Mademoiselle Be Catherine est une maitresse d’école qui a le rôle dans le développement personnel des tout-petits
Mademoiselle Be Catherine est éducatrice spécialisée en puériculture, une de ces « maitresses d’école » dont le rôle est si fondamental dans le développement personnel des tout-petits, bien que trop souvent ignoré
Autodidacte, Mademoiselle Be Catherine nous décrit son activité professionnelle qui, plus qu’un métier, est un véritable engagement et une passion, mais dont elle souhaiterait que l’importance soit mieux reconnue et qu’elle bénéficie d’une vraie formation à la hauteur de ces enjeux.
LTdS : Que représente pour vous votre métier ?
Be Catherine : Cela représente tout simplement ma vie. J’ai consacré plus de la moitié de ma vie aux soins des toutpetits. Issue d’une famille nombreuse, et étant moi-même l’ainée, j’ai été très tôt impliquée dans la puériculture en aidant ma mère à prendre soin de ma ribambelle de frères et sœurs (nous sommes onze enfants issus des mêmes parents). Nous n’avons jamais manqué d’amour, même s’il nous arrivait de manquer de bien d’autres choses. C’est cet amour partagé qui m’a conduit vers un travail qui en avait grand besoin.
LTdS : Avez-vous vous-même des enfants ?
Be Catherine : Hélas, non, je n’ai pas eu cette chance. Mon fiancé de l’époque ayant perdu la vie dans un naufrage, je n’ai jamais pu m’astreindre à passer ma vie avec quelqu’un d’autre que lui. Du coup, je suis restée célibataire, mais cela n’a nullement affecté ma passion pour les enfants.
LTdS : Comment avez-vous atterri dans ce milieu professionnel ?
Be Catherine : Par un concours de circonstances. La dame qui occupait le poste que j’occupe actuellement était partie rejoindre son mari. Elle m’a proposé de la remplacer le temps que la direction trouve une nouvelle titulaire. Je venais d’avoir mon bacc et de terminer mon service national, j’avais du temps, de la curiosité et une passion naturelle des contacts avec les tout-petits… Satisfaits de mes états de services, la directrice de l’établissement a fini par me proposer de garder le poste. A l’époque (et je crois que c’est toujours d’actualité), les postes de titulaires vacants dans un centre qui marche bien étaient chose rare. Je n’avais rien à perdre et tout à gagner. J’ai tout naturellement accepté.
LTdS : Comment cela s’est déroulé au fil des années ?
Be Catherine : Passionnant, enrichissant, vivifiant mais difficile. C’est un métier qui nécessite beaucoup de patience, d’observation et d’adaptation face aux situations les plus variées, parce qu’être maîtresse d’école à Madagascar c’est à la fois jouer le rôle de l’infirmière de fortune, la nourrice occasionnelle, la mère par substitution, le père noël avant la saison, la confidente des parents désemparés, la souffre-douleur de parents frustrés…
LTdS : Est-ce que c’est un métier qui fait vivre son homme ?
Be Catherine : Ça dépend des exigences en matière de confort de chacun. En tout cas, j’ai toujours vécu de ce métier, et je reconnais que je n’ai pas trop à me plaindre par rapport à l’idéal de vie que je me suis fixé : quelques vacances chaque année, du repos à l’occasion, vivre certes sans épargnes, mais surtout, vivre sans dettes, et faire un travail que j’aime.
LTdS : Qu’est ce que vous aimeriez voir évoluer dans votre milieu professionnel?
Be Catherine : Je pense que le changement est le devoir de tout un chacun et que nous devrions être le miracle que nous souhaitons voir se produire. Mais plus concrètement, je souhaiterais vraiment que l’Etat ou le secteur privé offrent une formation solide en puériculture et éducation infantile spécialisée, parce que jusqu’à présent, à moins que je ne sois mal renseignée, il n’y a aucune école, institution ou université qui dispense à temps plein ce genre de formation. Actuellement, la personne travaillant dans ce milieu est une personne arrivée là un peu par hasard après avoir étudié dans d’autre domaines, et qui a montré suffisamment de compétences pour commencer le travail de « maitresse d’école », et assez de patience pour y rester. C’est ce manque de formation qui fait défaut dans cette profession, mais c’est la passion de ceux qui en exercent la charge qui la rend noble. L’éducation des tout-petits c’est la base essentielle pour en faire des enfants épanouis, des adolescents cultivés et des adultes matures et responsables. Si la base est fragile, ce sera comme la statue du géant aux pieds d’argile. Imposant mais pas édifiant.
LTdS : Comment voyez-vous le rôle des parents par rapport à celui des puériculteurs ?
Be Catherine : Ce sont deux notions complémentaires : les parents en quelque sorte ne seront jamais remplacés par les « maîtresses d’école », néanmoins ces dernières sont un maillon essentiel et indispensable à tout le futur émotionnel et intellectuel d’un enfant. En effet, elles sont quand même avec les enfants qu’elles éduquent pendant plusieurs heures par jour, et ce, pendant quelques années. Alors, je vous laisse deviner ce que cela implique si cette relation n’est pas de bonne qualité…
LTdS : Pensez-vous que « Maîtresse d’école » soit un métier d’avenir ?
Be Catherine : Il n’y a pas de sots métiers, et comme je l’ai dit, c’est la base. Avec une bonne base, toute construction a plus de chance de demeurer solide. L’éducation est une affaire sérieuse, nécessitant des personnes intègres et passionnées. Mais il est sur qu’une bonne formation en amont améliorerait nettement la qualité du service de ce corps de métier. Je pense que c’est un métier qui n’est pas reconnu à sa juste valeur et que c’est l’affaire de tous de faire en sorte que nos enfants bénéficient des meilleurs éducateurs possibles, qu’ils ne soient pas que de simples nounous qui les empêcheraient de ne pas s’étrangler avec leur propre jouets et de ne pas se battre entre eux. Je pense que tant que des parents feront des enfants, ce travail sera d’une importance primordiale. Mon souhait est de voir cette profession dépasser le stade de l’auto-formation que nous traversons pour évoluer vers un vrai plan de carrière avec des résultats quantifiables. C’est une valeur sûre qui ne demande qu’à être développée.
■ Luis.K