Richard était encore tout petit à l’époque où son oncle l’embarquait en bateau pour aller à la pêche. Un jour ils ont amené un « vazaha » à bord avec eux. L’étranger, émerveillé par la couleur de la mer, demande alors au jeune Richard de visiter l’île « là où la couleur de la mer est émeraude ».
C’est ainsi qu’ils ont pris conscience de l’existence de cette île, l’îlot Suarez, avec ses beautés de la nature. C’était en 1984, ils amenaient un client pour la première fois. Depuis ce jour, il en a fait son métier et embarque régulièrement des touristes pour visiter les îles de la mer d’Emeraude. C’était le bon temps qu’il regrette un peu. A cette époque la vie ne coûtait pas aussi cher qu’aujourd’hui. Et les clients arrivaient tous les jours. Il y avait les marins des bateaux de guerre, des paquebots qui venaient presque chaque semaine.
Entre 1984 et l’an 2000, Richard louait encore le bateau qu’il utilisait pour ses excursions. Richard gagnait au moins 60 000 Ar par jour alors qu’il n’avait que 13 ans. Il était le patron et le plus jeune de son équipe de matelots qui l’aidaient à naviguer. Il y avait Fréderic, Papa Gigisy, Claude et Maurice. Les touristes appréciaient beaucoup aller se détendre sur cette l’île paisible, propre et loin du vacarme et des fumées de la ville.
Pour la nourriture, ils préparaient du poisson grillé pêché sur place, du pain, et ils utilisaient les feuilles d’un arbre comme assiettes. Ils amenaient seulement des boissons fraîches du village.
Son objectif a toujours été de protéger l’île : d’y éviter notamment la construction de restaurants qui en lui faisant perdre son caractère sauvage et préservé pourrait en dégoutter les touristes. Il incite également les gens à ne pas répandre de détritus dans l’île tels que boîtes de conserves ou objets en plastiques.
En 2001, il a eu son propre bateau, qui lui a été offert par un ami Français accompagné d’un moteur. Il est ainsi devenu patron, et il reste à terre pour chercher des clients pendant que ses matelots amènent les clients sur l’île.
Cette même année, il a amélioré le menu servit aux clients : riz au coco, crabe sauce, brochettes de zébus et des patates frites en plus du traditionnel poisson grillé.
A partir de 2005, il a commencé à avoir de la concurrence : les gens qui s’intéressent à ce métier deviennent en effet de plus en plus nombreux.
Malgré cette concurrence, Richard conserve toujours la première place dans ce métier. Parce qu’il a été le premier à le pratiquer, et en raison de l’expérience qu’il a acquit au fil des ans. Il n’hésite plus à venir jusqu’à Diégo pour trouver des clients dans la rue, au restaurant. Le bouche à oreille fonctionne bien aussi :
les clients qui sont satisfaits de son service donnent son adresse à leurs amis. Et ils deviennent ses clients. Ses clients sont de toutes origines : des africains, des allemands, des italiens, des français, et surtout des réunionnais, les plus nombreux, qui viennent souvent en groupe.
Autres changements : désormais les clients sont tous équipés d’un gilet de sauvetage. Le repas, s’il a perdu en couleur locale, a gagné en confort : les feuilles ont été remplacées par des assiettes en porcelaine.
Mais si Jean Richard ne craint pas trop la concurrence, il déplore la dégradation des conditions économiques, avec la hausse des prix du carburant, la baisse de la fréquentation touristique, et surtout la mise en place d’une taxe sur tous les passagers transportés au profit du comité de gestion du site mis en place par l’Office Régional du Tourisme. 5 000 Ar, portés en 2014 à 10 000 Ar par client, sont en effet perçus à l’arrivée sur l’île au profit de ce comité de gestion dont il a un peu de mal à saisir la finalité et encore plus les réalisations.
Une activité au gré des saisons
Au mois de novembre jusqu’au mois de janvier la balade en bateau est très favorable, le temps est généralement très beau et la mer paisible. C’est la saison où il emploie le plus souvent le moteur. Il faut 40 à 45 mn de navigation pour arriver à l’île. C’est le moment de proposer le « grand tour » au client pour voir les dauphins. Le bruit de moteur les attire. Ils se montrent, ils jouent et suivent le bateau jusqu’aux hauts-fonds de la fausse passe. A cette époque de l’année, les clients peuvent rester 2 ou 3 jours en bivouac sur l’île, en portant les provisions nécessaires.
Du mois d’avril jusqu’au mois de septembre, Jean Richard utilise surtout la voile : c’est la saison du Varatraza, qui souffle fort. Dans ces conditions de vent, il ne faut plus que 30 à 35 mn de navigation pour rejoindre l’île.
Le mois de février est le mois de relâche : c’est la saison des cyclones, pour la sécurité de tous il est préférable de ne pas prendre la mer.
Le bateau doit être révisé tous les trois mois : peinture, calfatage, entretient du petit matériel. Le moteur doit passer une visite tous les 5 mois.
Un des principaux soucis mécaniques rencontrés provient des bougies qui s’encrassent rapidement en raison de la qualité aléatoire du carburant. Il faut les changer régulièrement.
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