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Les recherches de Ramaroson Mamiharijaona, professeur en matériaux à l’école supérieure polytechnique d’Antsiranana et de ses étudiants ont abouti à la transformation du plastique en matériaux de construction
Les recherches de Ramaroson Mamiharijaona, professeur en matériaux à l’école supérieure polytechnique d’Antsiranana et de ses étudiants ont abouti à la transformation du plastique en matériaux de construction

Selon les estimations de l’AGETIPA, Agence d'Exécution des Travaux d'Intérêt Public et d'Aménagement, la ville d’Antsiranana produirait actuellement près de 32 000 tonnes de déchets par an. Dans dix ans, cette quantité doublera et il est difficile d’imaginer la décharge municipale sur la route d’Anamakia avec autant de déchets

Les sacs en plastique mettent plus de 400 ans à se dégrader, pourtant brûler le plastique nuit à la santé et à l’environnement puisqu’il produit des polluants organiques persistants (dioxines et furanes). Les sacs plastiques polluent, ils sont parmi les causes de mortalité des animaux d’élevage (par indigestion), et rendent infertile le sol. De plus, la propagation de ces déchets par le vent et l’eau diffusent les maladies.

La gestion des déchets en plastique est de plus en plus difficile à maîtriser surtout dans une ville telle que Diego Suarez où les ordures ménagères ne font l’objet ni de triage ni de transformation. L’interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation et utilisation de sacs en plastique est donc, selon l’État, le meilleur moyen de débarrasser la ville et le pays de ces dangereux déchets. Encore faut-il trouver la méthode efficace pour harmoniser les besoins des usagers en emballage et les solutions de rechange puisque les sacs en plastique sont entrés dans les habitudes des consommateurs depuis des années.

Élimination des sacs en plastique

L’élimination des sacs en plastique se mondialise, mais la manière par laquelle se réalise cette élimination varie d’un pays à un autre. Pour le cas de Madagascar, les critiques fusent, « une mesure prise, une fois de plus, sur un coup de tête de l’exécutif » puisque les réflexions sur les solutions de rechange ne viennent qu’après l’interdiction. Les organisations spécialisées dans la protection de l’environnement comme l’ONG Santatra regrettent que l’État n’ait pas pris en considération leurs avis. Le Pr Rakotobe, président de cette ONG « En 2000, AIDEN une plateforme regroupant les associations et ONG œuvrant dans le domaine de l’environnement a déjà attiré l’attention sur le danger de ces sacs plastiques et un projet de collecte des sacs était mis en route, mais ça n’a pas attiré l’attention des dirigeants. Maintenant, la directive vient des bailleurs de fonds et tout le monde s’y plie n’importe comment » .

 Les gens disent que nettoyer c’est le travail de la Commune donc ils jettent leurs ordures n’importe où. Il n’y a aucun respect. Pendant que nous nettoyons, il y a des gens qui jettent les ordures juste devant nous  Christin,Employé de la CUDS depuis 22 ans

Le décret 2014-1587 du ministère de l’environnement, de l’écologie, des forêts et de la mer portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation et de l’utilisation des sachets et des sacs plastiques, comporte neuf articles dont trois sur les sanctions à appliquer en cas de violation du texte. Aux marchés, consommateurs et commerçants ne savent pas sur quel pied danser. Les sensibilisations manquent et la rumeur se propage. La distribution de moustiquaires gratuites dans les quartiers se transforme en un débat général puisqu’il y a des gens qui affirment que l’emballage en sachet doit être enlevé, d’autres soutiennent que l’emballage n’est pas touché par le décret. Discussion aussi autour de l’épaisseur d’inférieure ou égale à 50 microns. « Comment savoir à combien de microns est tel ou tel sac ? » martèle-t-on. Chacun a son interprétation, mais au final, ne faut-il pas comprendre que l’interdiction concerne les sacs plastiques fins utilisés au quotidien ? La précipitation, le manque de concertation, l’absence de mesures d’accompagnement ont fait qu’il est difficile pour la population d’exécuter à la lettre les dispositions du décret. Le Pr Rakotobe parle de mesures imposées, sans étapes. «Bien préparé, la décision aurait permis à la population et les utilisateurs de sacs plastiques d’accepter l’interdiction et de s’adapter suivant les solutions de rechange.» Il dénonce le manque de sensibilisation dont la conséquence n’est que la brusque destruction de plusieurs activités économiques génératrices de revenu. «  Il aurait fallu que l’État trouve d’abord une solution abordable à la population et l’orienter petit à petit » avance-t-il. Pour l’association Santatra, le recours aux sacs biodégradables à 500 ou 1 000 Ariary la pièce n’est pas la solution. D’ailleurs, aucun produit ne peut être considéré comme biodégradable que lorsqu’il a obtenu un certificat prouvant sa conformité selon le ministère du commerce et de la consommation.


