Reribaky Christophe (41 ans), porteur d’eau à temps plein, il lui arrive aussi d’être tireur de pousse-pousse ou videur d’ordures ménagères
« Ny fitadiavana mahazaka maniraka », soit : « le besoin vous dicte la route à suivre ». Un proverbe Malagasy qui justifie parfaitement la présence de Reribaky Christophe (41 ans) à Antsiranana. Porteur d’eau à temps plein, il lui arrive aussi d’être tireur de pousse-pousse ou videur d’ordures ménagères
Reribaky Christophe considère qu’il n’y a pas de honte à gagner sa vie honnêtement, et a foi dans le dicton « Ny erikerika mahatonrdra-drano » (les fines goûtes de pluies finissent par apporter la crue). Reribaky Christophe vient de Beraketa, dans le sud profond, et la grande sécheresse de la région ainsi qu’une attaque et la menace permanente des « malaso », les fameux bandits du sud qui lui ont fait perdre une centaine de bovidés ont fini par le faire se tourner vers l’extrême nord du pays, à la recherche d’un avenir meilleur. Rencontre
LTdS : Comment êtes-vous arrivé à Antsiranana, et pour quelle raison ?
Reribaky : J’ai entendu dire par des amis que la vie dans le nord du pays est tranquille et sans menace, et qu’il est plus aisé de trouver du travail. En février 2011, notre village, à quelques kilomètres de Beraketa a subi une attaque des « Dahalo ». La communauté a perdu quelques six cents bovidés, et une centaine des miens en faisait partie. J’aspirais à devenir « Patrôn’aomby », grand éleveur de bovidés. Ce fut tragique pour notre village, nous avons perdu des hommes dans la confrontation et mon père en faisait partie. La sécheresse ne nous rendait déjà pas la vie facile, ensuite, il y a eut ceci. Alors, avec mon frère, j’ai décidé de partir trouver fortune ailleurs. J’ai laissé ma femme et mes quatre enfants, et cela fait maintenant trois ans que je ne les ai pas vu. Nous avons pris juste assez d’argent pour arriver jusqu’ici et de quoi vivre pendant quelques semaines, le temps de s’installer, dans l’espoir que le travail sera plus aisé à trouver…
LTdS : Et ensuite ?
Reribaky : Ensuite, ça a été le choc. D’abord, notre contact sur Diego ignorait notre appel téléphonique annonçant notre arrivée dans la ville. C’était un confrère de travail, un revendeur de zébus et propriétaire d’un magasin grossiste de produits de première nécessité dans notre village. Nous nous sommes finalement retournés vers une association de personnes venant de la même région que nous. Il nous était aussi difficile de nous faire comprendre car notre dialecte est assez différent de l’Antakarana. Cette association nous a orienté vers des jeunes gens de notre âge qui louaient une maison du côté du Tsena. Les arrangements faits, nous avons été acceptés dans leur communauté, sur une base de partage équitable de loyer et la participation aux frais de nourriture.
LTdS : Comment êtes-vous devenu porteur d’eau ?
Reribaky : Par nécessité. Le peu d’argent qui nous restait à mon frère et moi était sur le point de s’épuiser, et aucun de nous n’ayant trouvé du travail, (et ce n’était pas faute de chercher), nous n’avions plus que ce choix. Un ami qui a trouvé un travail plus stable au port en tant que docker nous a présentés à ses clients, et nous avons commencé. C’était dur au début parce qu’entre spéculer sur les prix de zébus et porter deux bidons de 20 litres à longueur de journée sur les routes et sentiers pentus de Lazaret (c’est mon secteur de travail) il y a une grosse différence. Nous achetons l’eau à bas prix aux pompes et lavoirs publics, en faisant la queue depuis très tôt le matin et en espérant que la Jirama ne coupe pas l’alimentation, et nous les revendons à 500 Ariary le voyage. J’approvisionne régulièrement une vingtaine de ménages et parfois, il y a de la clientèle occasionnelle qui s’y rajoute. D’habitude, je travaille jusqu’à 10h30 du matin, pour reprendre le portage d’eau vers 15h30. C’est régit par l’ouverture des pompes et la force de pression de la Jirama. Entre temps, je vide les ordures ménagères des foyers qui me le demandent, pour les emmener aux bacs à ordures les plus proches.
LTdS : Vous êtes aussi tireur de pousse-pousse…
Reribaky : Oui, il m’arrive de remplacer des amis pour effectuer des livraisons de marchandises en tout genre et à toute destination : des porcs vivants jusqu’aux enfants pour aller à l’école, en passant par des légumes et des meubles ou encore des instruments de musiques, des matériaux de constructions ou des carcasses de voitures, etc.. Surtout là où les taxis et les Bajaj ne veulent pas aller. Les ménages à revenus moyens qui déménagent sollicitent aussi nos services. Le tarif dépend de la quantité de marchandise et de la distance à parcourir.
LTdS : Et maintenant où en est votre situation ?
Reribaky : Je suis dans l’attente de jours meilleurs. J’ai trouvé des amis d’infortune qui ont grand cœur, mais le plus dur a été quand mon frère a succombé il y a quelques mois, en février, suite à
■ Luis K