Difficile d’imaginer Gervais sans sa Renault 4L. Toute personne qui entre dans son taxi sentirait que le volant semble être le prolongement des mains de ce chauffeur aguerri
Chaque fois qu’il se présente, l’homme dit qu’il s’appelle Gervais (tout court), mais beaucoup l’appellent « Sambava », que ce soit à Diego Suarez ou dans les régions périphériques où il a l’habitude de conduire des touristes. Sambava, du nom du chef-lieu de la région SAVA (nord-ouest) où il a été chauffeur de taxi de 1999 à 2001.
Gervais a été élevé par ses grands-parents. Le chemin était tracé, quelques années en école primaire puis le garçon exercera le métier d’agriculteur. Il a en effet passé quelques années sur les bancs de l’école et garde les zébus durant les heures où il n’y est pas. Des moments qu’il se rappelle, parmi les plus mauvais souvenirs de sa vie. « Il fallait sortir, garder les bœufs, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il soit ensoleillé. Aucun choix » dit-il. Dans les années 1990, alors qu’il est adolescent, cultivant lui-même ses champs de riz, l’agriculture passe une période difficile et la production n’est pas à la hauteur de ses espérances. Gervais décide de tracer lui-même son chemin et abandonne la région reculée où il vivait pour se rendre à Anivorano nord où il travaille dans un garage et apprend la mécanique. Il se rend par la suite à Antsiranana où il obtient son permis de conduire. Il décide de travailler en tant que chauffeur de taxi. « La mécanique, la réparation sont de rudes tâches et c’est salissant » soutient-il avant d’ajouter « c’est pour cela que maintenant, lorsque ma voiture est en panne, je ne la répare pas moi-même. Je l’emmène au garage. D’ailleurs, à chacun son travail, moi je suis taximan, d’autres sont mécaniciens. Pourquoi les priver de leur gagne-pain ? » Et Gervais ne touche à sa voiture que lorsqu’il est loin des mécaniciens, dans la brousse.
Depuis l’arrivée des taxi-moto dans le transport urbain de Diego Suarez, Gervais a vu ses recettes baisser surtout qu’il a pris la décision d’acheter une 4L et de travailler pour lui-même. « J’aime l’indépendance, décider moi-même quels sont mes objectifs sur le plan professionnel et décider comment les atteindre » assure-t-il. Ce propriétaire de taxi se soucie donc, comme tout conducteur-salarié, du montant à atteindre chaque jour pour son foyer, pour l’entretien du véhicule et pour ses projets personnels. Avec l’arrivée en masse des « bajaj » Gervais, comme d’autres propriétaires de taxi de marque 4L ont dû étudier d’autres moyens pour gagner de l’argent. « Avant j’évitais les étrangers parce que je ne parlais que le malagasy » raconte-t-il, mais depuis qu’il a constaté que les touristes étrangers préfèrent voyager en 4L pour rejoindre certains sites touristiques, il a pris son courage à deux mains et a improvisé pour se faire comprendre. Gervais affirme « ma décision d’accepter des clients vazaha a sûrement été la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie professionnelle. Je parle mieux le français et je vis bien de mon métier ». En ville, à Joffreville, Ramena… Gervais conduit les touristes pour visiter la Capitale du nord et ses environs. Il gagne surtout sa clientèle grâce au bouche-à-oreille et ne sait même pas qu’il contribue à confirmer cet accueil réputé chaleureux de Diego Suarez et même de tout Madagascar.
Gervais est chauffeur de taxi depuis près de vingt ans, il pratique toujours la riziculture. Il n’a pas réussi à abandonner l’activité de ses ancêtres, d’autant plus que l’agriculture est jusqu’à maintenant un secteur qui rapporte.
■ V.M