Du 7h du matin au 19h du soir, dans la chaleur, le vent ou sous la pluie, Jeannot -dit Dadah-, 41 ans, armé de ses dix téléphones et de son cahier, attends ses clients. Il est vendeur de crédits téléphoniques dans la rue Suffren près du bazary dans le quartier Bazarikely depuis maintenant 6 ans
C’est un peu par hasard que Dadah a commencé à vendre des recharges téléphoniques en 2009. Il fréquentait une amie qui pratiquait cette activité et lui demandait de temps à autres de la remplacer. C’est tout naturellement que quand cette amie a quitté définitivement la ville il a pris sa relève. Beaucoup de gens de son entourage se sont alors demandé comment un père de famille comme lui allait pouvoir se satisfaire de ce travail « qui n’en est pas vraiment un ». Pourtant, il nous confie qu’il fait un assez bon chiffre d’affaires, même avec le petit pourcentage concédé par les opérateurs téléphoniques : il ne touche en effet que 4% de commission sur les recharges vendues ou l’argent transféré. S’il vend 200 000 Ariary de recharges ou de transfert d’argent dans une journée, que ce soit avec Orange, Telma ou Airtel, son bénéfice sera de 8 000 Ariary net. Si la vente de recharges reste assez limitée, les transferts d’argent offrent de bien meilleures perspectives : il lui arrive de faire certains jours jusqu’à 2 millions d’Ariary de transfert que ce soit en dépôts ou en retraits. Son soucis constant est d’augmenter son chiffre d’affaires. Sa devise pour y arriver est : « investir, faire confiance, risquer ». Il cultive sa clientèle en acceptant de prendre des risques avec les personnes à qui il fait confiance. Ses clients ne sont pas seulement les gens qui viennent le voir à son emplacement au Bazarikely, ils peuvent aussi être chez eux à la maison, au travail ou même en voyage, et l’appeler quand ils ont besoin de recharges téléphoniques ou d’effectuer un transfert d’argent avec le mobile banking. Certains, qui ont des enfants qui étudient dans les autres provinces et ont besoin de leur envoyer de l’argent en urgence mais qui n’ont pas les liquidités disponibles n’hésitent pas à s’adresser à lui. Dadah prend alors le risque d’effectuer le transfert pour aider ces gens en échange d’une commission plus importante. Ce qui n’est pas toujours facile pour lui, et il arrive des moments où il se retrouve lui-même en difficulté pour compléter le versement qu’il doit faire à ses fournisseurs en raison des gens à qui il a fait crédit et qui ne sont pas venus le payer avant l’heure de fermeture de son stand. Mais c’est un risque qu’il assume : « Avec ce petit métier, il faut trouver tous les moyens pour faire plus de ventes, pour avoir plus de bénéfices et de commissions » explique-t-il. Et peu à peu ces incidents l’ont poussé à s’organiser : dorénavant, pour faire face à ce type d’imprévus, il prend toujours avec lui cent mille ariary au cas où quelqu’un ne serait pas au rendez-vous pour le paiement.
Bien qu’il se déclare satisfait de sa petite affaire, Dadah reconnaît qu’en ce moment il commence à se poser des questions quant à son avenir. Ce travail, même si il s’en déclare satisfait, n’offre aucune garantie d’avenir : pas de couverture sociale, pas de retraite... Et il sait déjà qu’il lui faudra un jour songer à une reconversion. « Je sais que je devrais déjà penser à changer d’activité, vu que le monde bouge. A l’étranger, les opérateurs téléphoniques ont évolué et les vendeurs de recharges n’existent même plus » explique t-il. Pour le moment il en profite pour épargner au maximum en prévision des jours difficiles. Dadah a déjà eu le prix du meilleur vendeur des recharges et de transfert d’argent décerné par Orange Madagascar. Tout cela est selon lui le fruit de la qualité du service qu’il offre à ses clients : « Je ne vous cache pas que parfois il y a des moments de grandes disputes avec certaines personnes qui me demandent de leur rendre service en faisant l’avance d’un transfert d’argent et qui mettent ensuite beaucoup de temps pour me payer. Mais ils ne sont pas rancuniers avec moi car ils sont conscients que ce n’est pas n’importe qui leur offre leur aide comme je le fait dans ce cas là » ajoute t- il. Il reste fidèle à ce principe que pour gagner et conserver des clients il ne faut jamais oublier que « les clients sont toujours rois », et il croit fermement qu’en leur offrant un service de qualité, c’est vers lui qu’ils reviendront.
■ Maeva