La gestion des déchets en plastique dans les autres pays

Madagascar est parmi les pays africains à avoir adopté un texte à contenu très strict sur la production, la commercialisation et l’utilisation de sacs en plastique. Le Togo et le Cameroun ont penché pour le recyclage. Au Mali, le texte est strict, mais il a été adopté par l’Assemblée Nationale et non par décret ministériel. Une ou des solutions de rechange s’imposent et dans ce pays, elle consiste en une reconversion des sociétés productrices de sacs pour du biodégradable. Au Sénégal, la solution est de pousser les usagers à acheter du sac plus épais et résistant, obligatoirement réutilisable. La fin de la gratuité promeut ainsi le recyclage. En Europe, la résolution du parlement européen datant du 14 janvier 2014 vise à réduire peu à peu le niveau de consommation de sacs plastiques. D’ici 2019, cette consommation annuelle ne devrait pas dépasser les 90 sacs en plastique légers par personne et d’ici le 31 décembre 2025, elle ne doit pas dépasser les 40 sacs. Ceux dont l’épaisseur est inférieure à 15 microns ne sont pas touchés par cette mesure. Le parlement européen a par ailleurs recommandé à ce que soient définies des spécifications d’étiquetage ou de marquage des sacs en plastique biodégradables et compostables avant le 27 mai 2017.

Gestion des déchets : la Commune Urbaine d’Antsiranana submergée
Dans les quartiers du sud et de l’ouest de la ville d’Antsiranana, les déchets en plastique sont partout
Dans les quartiers du sud et de l’ouest de la ville d’Antsiranana, les déchets en plastique sont partout

Dans les quartiers du sud et de l’ouest de la ville d’Antsiranana, les déchets en plastique sont partout. Ils s’encastrent dans le sol, donnant l’illusion d’être parmi les matériaux utilisés pour la construction des routes. Les habitants d’Ambalavola et de la partie nord d’Ambohimitsinjo ont à gérer des déchets qu’ils n’ont pas produits puisque le vent amène les sacs en plastique jusque dans leurs cours. Personne ne nettoie les terrains nus et la végétation est recouverte de plastiques. Ni les balayeurs de la Commune ni les camions qui enlèvent les ordures ne se rendent dans les zones périphériques de la ville. La raison d’après Aly Said Eric Mohadjy, directeur de la propreté et embellissement au sein de la Commune Urbaine d’Antsiranana, est le manque d’effectif du personnel affecté à ce service et le problème de matériels. En 2008, la Commune comptait 90 balayeurs. Maintenant que bon nombre d’entre eux sont partis à la retraite ou sont décédés, la ville ne compte que 41 balayeurs. En principe, leur tâche consiste à balayer les rues de 9h à 14h, mais puisque les ordures s’entassent aux dépotoirs de quartier, ils doivent aussi s’assurer qu’elles ne s’étendent pas et qu’elles n’occupent plus d’espace. Les balayeurs s’assurent donc que les ordures soient plus facilement récupérables par les camions. Un camion benne de la Commune est en panne depuis trois mois, le deuxième a des problèmes de moteur et est actuellement au garage. Un seul camion travaille donc pour enlever les ordures.
Christin qui a passé 22 ans de sa vie à nettoyer les rues de Diego Suarez constate que les gens sont de plus en plus inconscients dès qu’il s’agit de propreté. « Les gens disent que nettoyer c’est le travail de la Commune donc ils jettent leurs ordures n’importe où. Il n’y a aucun respect. Pendant que nous nettoyons, il y a des gens qui jettent les ordures juste devant nous » déplore-t-il. L’ancien adjoint au maire, chargé des infrastructures, de l’urbanisme et de la gestion de projets, Randrianilaza Marcellin soutient que sans éducation ferme des gens, la propreté de la ville représentera toujours un problème de taille. Aly Said Eric Mohadjy affirme que la mentalité joue un rôle important dans la difficile gestion des ordures «les gens ne respectent même pas les horaires pour les dépôts d’ordures d’entre 17h et 5h. »

