Pour achever le retour à l’ordre constitutionnel après la période de crise le Sénat reste à mettre en place mais les élections qui se préparent ne suscitent qu’un intérêt mitigé au sein de la population
La population ne se sent pas concernée
De part le mode de scrutin et parce que le rôle et le pouvoir du sénat ne sont pas connus du public, la majorité des citoyens ne s’intéressent pas aux élections sénatoriales. Les sénateurs sont pourtant redevables envers la population car ils représentent le lien entre le gouvernement et les collectivités territoriales décentralisées, parce qu’ils constituent le pouvoir législatif et parce que les grands électeurs sont élus par le peuple. Il n’y a que les intellectuels et ceux qui ont des intérêts politiques à envisager qui suivent l’organisation des élections et les arguments des candidats. Les rares affiches que l’on trouve sur les emplacements officiels provoquent l’étonnement « il y a des élections ? Lesquelles ? » Et puis « les sénateurs, c’est pourquoi faire ? ». L’on se pose même des questions quant à la nécessité de la mise en place du Sénat alors que des pays comme Maurice « se porte quand même bien » sans qu’il y ait un Sénat. Le mode de suffrage, universel indirect, éloigne les gouvernés des élus et pourtant le rôle que la Constitution attribue aux sénateurs est considérable « …le Sénat conseille le Gouvernement en matière de développement économique et sociale d’une part et en matière de décentralisation… » comme le précise l’article 6 de la loi 2015-007. De plus, le Sénat contribue à garantir la bonne gouvernance. Telle que l’existence de commissions, « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions au Sénat. »
Campagne et élections en pleine saison de pluie
Les candidats savaient dès le départ que la campagne électorale serait difficile surtout dans la région SAVA (Sambava, Antalaha, Vohémar, Andapa) d’autant plus que la plupart des candidats vivent à Antsiranana. Dans la région DIANA, l’accès vers les communes rurales est difficile, mais n’est pas impossible.
Pour la campagne électorale de 21 jours, il a fallu une bonne planification car si les équipes prennent la voie terrestre, il faut compter plus de deux semaines pour faire l’aller-retour Antsiranana-région SAVA. En début de saison des pluies, il faut plus que de la volonté et du courage pour affronter la RN5A (Ambilobe-Vohémar). Pour l’équipe de Seramila Mino de la liste MAPAR, il a fallu prendre une vedette à Ambolobozo (Antsiranana II) pour rejoindre Vohémar, puis faire le tour de la SAVA en 4*4, ce qui a duré une semaine. Par ailleurs, il a fallu aux candidats trouver le moyen de réunir le plus de grands électeurs en un lieu car il est impossible de les rencontrer dans les communes. La région DIANA compte en effet 62 communes contre 79 pour la SAVA. En outre, tous les candidats n’ont pas les moyens pour les déplacements, certains ont donc eu recours aux nouvelles technologies de la communication pour faire passer leurs argumentations et programme.
La question se pose aussi quant à l’accès ce 29 décembre (jour des élections) des électeurs aux bureaux de vote qui sont installés dans les chefs-lieux de districts.
Pression ou volonté expresse d’induire les électeurs en erreur ?
Pour les rares citoyens qui s’intéressent à ces élections sénatoriales, la question se pose quant à la liberté du grand électeur. A chaque commune un bureau de vote qui se trouve au chef-lieu de district. Avec une dizaine d’électeurs seulement et pour des votants qui se connaissent, personnellement et politiquement, ne serait-il pas facile de faire pression sur chacun et qu’en est-il du secret de vote ? Philibert Hervé Andriamanantsoa de la CENI (Commission Électorale Nationale Indépendante) soutient que l’effectif des électeurs est suffisamment important pour qu’aucun ne puisse identifier le choix de tel ou tel votant. Pour ce qui est de la pression, Sambiavy Edouard de l’association MAMIMAD a soutenu qu’avant le débat télévisé, entre les candidats, enregistré et diffusé par la télévision régionale, Varatraza, il ne pensait pas que cette pression existait. Durant ce débat, Félicien Milison représentant du candidat du Hery Vaovaon’i Madagasikara énumérait en effet toutes les réalisations de l’État au profit de la région Nord et « qui devraient être déterminantes dans le choix des sénateurs pour la province d’Antsiranana» soit la liste HVM. Il a soutenu que « le HVM est totalement dépendant de l’État et que si la région veut le développement, il ne faut pas se séparer de l’État ». Félicien Milison qui déduit qu’il n’est point nécessaire de faire de la pression car ces réalisations parlent d’elles-mêmes : « extension de l’aéroport international de Nosy Be, constructions routières qui vont démarrer d’ici peu, PIC 2, etc. » Ces affirmations ont choqué le candidat de l’association Zaho Mba Tompony, Laou-Po Wilfrid qui a répondu « le Président de la République n’est pas président du HVM et ces réalisations ne sont pas celles du HVM, mais de l’État. L’État c’est nous tous, c’est le peuple, ce n’est pas un parti. PIC 2 est un financement de la Banque Mondiale pour Madagascar et non pour le HVM ».
Pour les candidats, le mode d’approche des grands électeurs est quasi-identique, des réunions en groupe ou discussion en tête-à-tête. Toujours est-il que certains se félicitaient d’avoir montré aux populations des deux régions la voie à suivre pour le développement des deux régions. Toutefois, force est de constater que rares sont les candidats qui ont des idées bien précises de ce qu’ils entendent mettre en œuvre pour les collectivités territoriales décentralisées. D’autres semblent découvrir pour la première fois (lors du débat télévisé) la loi organique n°2015-007 sur les règles relatives au fonctionnement du sénat.
■ V.M