Andry Ravololonjatovo est éducateur numérique, il est un grand utilisateur des nouvelles technologies. Il nous parle des enjeux et atouts pour la communauté d’utilisateurs.
Hiary Rapanoelina, administrateur de page Facebook dont les sujets tournaient autour des célébrités malagasy a été arrêté et risque une peine de prison pour « diffamation publique, incitation à la haine, violation de correspondance, atteinte aux bonnes mœurs et intégrité d’autrui ». Un choc pour les utilisateurs assidus des réseaux sociaux qui pouvaient se croire à l’abri dans le monde virtuel. Ce qui est publié sur les réseaux engage et crée une responsabilité.
LTdD : Les discussions ou publications touchant la vie privée/publique des gens, dont les célébrités, sur Internet se « digèrent » mieux à l’étranger, en France ou aux Etats-Unis par exemple, mais ont beaucoup plus de mal à passer à Madagascar. Nous, Malagasy par notre culture et nature discrète ne sommes-nous pas prêts à entrer dans ce monde où tout ce qui vous concerne est divulgué, souvent même sans votre avis et autorisation ?
Les Malagasy vivent quelque part entre le Moyen-Âge et le troisième millénaire. L'arrivée des nouvelles technologies à Madagascar a été un grand choc. Tout à coup, un peuple longtemps privé de sa liberté d'expression a eu l'opportunité d'exprimer ses frustrations les plus profondes. Du coup, c'est le grand bordel sur Facebook. Donc, nous ne sommes ni tout à fait prêts ni préparés à l'utilisation à bon escient de ces nouveaux outils.
LTdD : L’administrateur de la page d’un groupe Facebook (Hiary Rapanoelina) a été arrêté et placé en mandat de dépôt, mais des pages similaires avec des dénominations assez semblables font leur apparition et les propos ne sont pas plus tendres que ceux qu’on lisait dans la précédente. La répression est-elle la solution pour un usage plus responsable des réseaux sociaux ?
L'information et la formation seraient plus appropriées si on veut prévenir ce genre de choses. Des ONG le font déjà, comme le cas du Coderbus qui donne des séances d'induction aux réseaux sociaux, aux adultes et aux plus jeunes. L'État devrait en faire de même.
D'un autre côté, il faut savoir que certains groupes Facebook sont secrètement gérés par des groupements politiques, de l'opposition et du régime, pour manipuler l'opinion publique. Toutefois, il nous faut un code pertinent et bien articulé (conjointement élaboré avec des experts des réseaux sociaux et des juristes) pour réguler efficacement toute communication publique, sur et en dehors des réseaux sociaux.
LTdD : Edward Snowden dit qu’il faut combattre les « Fake news » avec la vérité, pas avec la censure. Cela pourrait-il vraiment être efficace ?
La censure n'a jamais été une bonne solution. Comment distinguer les fausses informations des vraies si elles proviennent de citoyens non formés? Il nous faut des médias d'investigation indépendants spécialisés dans la vérification des faits.
LTdD : Certains disent « réseau » d’accord, mais « social » non », les réseaux n’informent pas, il n’y a que du voyeurisme. Ils ne créent pas des liens. Votre avis ?
Le voyeurisme est un acte social. Même dans la vraie vie, les gens s'espionnent. Personnellement, j'ai pu tisser de très bons liens sociaux avec de nouvelles relations, que ce soit dans les affaires ou en amitié. Cela dépend de la manière dont on utilise ces réseaux.
LTdD : Les réseaux servent à véhiculer les idées, les utilisateurs attendent les approbations (maximum de vues et de réactions), ils déclenchent les débats et entendent à ce que les publications soient partagées. Ils cherchent à faire le buzz. Seulement, la tendance veut que buzz soit associé aux scandales. Est-il possible de faire du buzz avec du positif ?
Il est possible de faire un buzz avec des nouvelles positives. Une poignée de storytellers malgaches s'activent à raconter les bonnes choses qui se passent au pays, dans le but de motiver la population qui est dans une situation d'extrême désespoir. Je citerais leblogdemadagascar, Everyday Madagascar, Soamanambara et Aizawaiza.
LTdD : Les gens qui refusent d’intégrer et qui ne veulent même pas entendre parler des réseaux sociaux… Ils ont tort ou raison ? D’ailleurs, les réseaux sociaux sont-ils contournables ?
Je me méfie des gens qui peuvent mais qui ne sont pas sur Facebook. Tourner le dos à un formidable outil comme Facebook est un signe d'ignorance et d'anti-socialité. Tu peux vendre tes produits sur Facebook. Tu peux y trouver du travail, du vrai. La plupart des grandes sociétés et les ministères publient leurs actualités sur Facebook. Tu peux y retrouver tes anciens camarades et même t'en faire de nouveaux. Tu peux aussi faire entendre ta petite voix par le grand public et exprimer ton opinion. Tu peux donner l'alerte et signaler des cas d'insécurité ou de catastrophe dans des régions sans journalistes. Pourquoi refuser le progrès ?
■ V.M