable des pêcheries ; en menant une recherche pionnière sur le « carbone bleu » ; en développant des entreprises villageoises d’aquaculture ; ainsi qu’à travers la création d’une des plus grandes aire marine gérée localement dans l’Océan Indien.
L’ESSA-Forêts est un des cinq départements rattachés à l’Ecole de Sciences Agircoles de l’Université d’Antananarivo.
L’ESSA-Forêts conduit des programmes de recherche sur la gestion durables des ressources naturelles (eau et forêts).
Pour plus d’informations concernant le programme Blue Forests dans la Baie d’Ambaro et d’Ambanja, contacter Aude Carro : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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