L’orpaillage, depuis qu’il ne se limite plus à chercher l’or dans les alluvions, est devenu un métier très dangereux pour les hommes qui défient la nature en descendant à des dizaines de mètres sous terre sans mesures de sécurité ni équipements adéquats
Les mythes et rumeurs autour de l’or de Betsiaka alimentent les rêves des orpailleurs qui viennent pour la plupart de bien loin. « Beaucoup d’or à Betsiaka… quelques kilogrammes et on est milliardaire » et les orpailleurs mettent leurs forces, voire leurs vies au service de leurs rêves. Bravant les dangers, allant à descendre jusqu’à 60 mètres sous terre au risque de ne plus pouvoir respirer, la vie dépendante d’une corde et de la confiance aux co-exploitants. « Une mine qui s’écroule peut tuer cent hommes en un seul coup » dit un orpailleur d’Ambilo, village très prisé des petits exploitants.
Richard est un habitué des mines. C’est son beau-père qui lui a fait découvrir le métier, celui-ci a perdu la vie quand un jour la terre s’est écroulée sur lui. Ce qui n’a pas du tout découragé Richard Razafitsimiovalaza qui n’a que « chance et risque » en tête. Le quinquagénaire a lui-même failli mourir un jour lorsque le puits dans lequel il travaillait s’est affaissé sous la pluie. Lui et deux autres hommes ont pu survivre grâce à un petit espace encore aéré. Ils ont été sauvés après des heures dans le noir, sans boire et manger.
Bien qu'il emploie douze à vingt six hommes, cela n’empêche pas Richard de descendre lui-même dans les puits
Richard vit de la recherche d’or et de pierres précieuses depuis 1989. A Ambilo, il préside le Vaomieram-patana du secteur, la commission chargée de l’étude des demandes et de l’octroi des autorisations pour les exploitants artisanaux. Richard ne se fait pas d’illusion, tout le monde le connaît, mais tous ne l’apprécient pas forcément à cause de cette fonction. Avant, Richard travaillait, en creusant, pour des « sponsors », c’est ainsi qu’on appelle les gens qui ont de l’argent et qui peuvent financer des hommes pour chercher l’or et leur fournir du matériel. Maintenant, il a huit carrières et devient à son tour sponsor. Dans chaque carrière, il emploie de douze à vingt six hommes. Ce qui n’empêche pas Richard de descendre lui-même dans les puits pour creuser. Au fond de ces puits, les hommes utilisent des barres à mines, burins et marteaux. La terre est mise dans des sacs que l’on remonte pour extraction à la batée. Dans ces exploitations artisanales (périlleuses) les hommes les moins expérimentés doivent toujours être accompagnés des plus anciens. Certains prétendent que la terre leur parle et que là réside le secret pour trouver de l’or et éviter les dangers. En réalité, les dizaines d’années passées dans les mines jouent en la faveur des exploitants artisanaux comme Richard, même s’il n’a pas d’outil ou de matériel de détection. Contrairement à ce que pensent les critiques, ces petits exploitants (tout au moins les plus chevronnés) ne creusent pas à l’aveugle, mais il va de soi qu’ils ne divulguent pas leurs astuces. Richard a depuis longtemps perdu ses illusions sur les grosses découvertes et les enrichissements soudains. Des gens de Betsiaka parlent de découverte de pépites d’or de plusieurs kilogrammes, Richard répond que pour avoir de telles quantités en très peu de temps, il faut au moins quarante hommes qui trouvent chacun quelques grammes... Le maximum qu’il ait jamais découvert en un temps minime était de 10 grammes.
Le métier de Richard est très dangereux. En cas de décès, la famille ne reçoit ni indemnité ni dédommagement. Le risque provient de la terre et du puits, mais les autres exploitants artisanaux sont à considérer. « L’existence de litiges sur les carrières augmente les risques. Les hommes peuvent en venir aux mains. Il arrive que l’on découvre un cadavre dans les puits et il est souvent difficile de déterminer si l’individu est mort par accident ou s’il a été assassiné » raconte Richard.
Richard Razafitsimiovalaza est arrivé à Betsiaka vers la fin des années 1980, il y est resté jusqu’en 1997. Puis il est allé creuser à Ambondromifehy pour trouver du saphir, ensuite à Ilakaka (dans le sud), à Andilamena (région Alaotra), à Mananjary (sud est) pour du corindon, Antetezambato pour chercher du grenat demantoïde. Au terme de cette course après les richesses minières à travers le pays, Richard est revenu à Betsiaka en 2008. A son arrivée dans cette région, il y a 26 ans, le prix du gramme de l’or était de 6 500 Fmg (1 300 Ariary), il varie maintenant entre 60 000 et 80 000 Ariary. Les collecteurs de poudre d’or sont installés en bord de la RN5A, ils revendent à de plus gros collecteurs étrangers ou de la capitale qui missionnent à Betsiaka des gens de confiance pour l’achat. Chez les exploitants artisanaux, l’argent obtenu de la vente est départagé entre les différents travailleurs : des creuseurs aux sponsors. Les boutiques et épiceries pullulent à Betsiaka car la plupart des orpailleurs ont des activités secondaires que les époux ou épouses entreprennent. Difficile en effet de s’assurer que l’orpaillage rapporte suffisamment chaque jour pour que les besoins des familles puissent en dépendre.
■ V.M