Actuellement : la gestion dans l’urgence
Les bennes utilisées par la CUDS, très fortement usagées, nécessitent un important travail de remise en conditions
Les bennes utilisées par la CUDS, très fortement usagées, nécessitent un important travail de remise en conditions

A la caserne des pompiers à Soafeno, Hanitra Erasto répare un bac à ordures. Il fait de la soudure et réalise un grillage avec des fers et du métal. En deux ans, lui et ses collègues ont retapé près de 20 bacs à ordures. « L’idéal c’est de réparer le plus de bacs à ordures possibles. Ce qui se passe maintenant c’est que nous retapons dans l’urgence et nous dépensons encore plus puisqu’ils nous sont ramenés complètement détruits alors qu’il est possible de les entretenir et les maintenir dans d’assez bon état » explique-t-il. La ville compte maintenant neuf dépotoirs, quatre disposent de bacs à ordures. Sur les cinq sites où il n’y a pas de bac, le personnel de la mairie doit donc les enlever à la pelle pour les mettre dans le camion. D’après Aly Said Eric Mohadjy, il faut soixante bacs à ordures à installer à travers la ville pour assurer la propreté de la ville et ce jusqu’à la périphérie. Il faut également, au moins trois camions-bennes pour enlever et remplacer ces bacs. Pour l’heure, les ménages cherchent par eux-mêmes des solutions pour se débarrasser de leurs ordures : enfouissement, incinération en plein air, créant souvent des problèmes de voisinage.
Du côté du CEG François Mahy, des prisonniers de la maison carcérale d’Antsiranana participent au nettoyage des rues et des alentours du dépotoir. Chaque jour, quatre à six hommes balayent la rue entre la maison centrale et le CEG François de Mahy.
Les agriculteurs qui ont leurs champs de culture à proximité de la décharge municipale se plaignent car les déchets se propagent, risquant de boucher le canal d’eau qui irrigue les champs. Tous les deux mois il faut repousser le tas d’ordures de la route pour éviter qu’il bloque la circulation. Difficile de promettre une solution immédiate selon des responsables au sein de la Commune puisque le déplacement de la décharge ou/et la recherche de partenariat pour la transformation n’est qu’au stade de la négociation.

Ramaroson Mamiharijaona
Transformer les sacs plastiques usagés en matériaux de construction
La transformation du plastique permet d’obtenir des pavés autobloquants, de la tuile, mais la méthode de fonte, appelée méthode chimique aqueuse
La transformation du plastique permet d’obtenir des pavés autobloquants, de la tuile, mais la méthode de fonte, appelée méthode chimique aqueuse

Les recherches de Ramaroson Mamiharijaona, professeur en matériaux à l’école supérieure polytechnique d’Antsiranana et de ses étudiants ont abouti à la transformation du plastique. Cette transformation permet d’obtenir des pavés autobloquants, de la tuile, mais la méthode de fonte, appelée méthode chimique aqueuse « ne dégage pas de la fumée et donc ne représente pas de danger pour la santé et l’environnement (il n’y a pas de vapeur toxique)». Le mélange plastique et autres matériaux (sable, gravillons) permet de réaliser des pavés autobloquants pour les cours ou les routes selon la composition. Le Pr Ramaroson Mamiharijaona affirme que cette transformation est intéressante du point de vue du coût et donc du prix de vente. Ailleurs, le prix est de 30 000 Ariary le m2, les chercheurs de l’ESPA estiment à 25 000 Ariary le m2 pour ces produits. Un étudiant que le Pr Ramaroson a encadré et formé au sein de l’ESPA a d’ailleurs ouvert un atelier de fabrication de pavés autobloquants à base de plastique dans la Capitale. Ce décret interdisant la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des sachets et des sacs plastiques impliquerait quelques difficultés dans l’entreprise, néanmoins, le Pr Ramaroson soutient que tout ce qui est polyéthylène peut servir pour la composition. Du point de vue pratique, 20 kg de sachets permet d’obtenir 5 kg de liant suivant la méthode de fonte avec fumée. Pour la méthode chimique aqueuse, 20 kg de sachets, mélangés à des déchets charbonneux permet d’obtenir 60 kg de liant. La résistance du produit a été testée au laboratoire des travaux publics et les pavés peuvent supporter jusqu’à 33 tonnes.

■ V.M

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